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Hommage à Charlie Chaplin, le vagabond de génie

Par Abarguillet

Collection AlloCiné / www.collectionchristophel.fr

   - Londres 1889 - Vevey 1977 -

L'histoire du 7e Art ne serait pas ce qu'elle est sans Charlie Chaplin. Alors que le cinématographe faisait ses premiers pas, il a tout inventé. Ne fut-il pas le premier à se revendiquer auteur complet, en concevant, produisant, écrivant, jouant, mettant en musique et en scène ses propres films, homme orchestre exemplaire et inégalé ? La vie de Chaplin se confond avec celle de cet art qu'il va servir avec génie, étant de ceux qui surent le mieux lui conférer crédibilité et dignité. Enfant de la balle, Charlie Chaplin part en tournée aux Etats-Unis en 1912, après une enfance londonienne misérable, où il passa la plus grande partie de son temps à observer. Dès lors, les choses s'accélèrent pour lui : remarqué par Mack Sennett, le spécialiste du burlesque, il débute au cinéma en 1914, d'abord comme acteur, puis, très vite, comme réalisateur. Son rythme de travail devient alors frénétique, pas moins de cinquante réalisations entre 1914 et 1919. Ce sont des comédies, d'une bobine d'abord, soit dix minutes, de deux bobines ensuite, où il affine, par petites touches, son personnage d'éternel vagabond et où se perçoit déjà son souci artistique et social. Celui que l'on nommera volontiers Charlot, se baptise lui-même " The Tramp", le vagabond, figure universelle dans laquelle l'humanité entière se reconnaît. Dans des courts métrages déjà très élaborés comme  L'émigrant  ( 1917 ) ou  Une vie de chien  (1918) ou encore  Charlot soldat  (1918), il s'oriente nettement vers un discours humaniste, bien que le sérieux du propos ne gâche en rien l'émotion ou l'irrésistible invention comique.


CHARLIE CHAPLIN, LE VAGABOND DE GENIE
 
CHARLIE CHAPLIN, LE VAGABOND DE GENIE
CHARLIE CHAPLIN, LE VAGABOND DE GENIE
 
CHARLIE CHAPLIN, LE VAGABOND DE GENIE


En 1919, Chaplin crée avec les acteurs Mary Pickford et Douglas Fairbanks Les Artistes Associés, structure ambitieuse dont, parmi les fondateurs, il sera le seul à profiter pleinement, s'assurant ainsi une indépendance artistique quasi totale. Par exemple, il pourra attendre des années, soit 1940, avant de produire son premier film parlant,  Le Dictateur,  un chef-d'oeuvre où il met en scène Hynkel, décalque caricatural de Hitler et le napoléoni, celui inénarrable de Mussolini. La scène où le dictateur joue avec la mappemonde changée en ballon, qu'il peut faire tourner et sauter selon sa volonté et qui finit par éclater, est un morceau d'anthologie, ainsi que le discours du fuhrer au tout début du film et l'appel à la paix du petit juif que l'on a pris pour Hinckel et qui clôt le film de façon bouleversante. 
Et, fallait-il qu'il soit sûr de son art et de son public pour oser s'interrompre en plein succès de 1918 à 1921,  avant de revenir avec son premier long métrage, encore muet toutefois,  Le Kid ,  épreuve jusqu'alors jamais tentée par des comiques, trop conscients de ne disposer que d'un  public volatile. Mais celui de Chaplin ne l'est pas, pour la bonne raison que l'artiste ne se contente pas d'être un clown génial, mais se révèle être aussi un formidable peintre de la société et un moraliste profondément humain. Le triomphe qui accueille le film, où il dépeint la jeunesse misérable d'un pauvre petit gosse de la banlieue londonienne qui lui ressemble comme un jumeau, recueille l'adhésion unanime de la critique et sera une source d'inspiration pour les comiques, ouvrant la voie à Buster Keaton, Harold Lloyd et même Jerry Lewis. Les gags, produits au prix d'un travail minutieux, s'enchâssent dans un narratif mélodramatique à la Charles Dickens : cet équilibre élégant entre rire et larmes sera désormais la marque de l'art de Chaplin. Pendant deux ans encore, il réalisera des courts métrages mais en nombre plus parcimonieux.
En 1923, le cinéaste étonne en prenant de nouveaux risques et en réalisant L'opinion publique, oeuvre dans laquelle il ne joue pas et laisse la vedette à sa compagne du moment, l'actrice Edna Purviance. Ce succès surprend les cinéastes de l'époque, qui prennent conscience du pouvoir suggestif de l'image et de la force recélée par la pellicule, lorsque celle-ci est bien utilisée. De Lubitsch à Renoir, nombreux seront ceux qui se référeront désormais à lui et à ce film en particulier, le considérant comme une oeuvre phare. Dorénavant ses films ne seront plus que des longs métrages longuement conçus, produits à un rythme de plus en plus lent mais qui, à chaque fois, constitueront un événement.  La Ruée vers l'or  ( 1925 ) frappera par le souffle épique de certaines scènes,  Le Cirque ( 1928 ) sera un hommage émouvant aux fondements mêmes du comique cinématographique, où l'acteur atteint, dans sa gestuelle, une grâce souveraine. Les lumières de la ville ( 1931 ) représentent, quant à elles, un pas de plus dans le drame : si la comédie est éblouissante ( les démêlés de Charlot avec un riche noceur qui ne se souvient plus de lui quand il est sobre ),  l'émotion reste très présente et touche au paroxysme au moment des retrouvailles du pauvre vagabond avec l'aveugle qu'il a protégée ; on parvient là à l'un des sommets de l'art de Charlie Chaplin et ce moment compte parmi les plus bouleversants du 7e Art. Enfin  Les temps modernes  ( 1936 ), satire du machinisme et du monde industriel sera son dernier film muet, conclusion magnifique où Chaplin quitte presque définitivement sa défroque de Charlot et où sa vision d'un monde robotisé est absolument stupéfiante.


CHARLIE CHAPLIN, LE VAGABOND DE GENIE
 
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Après Le dictateur, dont j'ai parlé plus haut, c'est sous les traits de Monsieur Verdoux  ( 1947 ) tueur de rombières inspiré de Landru, que l'auteur-acteur-réalisateur va revenir au cinéma parlant et prolonger son discours pacifiste, en même temps qu'il commence à déplaire à une Amérique bien-pensante qui lui reproche ses sympathies politiques et son mariage récent avec une jeune fille, dont il pourrait être le grand-père, sa femme Oona. Blessé, Chaplin quitte les Etats-Unis et revient en Angleterre, sa terre natale, où il signera son dernier grand chef-d'oeuvre  Limeligt  ( Les feux de la rampe - 1952 ), histoire d'un clown déchu, où l'artiste universellement admiré laisse apparaître son angoisse de ne plus faire rire, et éblouissante réflexion sur le monde du spectacle que je considère personnellement comme l'un de ses plus beaux films. Installé dorénavant au bord du lac Léman avec sa nombreuse famille - sa femme Oona lui donnera 9 enfants - il regagne Londres pour tourner  Un roi à New-York  ( 1957 ), satire du maccarthysme et de la civilisation montante de la télévision, puis  La comtesse de Hong-Kong, avec Sophia Loren, comédie sentimentale un peu surannée mais poignante où, à travers un personnage de femme errante, il semble renouer avec le personnage de l'éternel vagabond.

Pour lire mes critiques des films de Chaplin, cliquer sur leurs titres :   Les lumières de la ville  (d'autres vont suivre)


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