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Digressions à partir d'une citation de René Girard

Publié le 08 janvier 2010 par Edgar @edgarpoe
"L'animosité grandissante que les gens éprouvent les uns pour les autres, à cause de la taille toujours plus grande des groupes en état de rivalité mimétique, culmine en un énorme ressentiment contre un élément pris au hasard dans la société - les Juifs pendant le nazisme en Allemagne, le capitaine Dreyfus à la fin du XIXème siècle en France, les émigrants d'Afrique aujourd'hui en Europe, les musulmans lors des récents événements terroristes".

René Girard, Les origines de la culture

Deux idées justes ici, sans me prononcer sur les
idées de Girard, qui me séduisent moins qu'il y a une quinzaine d'années, quand j'avais lu à la suite Mensonge romantique, Des choses cachées et La violence et le sacré. Pour faire vite, il me semble aujourd'hui qu'en s'en tenant à des exemples littéraires ou ethnologiques, Girard facilite ses démonstrations.

Dans cette citation pourtant, il applique sa théorie à l'actualité et le fait avec justesse : il faut être aveugle, ou avoir des comptes à régler, pour ne pas voir que le haro sur la burqa relève du phénomène de bouc émissaire.

Deuxième idée forte de Girard : la modernité c'est l'ère des masses gouvernées par des phénomènes de contagion mimétique. De ce point de vue, le bloc Union européenne-Etats-Unis qui se constitue m'effraie : plus les deux se rapprochent, plus leur discours à l'égard de l'extérieur relève du simplisme le plus bête : la méchante Chine, les affreux russes... Les Etats-unis d'Europe et d'Amérique en gestation sont un retour à la grande tribu blanche, quelque chose comme l'Occident reparti pour une croisade, avec la différence que les épées ont été remplacées par des drones et des bombes atomiques.

Ce grégarisme à l'échelle planétaire m'effraie. Quelle différence quand la France soulève le problème de la fraude l'optimisation fiscale à grande échelle pratiquée par Google. Un monde morcelé en états multiples est un monde qui débat, qui vit, qui échappe à la normalisation incessante.

D'ailleurs ça ne rate pas : à peine l'annonce française est-elle faite que les chiens de garde du marché de la Commission européenne annoncent que ce sont eux qui décideront in fine. Il y a encore quelqu'un qui croit que c'est utile de réfléchir à une sixième république ou de choisir un président de la république, à l'heure européenne ?

Une autre citation de Jean-Louis Bourlanges rejoint ce point : "Souverainistes et fédéralistes ont pperdu ensemble, car ils ont continué de croire en la politique. Ce qui gagne, c'est une espèce de gouvernance mondiale indéterminée".

*
Pour conclure, une chanson d'Alain Souchon. En 1977 déjà, crise aidant, les immigrés ont servi de boucs émissaires. J'aime le passage où l'on entend une voix à la VGE glousser quelques horreurs racistes mais polies comme on aime à en glisser dans les salons (contrairement à ceux qui dénoncent les bourgeois aux belles âmes, il y a aussi des bourgeois qui sont prêts à sacrifier du bougnoul si ça peut calmer la populace. Bonne écoute...




Paroles :

Dans les poulaillers d'acajou,
Les belles basses-cours à bijoux,
On entend la conversation
D'la volaille qui fait l'opinion.
Ils disent :

"On peut pas être gentils tout le temps.
On peut pas aimer tous les gens.
Y a une sélection. C'est normal.
On lit pas tous le même journal,
Mais comprenez-moi : c'est une migraine,
Tous ces campeurs sous mes persiennes.
Mais comprenez-moi : c'est dur à voir.
Quels sont ces gens sur mon plongeoir ?"

{Refrain}

"On peut pas aimer tout Paris.
N'est-ce pas y a des endroits la nuit
Où les ploucs qui vous font la peau
Sont plus bronzées que nos p'tits poulbots ?
Mais comprenez-moi : la djellaba,
C'est pas ce qui faut sous nos climats.
Mais comprenez-moi : à Rochechouart,
Y a des taxis qui ont peur du noir."

{Refrain}

"Que font ces jeunes, assis par terre,
Habillés comme des traîne-misère.
On dirait qu'ils n'aiment pas le travail.
Ça nous prépare une belle pagaille.
Mais comprenez-moi : c'est inquiétant.
Nous vivons des temps décadents.
Mais comprenez-moi : le respect se perd
Dans les usines de mon grand-père."

Mais comprenez-moi...


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