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Affaire Clearstream : qui q’ c’est-t’y qui maintenant va être «accroché à un croc de boucher» ?

Publié le 29 janvier 2010 par Kamizole

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Or donc, Dominique de Villepin avait raison d’affirmer le 21 septembre 2009 à son arrivée au tribunal correctionnel de Paris le jour de l’ouverture du procès de l’affaire Clearstream que sa présence sur le banc des accusés n’est due qu’à «l’acharnement d’un homme, Nicolas Sarkozy, qui est aussi président de la République française» et qu’il en sortira «libre et blanchi au nom du peuple français»… quelques 16 mois plus tard, il est relaxé le 28 janvier 2010.

C’est incontestablement une victoire pour la démocratie et la justice. Clearstream : Villepin salue “le courage du tribunal” (Le Monde) “qui a su faire triompher la justice et le droit sur la politique. Je suis fier d’être le citoyen d’un pays, la France, où l’esprit d’indépendance reste vivant. Je n’ai aucune rancœur, aucune rancune”. Sans rancune, qu’il me soit permis d’en douter… Villepin va s’ingénier à lui mettre des bâtons dans les roues en perspective de 2012. Chronique annoncée de la chute de la maison Sarkozy ? Plutôt réjouissant.

C’est clair et sans bavure : invité au “20 heures” de France 2, il a réaffirmé vouloir “proposer une alternative à cette politique qui, selon moi, ne fonctionne pas”, faisant référence au mandat de Nicolas Sarkozy. “le service public, la défense de l’intêret général sont des mots qui ont perdu de leur sens”. L’ennemi – Villepin – peut désormais sortir du bois. Bonjour la castagne !

«Mesdames, Messieurs, le spectacle va commencer» annonçait naguère Michel Fugain… Avec une chanson «Vive les cons» fort réjouissante, bien dans l’esprit festif et rigolard de mai 68. Où était reprise cette citation empruntée à Victor Hugo : «Les cimetières sont peuplés de personnes indispensables»… Celui qui se targue d’être le seul à prendre à bras le corps les problèmes de la France, personne n’ayant osé avant lui (la mettre à genoux par idéologie ultralibérale) devrait la prendre pour lui.

D’autant qu’à 55 ans et visiblement toujours pas au mieux de sa forme, il se rapproche de la retraite sinon de la tombe. Mais au fait : joyeux anniversaire, Nicolas ! Je doute que ce beau cadeau lui fasse vraiment plaisir… 20 minutes a voulu se mettre au diapason en demandant aux lecteurs Des idées de cadeaux pour les 55 ans du président de la République ? Je vous garantis qu’ils ont fait preuve de beaucoup d’humour…

Je ne sais si la personne qui avait été saluée en mars 2008 au Salon de l’agriculture par le très gracieux «Casse-toi, pôv con !» et qu’un journalste ou un blogueur aurait retrouvée aura mis à exécution de venir saluer devant le Palais de l’Elysée l’anniversaire du Président de la République… Au risque de se faire interpeller par les flics de Sarko qui ont la garde à vue des plus facile.

Sarkozy prend une nouvelle baffe. Il en prend beaucoup depuis plusieurs mois, lui qui n’avait pas caché avoir demandé l’Intérieur en 2005 pour se venger, ce qui m’avait littéralement outrée à cette époque. Toujours le même sens de l’intérêt général ! D’ailleurs, j’ai lu que son premier acte de ministre de l’intérieur avait été de demander le dossier de la DST sur l’affaire Clearstream. Détestable manie de toujours penser à se venger, à faire porter la responsabilité de ses échecs sur tout le monde, sauf lui.

Tel est bien pris celui qui croyait prendre… La sagesse populaire recommande pourtant de “ne jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué”. Nicolas Sarkozy était si sûr de son fait qu’il parlait de “coupables” – qu’il voulait voir accroché à un croc de boucher ! - dès le début du procès de l’affaire Clearstream, au mépris de la présomption d’innocence qui commande de ne parler que de prévenus. Et qui plus est, il s’exprimait à la télévision. Lors même que de par la Constitution le Président de la République est garant du bon fonctionnement de l’institution judiciaire… dont il est censé connaître les principes, étant avocat. D’où, nouveau scandale, nouvelle polémique.

Nicolas Sarkozy prend acte du jugement de relaxe de Dominique de Villepin mais ne peut s’empêcher de lui porter le coup de pied de l’âne : “J’en prends acte tout en notant la sévérité de certains attendus le concernant”. N’ayant pu lire ces attendus, je ne saurais dire s’ils sont aussi sévères que le soutient Sarko. Mais il nous a tellement habitué à mentir sur tout que je prends sa déclaration la langue dans la joue.

Même antienne chez Frédéric Lefebvre : qui a pris “acte de la décision de justice de relaxe” de l’ancien premier ministre et a fait valoir qu’il fallait “tenir compte de toute la décision, y compris des attendus [du jugement] qui mettent clairement en exergue les mensonges de Dominique de Villepin entendu sous serment”… A mon avis, ce sont des propos aussi injurieux que diffamatoires. Il l’accuse ni plus ni moins du délit de parjure qui est très grave. Peu compatibles avec le devoir de réserve que devrait observer quelqu’un qui a prêté serment comme avocat il y a peu.

Selon lui, “ce ne sont que le ou les exécutants qui paient”. Il espère que le second procès “permettra de montrer qui a commandité cette manipulation et pourquoi”. Sur la question de l’appel, Nicolas Sarkozy ne peut manquer d’étaler sa totale inculture en matière juridique. Absolument stupéfiante pour quelqu’un qui est censé avoir un cursus juridique jusqu’à la profession d’avocat : “j’annonce que je ne ferai pas appel de la décision du tribunal correctionnel”.

Sans doute faudrait-il rappeler à ce juriste de pacotille que, contrairement à un procès au civil où cette possibilité est ouverte aux parties civiles qui n’ont pas obtenu gain de cause en première instance, en matière pénale seuls le parquet et les prévenus peuvent interjeter appel. Je remarque toutefois que l’auteur de l’article – qui n’est pas signé – commet lui-même une erreur juridique en écrivant que Nicolas Sarkozy pourrait demander un nouveau jugement pour ses prétentions civiles.

C’est tout à fait et logiquement faux en vertu du principe énoncé par l’adage juridique «le pénal tient le civil en l’état» : on ne peut en même temps relaxer un prévenu, c’est à dire écarter sa culpabilité quant aux faits qui lui étaient reprochés et mettre à sa charge des dommages-intérêts tenant à ces faits. A la limite, c’est bien plutôt Dominique de Villepin qui pourrait se retourner contre Nicolas Sarkozy et lui intenter un procès pour dénon-ciation calomnieuse. Mais c’est évidemment impossible tant qu’il sera Président de la République, en raison du “statut pénal du chef de l’Etat”.

Je ne pense pas que le procureur général de Paris prenne le risque politique d’interjeter appel contre le jugement de relaxe de Dominique de Villepin : provoquer un nouveau scandale et diviser encore un peu plus la majorité à quelques semaines des élections régionales. Sauf bien entendu si l’ordre vient de la Chancellerie. MAM obéissant au doigt et à l’œil aux élyséennes injonctions.

De surcroît, l’avocat général n’avait requis que 18 mois de prison avec sursis contre Dominique de Villepin, peine relativement dérisoire, bien éloignée du «croc de boucher» véhémentement réclamé par Nicolas Sarkozy pour «les coupables»… Or, pour autant que je m’en souvienne, ce qui lui était reproché une simple abstention ou omission et non une complicité de recel de faux. Omission de quoi au demeurant ?

A ma connaissance, il a demandé à deux personnes distinctes travaillant dans le renseignement d’enquêter sur le listing. D’une part, le 9 janvier 2004 au général Rondot – qui l’accusera dans une note d’avoir donné à Jean-Louis Gergorin l’ordre de «balancer Sarkozy» mais c’est sa parole contre celle de Villepin et ce n’est pas parce qu’il l’a écrit sur l’une de ses fameuses “notes” que cela en fait une vérité incontestable si aucune autre source crédible ne la corrobore – et d’autre part (fin juin 2004) après avoir informé le premier ministre Jean-Pierre Raffarin que l’hebdomadaire Le Point alait publier des informations mettant en cause un ministre important du gouvernement, il lui est demandé de procéder à des investigations qu’il confie au directeur de la DST Pierre de Bousquet de Florian, mort depuis d’un cancer foudroyant.

Dans l’hypothèse où le listing n’aurait pas été un faux – ce qui a été révélé par la suite – et qu’une enquête préliminaire aurait dû être ouverte, il apparaît évident que Dominique de Villepin ne pouvait aller voir dès cette époque Nicolas Sarkozy et lui dire qu’il était suspecté sans déroger – fût-ce préventivement - au secret de l’instruction.

Je ne saurais dire aujourd’hui à quelle époque Nicolas Sarkozy a été mis en cause nominativement, en dehors de la procédure diligentée depuis juin 2001 par le juge Renaud Van Ruynbeck dans le cadre de l’affaire des vedettes de Taïwan. Au printemps 2004, il reçoit plusieurs lettres anonymes et CD-ROMs prétendant révéler l’existence d’un réseau international d’influences et de malversations, ainsi que celle de 895 comptes bancaires occultes ouverts par de nombreuses personnalités du monde des affaires et de la politique, dont Nicolas Sarkozy.

Ce n’était donc pas sur la place publique mais couvert par le secret de l’instruction. Je ne saurais dire à quel moment de cette histoire des plus rocambolesque l’information sur Sarkozy a “fuité”… Est-ce avant ou après que la nature de faux des listings ait été reconnue ? Ce point est important car si le tribunal correctionnel lui reprochait une abstention ou omission, encore fallait-il lui prouver l’intention de nuire, l’élément intentionnel étant essentiel dans un procès pénal.

D’après ce que je lis sur 20 minutes Clearstream: revivez le jugement en live sur 20minutes.fr - fort intéressante chronique des temps forts de la lecture du jugement - Maître Herzog, avocat de Nicolas Sarkozy, se serait abstenu de tout commentaire. Il eût sans doute été mieux inspiré de l’avertir dès le départ que le procès ne lui serait guère favorable. A moins qu’il ne l’ait mis en garde et que Nicolas Sarkozy, comme à son habitude, n’ait rien voulu entendre.

Nicolas Sarkozy n’aimait déjà pas le juges. Voilà qui ne réconciliera pas avec la magistrature. Les juges – d’instruction ou des instances de jugement – ont beau faire partie de la magistrature assise, ils ne sont pas encore “couchés”«Embedded» dirait-on pour des journalistes embarqués naguère dans les fourgons de l’armée américaine en Irak. Il viendra à l’esprit de tout le monde que l’on y retrouve à la racine le terme “bed” = lit en anglais.

Nous allons désormais bien nous marrer. Un super coin enfoncé dans l’unité de façade de l’UMP. Les sujets de mécontentement ne manquaient déjà pas dans les rangs des élus de l’UMP dont certains en avaient déjà plus que ras le pompon de se faire tordre les bras et recadrer à tout bout de champ par le croquemitaine Guéant. Si Dominique de Villepin – qui n’est élu nulle part – se met à donner de la voix contre Nicolas Sarkozy ça risque de faire de jolis COUC ! COUAC ! – lesquels ne manquaient déjà pas… dans la majorité.

Il est évident qu’il revient sur le devant de la scène politique toute ambition déployée de se présenter contre Sarkozy en 2012 et qu’il peut compter sur une partie de l’électorat de droite – la bourgeoisie classique lassée du bling-bling et du côté m’as-tu-vu parvenu – et qu’il peut très bien se passer la même chose qu’à Neuilly lors des élections municipales.

Certains commentateurs augurant que Nicolas Sarkozy serait alors relégué en 3è position au premier tour de la présidentielle. Donc évacué sur une civière. Wait and see.

Je suppose qu’il n’aura échappé à personne que cette histoire de faux listings était censée apporter la preuve que plusieurs personnalités des affaires ou de la politique avaient bénéficié des faramineuses rétro-commissions liées à la vente à Taïwan des fameuses vedettes.

Elle a un lien étroit avec celle dite «Angolagate» - les mêmes réseaux liés à Elf-Aquitaine - et quand bien même mettrait-elle en cause des personnalités liées à l’époque où François Mitterrand était président de la République – Roland Dumas, Christine Deviers-Joncourt et Alfred Sirven pour les plus connus – il n’en reste pas moins vrai qu’elle a continué à prospérer quand Edouard Balladur était premier ministre de cohabitation après 1993 et qu’il cherchait à mobiliser des fonds pour sa campagne électorale, sachant qu’il n’aurait à espérer aucune aide financière du RPR acquis à la cause de Jacques Chirac.

S’agissant là aussi d’un marché lié à des ventes de matériels militaires à des Etats étrangers, on y retrouve donc beaucoup des protagonistes du Karachigate, notamment parmi les entreprises comme la Direction des constructions navales (DCN) et Thomson-CSF, devenu aujourd’hui Thales.

Ces trois histoires fondues dans une seule donneraient une exceptionnelle matière à un John Le Carré ou autre Morris West pour écrire un palpitant thriller politico-barbouzesque sur fond de trafics financiers en tout genre avec moult sociétés écrans basées dans de lointains paradis fiscaux où l’on lessive plus blanc que blanc l’argent sale des mafias. Vous y auriez droit à une véritable hécatombe des protagonistes : on meurt beaucoup - de façon fort suspecte - dans l’affaire des vedettes de Taîwan !


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