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Anthologie permanente : Dorion, Dohollau, Dickinson & Tardieu

Par Florence Trocmé

 

Poezibao souhaite un bon Noël à tous ses lecteurs.
Ce matin, recherches éperdues dans la bibliothèque pour tenter de trouver un poème qui ne soit pas trop lourd, amer, désespéré, angoissé, angoissant. Refeuilleté plus de vingt livres sans succès, sauf ces quelques textes, glanés chez des auteurs complètement différents mais qui seront offerts ce matin pour attester, peut-être, de la survivance des lucioles*
Au bout du chemin, la maison. Des arbres
l’enserrent – l’onde fragile du temps.
le remous, plein la fenêtre.
Tout ce qui est advenu brûle encore
livré aux nuages qui sillonnent l’horizon
et s’amoncellent comme des semences.
Lampe, table, chaise. Une vie
où chaque ici repose
sur la branche du souvenir
qui ne se rompt.
Hélène Dorion, Ravir : les lieux, Éditions de la Différence, 2005, p. 22
* * *
LES SOURCES
Sa faufilant plus bas
Leur musique clôt
Un cadre d’espace
Nous maintenant au bord
De ce qui tombe
La maison dans leurs bras
Persiste et signe
Le droit à l’éphémère
De ce qui dure
Un leurre de lumière
Brille et se sauve
Heather Dohollau, La Terre âgée, Folle Avoine, 1996, p. 79
* * *
Les Veines d’autres Fleurs
Sont Fleurs écarlates
Tant que pour « branche » ou « jugulaire »
La Nature n’est pas prête.
Nous passons et elle demeure.
Nous conjuguons Son Art
Mais Elle, sans syllabe,
Crée et fédère −

The Veins of other Flowers
The Scarlet Flowers are
Till Nature leisure has for Terms
As « Branch », and « Jugular »
We pass, and she abides.
We conjugate Her Skill
While She creates and federates
Without a syllable −
Emily Dickinson, Car l’adieu c’est la nuit, choix, traduction et présentation de Claire Malroux, édition bilingue, Poésie/Gallimard, n° 435, 2007, p. 218&219
* * *
Télégramme
MOI JAMAIS CONTENT RESTER MÊME CHOSE
MOI TOUJOURS PARTIR NOUVEAU
FUIR ENNUI DU TOUJOURS MÊME
TOUJOURS ESPÉRER TROUVER FENÊTRE
AU BOUT TUNNEL APRÈS SUIE ET OMBRE
TOUJOURS VOULOIR BRISER ENTRAVES
OUVRIR PORTE SAUTER MONTER
LÀ-HAUT OÙ NOIR-NOIR
S’ÉCARTE OÙ BRILLE AURORE
TOUJOURS FRAÎCHEUR TOUJOURS
INCONNU RECONNU.

                                                   (de nulle part. An zéro.
                                                   (Signé :Personne
)
Jean Tardieu, Comme ceci comme cela, in Œuvres, Quarta Gallimard, 2003, p. 1253.
Survivance des lucioles est le titre du dernier livre de Georges Didi-Huberman, paru à l’automne 2009 aux Éditions de Minuit : « les lucioles n’ont disparu qu’à la vue de ceux qui ne sont pas à la bonne place pour les voir émettre leurs signaux lumineux ».


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