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"STRANGE DAYS" ( 1995 ) de Kathryn Bigelow

Par Charlyh

2009 est mort, vive 2010 !!
Et oui, chers amis, chers ennemis, nous venons d’entrer dans une nouvelle décennie.
Ainsi pour fêter cela, je vous propose un petit souvenir cinématographique.
Les souvenirs étant justement un point essentiel du film que j’aimerai vous faire découvrir ou redécouvrir :


« STRANGE DAYS » ( 1995 ) de Kathryn Bigelow

Le réveillon – de l’an 2000 en l’occurrence – étant lui le moment clef du film.
Un réveillon vieux de dix ans, loin de tout bug informatique mais que la réalisatrice et son ou ses scénaristes ne voyaient tout de même pas de toute gaité il y a maintenant quinze ans. Vous suivez toujours ?

A quelques heures de la fin de l’année 1999 et de l’entrée tant attendue dans le nouveau millénaire de l’an 2000 et du XXIème siècle, Lenny Nero, dealer de squids ( petits disques d’instants de mémoires et de souvenirs d’autrui ), va voir sa vie chaotique encore plus bouleversée lorsqu’il va se retrouver témoin à distance et en retard via cette technologie de crimes.
L’ancien flic qu’il fut tentera-t-il quelque chose ou non ?

Abordant la venue du nouveau millénaire sous l’angle de l’anticipation technologique plus que science-fiction, la réalisatrice du culte « POINT BREAK ( EXTREME LIMITE ) », film de braqueurs surfeurs accrocs aux sports extrêmes de 1991, qui reste le film culte de Brice de Nice tout de même ( mince ), mais surtout réalisatrice du crépusculaire et anarchique film de vampires de 1987 «  AUX FRONTIERES DE L’AUBE ( NEAR DARK ) » pour le mordu que je suis, Kathryn Bigelow signe, hélas, avec ce film l’un de ses premiers flops commercial… pour ne pas dire bide.
Ce budget de 42 millions de dollars n’en récoltant qu’à peine sept.

Etait-ce l’éventuelle vision d’un avenir proche livré au chaos et régulé par une loi martiale qui effraya le public ? Le script ayant germé en pleines émeutes de Los Angeles après la bavure et le crime policier des forces locales ayant tabassé Rodney King sous des caméras sur une bretelle d’Highway.
Ce même public habituel des cinémas de l’époque n’était-il pas encore préparé à une révolution cyberpunk ? engendrée quelques semaines de 1995 auparavant avec un autre flop cinématographique - bien que comptant Keanu Reeves dans sa distribution - ce « JOHNNY MNEMONIC » de Robert Longo, mais qui n’éclatera dans les consciences formatées de moutons synthétiques qu’à partir de la trop célèbre trilogie « MATRIX » en 1999 des frères et sœur ( pour être mauvaise langue ) Wachowski – avec toujours le même Keanu Reeves en personnage principal.
Et parmi les rares questions additionnelles que je ne saurai me poser, je ne pourrais pas non plus expliquer le désengouement du public pour ce film de 145 minutes sorti le 7 février 1996 chez nous.

On ne pourra en accuser l’excellent casting.
L’officier nazi Amon Goeth de « LA LISTE DE SCHINDLER » de Steven Spielberg, révélé deux ans plus tôt en 1993, Ralph Fiennes faisant oublier l’horreur de ce personnage en endossant les chemises à motifs de mauvais goût ( je ne dis pas que les motifs soient de mauvais goût, surtout pas en ayant commencé mon paragraphe sur officier nazi, mais que les chemises du personnage soient très moches ), les cuirs déformés et la désinvolture et nonchalance d’un dealer lui-même accroc de cette nouvelle technologie qu’il revend. Lenny Nero magnifique personnage central du film errant entre des souvenirs qu’il ne veut pas oublier et dont il abuse, entre ce présent qu’il ne fait que traverser à vive allure et dont il ne se préoccupe et entre son avenir qu’il n’envisage même pas.
La magnifique actrice afro-américaine Angela Bassett ( la Tina Turner du biopic de 1993 après avoir été la Mère Jackson dans le biopic télévisé de 1992 et commencé dans « BOYZ N THE HOOD » en 1991 ) venant l’épauler dans ce rôle féminin de femme qui en a ( des couilles et du courage ), mère de famille célibataire assumant à la fois les fonctions de chauffeur de limousine de location et de bodyguard. Double sur pellicule de l’une des réalisatrices les plus couillus de l’époque, le personnage de Mace n’en reste pas moins une femme sous ces costumes et au fond d’elle-même. Femme d’honneur et de principes qui n’en reste pas moins la meilleure amie de cet antihéros et looser de Lenny – les contraires semblant si bien s’attirer comme dit le dicton.
Notre duo d’acteurs et de personnages évoluant ainsi dans cette courte vision d’un avenir que des émeutes à la veille d’un nouveau monde entourés d’une excellente galerie de personnages :
« STRANGE DAYS » nous révélant la chanteuse en devenir Juliette Lewis. Révélation féminine du « TUEURS NES » d’Oliver Stone en 1994 après des débuts prometteurs dans « KALIFORNIA » et « GILBERT GRAPE » en 1993, la jeune actrice y devient ici fort féminine lors des séquences de flashbacks que se passent en boucle Lenny ( huumm, Juliette en rollers et sur la plage ), toujours aussi fou amoureux et dépendant de Faith, le personnage qu’elle incarne. Mais on retiendra aussi ses talents de chanteuse, débutante et balbutiante, lorsqu’elle interprète à deux reprises ( que je me souvienne ) les titres de la star de rock qu’est devenue Faith. Signant ainsi une nouvelle participation à la BO d’un film ( après son chant sur celle de « TUEURS NES » ) avant de s’aventurer dans l’expérience musicale – et de signer aujourd’hui son second album avec son groupe The Licks.
Le trop rare Michael Wincott portant, lui, le chapeau ou du moins la longue crinière de jais du manipulateur idéal ( et ce n’est pas spoiler ce film aux rebondissements qui savent rester surprenant ) en tant que Philo Gant, le producteur et petit ami désormais ou pygmalion autoritaire de Faith mais aussi producteur ( mais pas petit ami ) du rappeur assassiné Jeriko One. Le cousin du Sheriff de Nottingham en 1991 dans le « ROBIN DES BOIS » de Kevin Reynolds trouvant là un rôle de nouveau ou presque à la mesure de celui de Top Dollar, ce chef mafieux qui fait rêver plus d’une petite lolita gothique dans « THE CROW » d’Alex Proyas en 1994. Et depuis ? Une apparition en pirate spatial ( aux cotés d’un Gary Dourdan des « Experts » dreadlockeux débutant ) dans le « ALIEN RESURRECTION » de Jean-Pierre Jeunet en 1997 et beaucoup de doublage vocaux de dessins animés et jeux vidéos voire beaucoup trop, snif…
L’acteur Tom Sizemore ( acteur déjà pour Kathryn Bigelow dans ses policiers « BLUE STEEL » et « POINT BREAK » ) étant le cinquième rôle important de cette enquête aux allures de course-poursuite. Max, son personnage, étant une espèce de chainon manquant entre les deux couples, le couple qui s’ignore, le couple d’amis, Lenny et Mace, et le couple professionnel, le couple arriviste, Faith et Philo : meilleur ami et ancien collègue au sein de la police de Los Angeles de Lenny aujourd’hui reconverti, également, comme garde-du-corps de Faith. Lien également entre les deux anciens amants.

En notant que ce casting de 1995 compte trois débutants – ou du moins au statut prometteur en confirmation ( en ce qui concerne le premier ) :
Le futur Robert Goren de l’excellente série policière « New-York, Section Criminelle », Vincent D’Onofrio ( inoubliable Engagé Baleine du « FULL METAL JACKETT » de Stanley Kubrick en 1987 ), y faisant équipe avec le futur agent du FBI accroc aux médocs et futur évadé, Alex Mahone de « Prison Break », William Fichtner : duo de flics également au cœur décentralisé de l’une des affaires du film.
Car si le film nous narre la course-poursuite chronométrée jusqu’au décompte final du douzième coup de minuit ce 31 décembre 1999 de Lenny Nero pour retrouver ce violeur et assassin qui lui laisse les squids de ses exactions, tout en essayant de nous montrer son impossibilité à récupérer le cœur de celle qu’il veut croire encore aimer, « STRANGE DAYS » nous a également présenté la fuite d’une call-girl ( porteuse elle aussi d’un de ces squids compromettants ) poursuivi par deux flics que tout semble désigner comme ripou quand la star du rap, Jeriko One ( comme mentionné plus haut ), a été assassiné !! Un thriller ambiant de technologie futuriste qui reste pourtant classique dans sa construction et que l’on doit à un certain James Cameron.
Mais j’y reviendrais tout de suite, n’oubliant pas de mentionner aux plus attentifs amateurs de jolies jeunes femmes que « STRANGE DAYS » note aussi les débuts en figuration de la future pin-up sexy amérasienne Kelly Hu du « ROI SCORPION » et de « X-MEN 2 ».

Et maintenant : James Cameron.
Car oui, comme vous venez de le lire, le Roi James est à l’origine de l’histoire et du premier jet du scénario de ce film.
Réalisateur explosif et surdoué avec ses deux succès « TERMINATOR » et « ALIENS », James Cameron n’en reste pas moins un scénariste couillu également, ayant signé la totalité des scénarii de ces films ( et se voyant encore aujourd’hui crédité sur des films auxquels il n’a pourtant pas participé : ces « TERMINATOR 3, LE SOULEVEMENT DES MACHINES » et « 4, RENAISSANCE » le créditant toujours et encore de la création de personnages – en sus de l’univers mythologique ) mais aussi d’un film comme « RAMBO 2 » pour les aficionados d’actionner des années Reagan. Et lorsque ce prometteur créatif aux nombreux projets en gestation et signatures attendues ( ou espérées ) alors entend parler de la talentueuse Kathryn Bigelow, réalisatrice qui si elle en avait ( des couilles ) on l’aurait appeler Clint Eastwood et tout juste auréolée de son travail sur le superbe film de vampires crépusculaire et anarchique – comme je l’ai dit en début d’article – « AUX FRONTIERES DE L’AUBE » ( qui renouvelle le genre et mythe avec deux autres films de la décennie : « LES PREDATEURS » de Tony Scott et « GENERATION PERDUE » de Joel Schumacher ), il ne peut qu’aller à sa rencontre – sur le tournage du policier « BLUE STEEL » de la demoiselle ( réalisatrice entre temps de clips pour le groupe proto-goth New Order ) en 1989. Sortant tout juste d’une séparation avec la productrice Gale Ann Hurd ( la productrice de la première trilogie « TERMINATOR » mais aussi des deux récentes versions du Punisher, dont ce « PUNISHER : WAR ZONE » que je vous ai déjà chroniqué ), l’homme n’en restera pas moins insensible aux talents et charmes – j’ose l’espérer – de cette réalisatrice et l’épouse en secondes noces, l’artiste trouvant alors en elle son double artistique. Le réalisateur et scénariste passant ainsi à la production , pour la première fois, sur ce « POINT BREAK » - que vous pouvez connaître sans avoir obligatoirement vu « BRICE DE NICE » rassurez-moi.
Lorsque les époux divorcent : Kathryn Bigelow arrive à faire stipuler que James Cameron lui devra encore un film. Film qui se révélera être le présent « STRANGE DAYS » où il cumulera donc les postes de scénariste, producteur et monteur non-crédité – en ce qui concerne cette dernière tâche.
Livrant à son ex-épouse un scénario non fignolé, pris par ses propres retards sur son remake américain du film français « LA TOTALE » : « TRUE LIES », Cameron verra son scénario ( que vous pouvez découvrir dans l’excellente novellisation du film - mix entre un roman et un scénario avec annotations – disponible encore sur quelques sites d’enchères ) remanié et finalisé par l’un des scénaristes de Martin Scorsese : Jay Cocks ( « LE TEMPS DE L’INNOCENC E » en 1993 et « GANGS OF NEW-YORK » en 2002 ). Mais aux vues du pitch de « AVATAR » aujourd’hui il est évident que le script de ce « STRANGE DAYS » est indéniablement marqué de la griffe et de l’écriture du King James : le personnage du Marine Jake Sully retrouvant l’usage de ses jambes en étant propulsé dans un corps synthétique me rappelant une courte mais émouvante scène du film que je vous propose ce soir, où, pour une fois, l’usage illicite et détournée de cette technologie d’infiltration et d’enquêtes policières que propose Lenny ne sert pas à des dérives sexuelles ou criminelles, notre dealer de protagoniste offrant à son monteur attitré -  de retrouver un instant le souvenir de ses jambes en lui offrant le squid d’un joggeur sur le bord d’une plage. Une fixation auteurale ou anecdote scénaristique que l’homme n’a pu s’empêcher de répéter ou développer ? Un point commun en tout cas qui lie le réalisateur tout puissant aux sources de cet excellent film que je ne saurai trop vous conseiller de voir.

Et pour les mélomanes qui se souviendraient que le titre « Strange Days » est aussi une chanson et le second album éponyme en 1967 des Doors, n’ayez crainte, la bande originale du film compte une cover de ce même titre par l’excellent groupe Prong featuring Ray Manzarek himself !!
La BO comptant aussi l’une des chansons du personnage de Faith : « Hardly Wait », interprétée donc par l’excellente Juliette Lewis sur des lyrics signées P.J. Harvey, tout de même, m’sieurs-dames. L’une des auteurs-interprètes des nineties qui, comme la réalisatrice, avait assez de couilles et de talents pour affronter des stars masculines des charts et bilboards.
Le groupe britannique Skunk Anansie ( apparaissant avec sa charismatique chanteuse lesbienne d’origine africaine, Skin, leader du groupe qui elle aussi en avait des couilles dans ce milieu musical des nineties - sans mauvais humour ou jeux de mots - dans le concert fictif final du Nouvel ) comptant deux titres sur cette même BO : les excellents « Selling Jesus » et « Feed ».
Mais ce même CD comptant aussi un des magnifiques titres écrits par Graeme Revell, compositeur des bandes sons de films comme « THE CROW » ( auquel il est pour moi éternellement associé comme Brandon Lee, Michael Wincott et Alex Proyas, le réalisateur ), « ABSOLOM 2022 » ou « SPAWN » par la suite : le très émouvant « Fall in the Light » en compagnie de Lori Carson, chanteuse de trip-hop ambiant à la magnifique voix.
Vous l’aurez compris, en plus d’être un très bon film d’anticipation virtuelle ou presque, « STRANGE DAYS » de Kathryn Bigelow est aussi un excellent bouquin à dévorer signé James Cameron mais aussi une de mes BO préférées et ce même si sa teneur world ambiant ( avec des titres d’artistes comme Tricky, Kate Gibson ou le doublé de l’un des groupes majeurs de ce genre Deep Forest, en duo avec Peter Gabriel pour le titre final ) pourrait surprendre dans la discothèque d’un metalleux.

Alors, oui, si vous ne saviez pas quoi commander pour vos cadeaux de Noël en retard : allez acheter ce film et vous découvrirez ce qu’est un de ces fameux squids – technologie d’enregistrement des souvenirs d’une personne sur un court laps de temps en laquelle le scénariste et réalisateur James Cameron voulait croire lors de la rédaction de son script, y voyant des adaptations médicales en sus de celles policières proposées en filigranes dans le film.
Et vous découvririez de superbes scènes de vues subjectives pour vous permettre d’imaginer être ceux dont les pensées ont été enregistrées à l’aide de ces facehuggers ( et oui, James Cameron signature ) mécaniques posés sur le crâne. Et je ne pense pas aux scènes de viols ou de ces massages féminins poumonnés sous la douche, bandes de pervers, mais rien qu’à cette scène d’introduction du braquage du restaurant thaï : l’une des meilleures scènes d’intro du cinéma.

Oui, comme Lenny Nero ( sur son répondeur ), je vais avoir la prétention d’être le Père Noël aussi :
« See... I can get you what you want, I can. I can get you anything, you just have to talk to me, you have to trust me. You can trust me, 'cause I'm your priest, I'm your shrink... I am you main connection to the switchboard of the soul. I'm the magic man... Santa Claus of the subconscious. You say it, you think it, you can have it.
Hie ... Je peux vous obtenir ce que vous voulez. Je le peux. Je peux vous obtenir n’importe quoi, il vous suffit de me le demander, vous devez me faire confiance. Vous pouvez me faire confiance, parce que je suis votre prêtre, je suis votre raccourci ... Je suis vous, connecté directement avec les standards de l'âme. Je suis l'homme magique ... Le Père Noël de l'inconscient. Vous le dites, vous le pensez, vous pouvez l'avoir. »

ATTENTION !!! Cet extrait pourrait vous spoiler la fin du film...

Vous pouvez maintenant éteindre la télévision et restez connectés à votre squid, car comme le dit encore et toujours Lenny : ce n’est pas de la TV, c’est encore mieux.

Fiche IMDB ( en français ) du film


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LES COMMENTAIRES (1)

Par AcolyteProd
posté le 24 février à 18:07
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Très bon article ! Je suis partial hé hé puisque mon groupe s'appelle STRANGE DAYS à cause de l'univers dépeint dans ce film.

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BISE