Magazine Cinéma

Les films faits chez soi, comme Warner, Fox et Universal

Par Bix

Digression cinématographique sur les effets spéciaux et la création d'imaginaires visuels pros et amateurs. Ou quand les cascadeurs musclés sont remplacés par des geeks graphistes.

Je vous invite à regarder 3 vidéos. La première est une réalisation d'une boîte d'effets spéciaux de Californie, Stargate Studios, dont je vous conseille de visionner les galeries démo : Les Experts Manhattan, Urgences, Heroes, Dirty Sexy Money... autant de séries dont les extérieurs sont en fait tournés... en studio ! L'intérêt financier est énorme : tourner en extérieur expose aux impondérables de la météo et grâce aux effets spéciaux, plus la peine de construire un énorme décor qu'on détruit ensuite, il suffit de la créer en numérique (voir le composition d'un ferry en feu avec hélicoptère et bateau pompier, à 1mn). Ça sécurise le calendrier et pour une série avec une commande de 25 épisodes par saison, c'est très utile.

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La seconde est réalisée par 3 graphistes qui bossent pour Compost Creative, un studio qui réalise (si l'on en croit le clip qui constitue la totalité de leur site) aussi bien des effets spéciaux que de l'habillage télévisuelle et des infographies 3D. Les mecs sont certes des pros, mais pour réaliser ce qui suit, ils ne se sont servis que de matériel disponible par tout le monde (à l'achat ou par piratage en téléchargement) :

Ça leur a pris 6 semaines et ça a été diffusé sur la BBC, en hommage aux vétérans du débarquement.

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3e vidéo, réalisée par un certain Federico Alvarez, un Uruguayen du collectif Murdoc.tv qui a déjà réalisé des publicités (2 pour Pepsi par exemple). Sur un forum il explique qu'il a utilisé Premiere, After, Photoshop, 3dMax, Boujou, Glu3d and FumeFx et que tout ça ne lui a coûté que 300 $ et pris un an (avec de fortes périodes d'inactivités - sûrement à cause de son "vrai" boulot).

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La généralisation des outils de traîtement de texte et de mise en page a bouleversé le secteur de la PAO : maquettistes, petits imprimeurs, graphistes ont été balayés par la disponibilité quasi gratuite et la fausse facilité à créer soi-même ses cartes de visite ou de vœux. Ça peut faire des choses moches (WordArt, Comic Sans MS, mise en page horrible, logo ringard...), mais des talents émergent ainsi et le web permet une expression plus large de personnes dont le talent aurait été autrement limité à la diffusion par un fanzine universitaire.

Va-t-il se passer la même chose pour le cinéma ? Certes, les productions semi-amateurs sont loin du résultat d'Avatar et ses caméras en réalité augmentée[1] mais quand on voit ce qu'ont réalisé les Américains derrière Star Wars Revelations avec 3 boûts de ficelle, on peut peut-être commencer à s'inquiéter pour la suprématie des studios hollywoodiens.

Quand on voit que les vidéo-projecteurs deviennent également de plus en plus petits et de moins en moins chers, c'est tout l'écosystème du cinéma et de l'audiovisuel en général (production, post-production, projection et diffusion) qui est à disposition des amateurs. Le problème est tout à fait différent de celui du piratage car il s'agit là de création. Si depuis très longtemps n'importe qui, moyennant un peu de talent, peut faire des films et les balancer sur le Net, sortie des films d'appartement, la différence entre pro et amateur était flagrante. Surtout au niveau du son d'ailleurs.

Désormais, vous tendez un drap vert devant votre fenêtre et vous avez vue sur l'Hudson, un peu de sable et c'est l'Égypte, un coup de 3D et vous faites parcourir des robots dans les rues de Dunkerque. Bien sûr personne ne peut mettre plusieurs centaines de millions de dollars et recréer Pandora, ni n'a forcément le temps de réaliser un long métrage. Néanmoins, la barrière technologique et technique s'abaisse et peut permettre aux petits réalisateurs et producteurs de se libérer un peu, au film dit d'auteur de ne plus complexer face aux blockbusters dès qu'il flirte avec le grand spectacle (District 9 montre la voie, à mon avis).

De toute façon, même les studios les plus riches du monde utilisent la méthode du fond vert pour faire croire à une scène banalement filmée devant un palais de justice ou dans une rue de Chicago. Dès lors, où est la frontière entre amateur et pro puisque le moindre film fait à la maison peut se payer des scènes de foule digne de Lawrence d'Arabie et des décors à la Blade Runner ?

Après la démocratisation de l'écrit et de sa diffusion, nous sommes peut-être au début d'une démocratisation des créations d'imaginaires visuels.

Je vous laisse méditer là-dessus.

Notes

[1] James Cameron avait en effet une caméra qui lui permettait de filmer les acteurs sur fond vert, en combinaison verte, et de les voir via l'objectif en Na'vis. En temps réel, oui oui. Une coquetterie à la mesure des caméras pour grande profondeur pour Titanic. La réalité augmentée ? C'est ça. Imaginez les possibilités pour des jeux comme Warhammer... :-)


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