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La mission impossible de Claude Béglé pour sauver la Poste

Publié le 14 janvier 2010 par Francisrichard @francisrichard
Leuenberger et BégléLe grand public suisse n'a commencé à se rendre compte qu'il se passait enfin quelque chose à la Poste que lorsque son directeur général, Michel Kunz, a été démissionné, "d'un commun accord", le 14 décembre 2009 dernier, par le Conseil d'administration de la vénérable entreprise publique (voir Le Temps du 16 décembre ici). 

Michel Kunz, qui n'aura occupé ce poste de direction qu'un an, jour pour jour, a été remplacé immédiatement, le jour même, par Jürg Bucher, le responsable de Postfinance, l'activité la plus lucrative du géant jaune, puisqu'elle représente les deux tiers de son bénéfice tout en représentant moins d'un tiers de son chiffre d'affaires.

C'est dire que la Poste, au sens traditionnel, est sur le déclin. Claude Béglé (à droite sur la photo publiée par 24 Heures ici), qui en a été nommé administrateur le 25 juin 2008 et qui en est devenu le président du Conseil d'administration le 1er avril 2009, est convaincu que d'ici à 5 ans le volume du courrier physique aura encore baissé de 30%. Il n'a certainement pas tort. Ce pourrait sonner le glas de l'entreprise si rien n'est décidé entre-temps pour compenser le manque à gagner.

Face à cette perspective qui n'est guère prometteuse, deux stratégies s'affrontent, celle suivie par Michel Kunz et celle imaginée par Claude Béglé.

Michel Kunz ne trouve comme réponse à cette diminution prévisible du courrier physique, concurrencé par le courrier virtuel d'Internet, que de réduire les coûts. Comment réduire les coûts ? En supprimant des emplois et en fermant des bureaux de poste. C'est ainsi qu'il ne reste que 2600 bureaux de poste et que 1700 emplois sur 45000 ont été furtivement supprimés en 2009, c'est-à-dire sans qu'il ne soit besoin de recourir à des lienciements. Mais, demain, ne faudra-t-il pas en passer par là ?

Claude Béglé a une tout autre vision de l'avenir de la Poste. Sur un marché qui sera tôt ou tard libéralisé et qui est déjà concurrencé par les nouvelles technologies - et ce n'est que le commencement comme l'écrit Guy Millière (voir mon article "La septième dimension" de Guy Millière ) -, il ne se voit pas augmenter le prix des affranchissements, qui, en comparaison européenne, sont élevés en Suisse. La seule stratégie restante est de trouver d'autres voies de développement.

En matière de développement, Claude Béglé a en tête celui de Nestlé. Il a oeuvré en son sein pendant 14 ans, dans 8 pays différents. Dans un entretien accordé à l'hebdomadaire Sonntag, publié le 20 décembre 2009, il prend donc la multinationale en exemple. Comme l'écrivent Philippe Le Bé et Michel Guillaume dans l'Hebdo de cette semaine (ici) à propos du patron de la Poste, objet de vives critiques après cette sortie:

"Lui qui avait acheté quelque 40 sociétés pour le compte de la Poste française, développé de manière spectaculaire GeoPost avec ses 15000 collaborateurs dans le monde, occupé des fonctions stratégiques au sein des Postes allemande et néerlandaise, n'avait visiblement d'autre dessein que de fondre la Poste suisse dans l'univers de la globalité".

L'horreur économique !

Deux jours après cette publication, patatras, un administrateur de la Poste, Rudolf Hug, démissionne et dit  (voir Le Temps du 23 décembre 2009 ici) qu'il a démissionné en raison "des divergences insurmontables avec le président du conseil d’administration en relation avec la stratégie et la conduite de l’entreprise". Le 5 janvier 2010, c'est au tour d'un deuxième administrateur, Wolgang Werlé, de démissionner (voir Le Temps du 6 janvier 2010 ici). Le Conseil d'administration est passé de 9 à 7 membres en deux semaines...

Du coup la polémique enfle. D'autant plus que le Sonntag du 10 janvier 2010 en rajoute une couche et révèle "les trois scénarios d’expansion à l’étranger qui ont été présentés au conseil d’administration de La Poste le 23 novembre dernier" (voir Le Temps du 11 janvier 2009 ici). Certains vont alors jusqu'à évoquer les fantômes de Swissair et de Swisscom et qualifient cette stratégie d'aventureuse. François Modoux, dans le quotiden genevois, précise :

"Les trois scénarios décrivent comment la filiale Swiss Post Solutions (SPS), qui vend déjà ses services à l’étranger mais à perte, pourrait grandir, jusqu’à réaliser d’ici à dix ans un chiffre d’affaires annuel de 2,7 milliards de francs pour un bénéfice de 100 millions. Ce scénario, le plus offensif des trois, envisage un «Big Bang». Il mise sur l’acquisition par SPS d’un concurrent capable de lui apporter, en plus d’une importante clientèle, les compétences dans les technologies de l’information que la filiale de La Poste n’a pas. Cette lacune est d’ailleurs décrite dans le document cité par Sonntag comme la principale faiblesse de SPS."

Il est temps que le ministre de tutelle de la Poste, Moritz Leuenberger, vienne au secours de son grand poulain - Claude Béglé mesure deux mètres de haut. Lundi dernier, 11 janvier 2009, alors que des rumeurs ont circulé sur la régularité de la nomination de Claude Béglé, il planche devant la Commission des Télécommunications du Conseil des Etats et calme le jeu. Il apporte les preuves que cette nomination s'est faite régulièrement et ... son soutien sans faille au patron de La Poste.

Toute cette histoire ne prouve qu'une chose, c'est qu'une entreprise du secteur public ne peut pas être gérée normalement sur un marché concurrentiel. En effet les objectifs politiques priment alors sur les objectifs économiques, au risque, tout simplement, de faire disparaître l'entreprise, parce qu'elle n'a pas vraiment été libre de ses décisions et n'a même pas pu prendre les bonnes.

Parler de service public en matière postale est d'ailleurs un abus de langage, parce que ce service pourrait être assuré aussi bien, je dirais même mieux, par des entreprises privées, qui pourraient prendre des risques calculés et les assumer jusqu'au bout. Ce que Claude Béglé sera de toute façon empêché de faire, à son grand corps défendant.  

Francis Richard

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