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Haïti : plus qu’un « plan Marshall »

Publié le 15 janvier 2010 par Jclauded
En 1947, le président américain Harry Truman acceptait la proposition de son secrétaire d’état, le général Georges Marshall, pour aider à la reconstruction de l’Europe. Le plan visait à aider financièrement les États dévastés par la deuxième guerre mondiale pour qu’ils entreprennent, le plus vite possible, de rebâtir leur pays, solidifier leur économie, relancer leur agriculture, etc… Ce fut un très grand succès, au point que depuis on n’hésite pas à proposer « un plan Marshall » pour solutionner les grands problèmes de la terre, comme l’a fait Al Gore, récemment, en ce qui a trait au réchauffement climatique. Depuis le tremblement de terre de Port-au-Prince, plusieurs observateurs, journalistes et blogueurs proposent « un plan Marshall » pour aider les Haïtiens dans cet affreux drame qui encore une fois les accable.
J’ai visité Haïti quatre fois dans ma vie. Ma curiosité pour ce pays me venait de mon temps de collège où mon meilleur ami était Haïtien. Pensionnaire comme moi, il devait cependant rester au collège les weekends car sa famille demeurait à Port-au-Prince. Ce fut le premier noir que je connus. Il avait été très heureux lorsque le président Haïtien, Élie Lescot, de passage à Montréal, rendit visite au collège Notre-Dame. Ce fut la première fois que je voyais un président de pays et je n’oubliai jamais la prestance, la douceur et la bonté qui émanaient de cet homme. Il me donna le goût de son pays.
Ma première visite fut en 1961 du temps de « Papadoc » Duvalier. Le pays était beau et intéressant, les touristes nombreux, les Haïtiens agréables, respectueux, fiers de leur pays. Hommes proprement habillés, femmes très coquettes, ils étaient beaux et semblaient heureux malgré leur pauvreté évidente. Je découvris le merveilleux art haïtien d’artistes-peintres et de sculpteurs de grand talent et achetai quelques belles pièces que j’ai toujours. L’année suivante, j’y retournai et y passai, avec des amis, un très bon temps. Je visitai alors des écoles financées et dirigées par la communauté des Frères des Écoles Chrétiennes et celle des Frères Sainte-Croix.
Vingt ans plus tard, du temps de « Bébédoc » Duvalier, les affaires m’appelèrent là-bas. C’est là que je compris le niveau de corruption qui régnait dans les hautes sphères d’affaires. Je visitai alors plusieurs entreprises manufacturières où se fabriquaient toutes sortes d’articles comme les balles de baseball des ligues professionnelles américaines, des spirales en plastique pour les cahiers, etc… Je fus surpris du mauvais traitement que réservaient les industriels riches à leurs employés qui travaillaient dans les pires conditions. De leur côté, les serviteurs et servantes de la famille qui m’invitait à Pétionville étaient traités sans égard ni compassion. Je revins au Canada, dégoûté, et ne recherchai plus de mandat d’ingénierie dans ce pays.
Enfin, il y a quelques années, toujours curieux de revoir la situation là-bas, je retournai pour une dernière visite. Il y avait alors peu de touristes, plusieurs entreprises manufacturières fermées, le club Med aussi, les religieux partis, leurs écoles fermées, Port-au-Prince en décadence, la ville moins propre, les pauvres plus pauvres mais toujours proprement habillés avec un air fier qui en disait long sur leur résistance au malheur. Et lorsque je leur disais que j’aimais Haïti, un grand sourire apparaissait sur leur visage. Plus grave encore, un très grand nombre d’individus de la classe moyenne étaient partis vivre à l’étranger, poussés par le désespoir et la violence qui s’amplifiait chez les jeunes. Conséquence de la corruption, plusieurs Fondations de charité étrangères avaient dû leur couper les vivres parce que leurs dons ne se rendaient pas à ceux qui en avaient vraiment besoin. Je revins découragé pour les Haïtiens.

Je repris confiance lorsque Aristide fut élu président. Prêtre, il avait été vicaire à Montréal et je le voyais intègre. L’armée corrompue eut vite raison de lui et il dût se réfugier dans un autre pays. Il revint au pouvoir avec l’aide des USA mais fut chassé à nouveau.
Il y a quelques mois, Bill Clinton était nommé envoyé spécial des Nations-Unies pour Haïti. Ma confiance reprit. Sur place, la présence de l’ONU s’accrut ainsi que celle de représentants de groupements charitables venant de plusieurs pays du monde, comme « Médecins Sans Frontières ». Un peu de progrès commençait à se montrer le nez mais les Haïtiens portaient toujours la guigne et le pays après avoir été balayé, durant les dernières années, par des ouragans extrêmement dévastateurs, vient de subir la « grande catastrophe ». Un tremblement de terre, de force 7,0 à l’échelle Richter, qui en quelques minutes détruisit tout la capitale de Port-au Prince. Palais présidentiel, édifices gouvernementaux, cathédrale, hôpitaux, écoles, bâtiments de l’ONU, maisons en hauteur, maisons privées, magasins, grandes surfaces, réseau électrique, etc… Tout s’écroula comme un château de cartes. Morts par dizaine de milliers, blessés par centaines de milliers, un bilan horrible se révèle.
Les pays du monde se mobilisent pour venir en aide à cette population, les dons individuels affluent. Tout à coup, le monde entier est sensible au sort des Haïtiens. Mais demain ? Comment faire pour sortir les Haïtiens de leur misère éternelle, une fois pour toutes ? Comment permettre aux jeunes d’obtenir une bonne éducation, aux parents des emplois, aux familles une vie meilleure, une bonne qualité de vie et de l’espoir pour l’avenir ?
Je crois que la « grande catastrophe » est l’opportunité qui peut permettre aux Haïtiens de s’en sortir définitivement ? Le monde entier veut aider, surtout les gens de notre hémisphère qui souffrent mal, par remords surtout, la présence dans leur milieu d’un des pays les plus pauvres de la planète.
Une aide financière à la « plan Marshall » n’est pas suffisante car le pays n’a pas les entreprises ni les hommes ni les femmes capables d’entreprendre la reconstruction totale d’Haïti. Il n’a pas, non plus, les politiciens pour gérer une telle entreprise en toute efficacité et probité. Le pays doit être mis en tutelle par l’ONU. Celle-ci pourrait mandater un groupe de pays de former un consortium pour le rebâtir complètement aux standards modernes. Il ne s’agit pas seulement de refaire les bâtiments, les infrastructures et la reforestation mais aussi de fournir les formateurs, les enseignants, le personnel médical et les spécialistes de tous domaines pour appuyer ceux qui existent, pour en entraîner de nouveaux et bien les intégrer dans la société haïtienne. Déjà ce travail se fait dans certains domaines comme celui de la police. Il s’agit de l’étendre à l’ensemble des professions et métiers. Puis, avec le temps, les lois et des règlements actuels pourront être amendés pour assurer qu’une telle catastrophe n’ait pas les mêmes conséquences dans l’avenir. La reconstruction générale du pays créera des milliers d’emplois pour les Haïtiens qui ne demandent pas mieux. Travailler avec un salaire raisonnable pour subvenir aux besoins de leur famille ne peut que les motiver. Petit à petit, le gouvernement retrouvera sa légitimité.
Dans cette situation, je suis certain qu’une grande partie de la diaspora haïtienne reviendra au pays à cause des opportunités nouvelles et de la qualité de vie qu’il offrira. Qui ne préfère pas le soleil des Caraïbes au froid canadien ?
Il est certain qu’une telle entreprise sera gigantesque et sa réalisation longue, mais elle en vaudra la peine car un peuple entier sera sauvé et pourra vivre normalement.
Claude Dupras

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