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Darling

Par Lulla

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On dit souvent d'un acteur comique qui joue dans un film grave et réussi qu'il a fait "son Tchao Pantin" (en réfèrence au film de Coluche). Eh bien je crois que Marina Fois a fait son Tchao Pantin. Je ne le savais pas si talentueuse. Nous faire rire, ça, elle a déjà su faire : Les Robins des Bois, Filles perdues, cheveux gras, J'me sens pas belle, La Tour Montparnasse Infernale ... Mais nous faire pleurer, ça, elle avait pas encore réussi, peut-être parce qu'elle n'avait pas essayé non plus. La détresse lui va si bien ...

Dans Darling, elle campe le rôle de la fille la plus paumée du cinéma français: Catherine Nicolle. Depuis qu'elle est tout petite il lui arrive tous les malheurs du monde. La vie ne l'épargne pas, elle et sa famille. Elle vit dans une ferme avec ses parents, paysans, et ses frères, détraqués. Elle n'est pas heureuse, cette vie ne lui ressemble pas. Elle n'aime pas l'école, elle n'aime pas ses parents qui le lui rendent bien, notamment son père qui la bat parfois, elle n'a pas envie de se marier avec un paysan parce qu'alors cela ferait d'elle une "paysante" et ça, elle ne le veut pour rien au monde. Ce qu'elle veut c'est se marier avec un routier ! Alors elle s'équipe d'une radio en cibi et passe ses nuits à guider les routiers à travers les routes de campagne. Et puis le reste du temps elle le passe chez la boulangère, qu'elle admire beaucoup parce qu'elle est belle, généreuse et douce. Tout le contraire de sa mère. Et puis elle court beaucoup aussi. Même qu'un jour son short est tellement serré (sa mère ne veut pas lui en acheter d'autre bien qu'elle grandisse à vue d'oeil) qu'en courant elle se chope le premier (et dernier) orgasme de sa vie. Plus elle grandit et plus le sort s'acharne. Ses frères meurent tous les deux dans des circonstances aussi atroces que burlesques et ses parents deviennent encore plus fous et lugubres qu'il ne l'étaient auparavant. Et puis arrive un beau jour où elle rencontre un routier bourré qui la baise sur la banquette arrière de son camion avec vue sur les vaches qu'il transporte, et elle en tombe éperdument amoureuse. C'est un peu l'anti-Cendrillon en somme. Les choses ne vont pas se passer comme prévues avec son mari. Il va la battre, l'humilier, presque la tuer. Et malgré toutes les épreuves elle va toujours se reléver et garder espoir. Elle ne va jamais se plaindre ni se poser en victime. Elle va continuer à avancer envers et contre tous.

On ressort de ce film bouleversé. C'est un drame mais les notes d'humour noire sont constantes. Peut-être que cela vient de la mou irresistible de Marina Fois ou de l'enfant qui joue Darling petite. Ce qui est sûr c'est que certaines situations ne peuvent que nous faire sourire (Darling qui dessine une fleur sur le mur à chaque fois qu'elle a ses rêgles ...) Et puis en même temps l'atmosphère est extrêmement glauque, du début à la fin. Les couleurs sont sombres, les visages sont fatigués, les acteurs enlaidis, les maisons sont tristes, les âmes aussi. Ca sent l'usure et le desespoir. Darling illumine à sa façon ce monde qui ne cesse de vouloir l'éteindre. Guillaume Canet est lui aussi excellent dans le rôle du mari violent. On est dans un film qui nous présente un monde rarement vu au cinéma: celui de la campagne profonde. Et c'est fait sans cliché ni misérabilisme. Bien sûr on peut voir Darling comme une Cosette des temps modernes mais je crains qu'elle soit tout ce qu'il y a de plus réaliste. Des femmes comme elle, il en existe des tas. Et puis le film est adapté d'un livre qui est lui-même adapté d'une histoire vraie. Ce qui est remarquable c'est que le film est très sobre, on n'en fait jamais trop et le but n'est pas de faire pleurer dans les chaumières. La fin du film est particulièrement touchante et l'on a du mal à quitter Darling comme ça. Je recommande ce film à tous les amateurs de films qui marquent pendant longtemps.


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