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Réf DT 21: Musulmanes, armes d’invasion

Publié le 07 janvier 2010 par 1132nd

Réf DT 21: Musulmanes, armes d’invasion

Des yeux maquillés derrière un voile: l'incitation à la lecture ou le marketing du "soft power"

Au détour d’une rangée au Bookcourt du Caudan, le voile m’a frappé. Ou plutôt le nombre de voiles. Cette mosaïque a immédiatement réveillé les neurones de mon subconscient qui tentent toujours de sculpter un jugement sur les débats sur l’identité nationale en France ou le port du voile ailleurs en Europe. Mais c’est surtout un titre qui a fait tilt dans ma tête: Mayada, Daughter of Iraq: One woman’s survival under Saddam Hussein de Jean Sasson. La musulmane est à la mode et inspire l’imaginaire d’auteurs qui à leur tour nourrissent les lecteurs occidentaux de récits d’un autre monde.

Je m’étais habitué à la mode lancée par Dan Brown, celui-là même qui a ranimé tout une masse de publications sur les secrets des Franc-Maçons ou les Templiers. Cette vague de publications – dont certaines rééditées pour l’occasion – occupe d’ailleurs toute une section dans les librairies mauriciennes. Depuis quelques temps, je m’étais aussi rendu compte que l’industrie littéraire suit la même logique que l’industrie de la musique: on teste une formule et si elle marche, on inonde le marché de versions similaires, histoire de capitaliser sur la demande qu’on a créée jusqu’à ce que celle-ci s’épuise.

Toutefois, le phénomène de la musulmane martyrisée et oppressée dans un pays pratiquant des lois et valeurs autres que chez les occidentaux m’avait complètement échappé jusqu’ici. La liste des publications est surprenante: Daughters of Arabia, Princess, Mayada, Daughter of Iraq: One woman’s survival under Saddam Hussein de Jean Sasson; A Promise to Nadia, Sold de Zana Muhsen; Tears of the Desert d’Halima Bashir; Burned Alive de Souad et Not without my daughter de Betty Mahmoody. Et encore. Je n’ai pas osé demander au responsable de la librairie sur les autres titres de ces auteurs. Mais une fois rentré, Amazon m’a confirmé que cette liste n’est pas exhaustive.

Pourquoi tant d’engouement et d’intérêt pour ces femmes subitement? Que je sache, l’occident n’a pas vu un Christophe Colomb du 21ème siècle découvrir cette nouvelle partie du monde avec ses valeurs différentes tout récemment. Non, mais voilà, leur armées oui… L’idée m’est immédiatement venue: cette nouvelle vague de publication s’inscrit dans une suite logique de la conquête à travers le « soft power ». Le manque d’unanimité de la présence militaire en Iraq, Afghanistan et d’autres pays arabes fait que l’occident ne doit non seulement justifier ses actions auprès des populations concernées, mais surtout auprès des électeurs occidentaux qui seront appelés à juger leurs chefs politiques bientôt.

Les images de CNN et les articles sur l’arrestation des numéros 50 ou 100 sur la liste hiérarchique d’Al Quaeda n’accrochent plus. Le public a perdu le compte. Il faut donc nous parler autrement. Sur notre table de chevet avant d’aller se coucher de préférence. Nous expliquer comment et pourquoi la présence du soldat blanc sauvera la musulmane des griffes de cette société « barbare » et « passéiste ». De toute façon, tout ce qui n’est pas occidental l’est.

Et le lecteur mauricien dans tout ça? A en croire le nombre de copies disponible sur les étagères de la librairie, il y aurait une demande pour ce thème littéraire. Là, deux théories s’offrent à moi. Soit la tranche de la population qui se cultive se laisse imprégner et bercer par les thèmes que décident d’émettre le monde occidental, quitte à y perdre son jugement sur la culture musulmane. Soit, ça serait une tranche de la population qui se rassure – ou s’autorassure – que la différence de valeurs musulmanes, telle qu’elle est pratiquée à Maurice, n’est finalement pas si mal qu’on aurait pu imaginer. Surtout quand on voit comment cela se passe ailleurs.

Quoiqu’il en soit, après l’histoire des secrets de trésors cachés par des fraternités religieuses depuis la guerre sainte, c’est au tour des yeux maquillés derrière un voile de dynamiser l’économie littéraire. Tout en tentant de nous convertir pendant qu’ils y sont.


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