France Bleu : Handicap, un challenge au quotidien

La radio France Bleu Auxerre a consacré un dossier à notre livre Handicap, un challenge au quotidien. Yoann Kerpedron m'a très chaleureusement accueilli dans son émission "C'est la vie" (vendredi 9 novembre 2007). J'ai abordé avec lui notre expérience personnelle de couple valide/handicapée. Yoann a beaucoup apprécié le livre qui mêle des récits "sur le terrain" de notre vie quotidienne, des échanges en aparté sur les différents thèmes liés au handicap, des témoignages, mais surtout des conseils, pour bien vivre ensemble la différence. Car ce livre, nous l'avons voulu accessible à tout un chacun, avec un certain nombre de "plus" pour mieux accepter et vivre sereinement son handicap : des chapitres sont consacrés au développement personnel, à l'estime de soi, à la sexualité, à la santé (phytothérapie, fleurs de Bach...), aux initiatives citoyennes.

Mais d'abord, qu'est-ce que le handicap? Une question de Yoann bien difficile à répondre. Il est intéressant de définir les notions de déficience et de handicap. En effet, nous pouvons être atteints d'une déficience qui nous prive, par exemple, de l'usage de nos jambes. A titre personnel, nous cherchons les moyens, les adaptations techniques pour remédier à cette situation. Cette déficience, nous essayons de la maîtriser dans la mesure du possible. Le handicap, c'est le traitement que la société réserve à la déficience. Si tous les lieux sont accessibles, que nous ne rencontrons plus de difficultés pour vivre normalement, faire ses courses, trouver un emploi, etc., il n'y a plus (ou en tout cas presque plus) de handicap.

Une autre question récurente est celle de l'aide à apporter ou non à une personne en situation de handicap que l'on rencontre dans la rue, au supermarché, etc. Là aussi, une personne handicapée est d'abord une personne. Il faut l'aborder naturellement, et avec tact. Après tout, elle n'a peut-être pas besoin de votre aide. C'est elle qui décide, pas vous. On remarque des attitudes très différentes face à une personne handicapée. Certaines personnes restent figées, en état de remue-ménage émotionnel, d'autres se précipitent sans réfléchir, d'autres enfin proposent leur aide spontanément, sans compulsivité, d'égal à égal.

Autre sujet tabou abordé dans l'émission : la sexualité. Il faut rappeler que le handicap n'empêche ni une sexualité épanouie, ni une vie sentimentale. "Le sexe des anges", "le troisième sexe", il faut sortir de ces clichés. C'est aussi oublier que le cerveau tient une place prépondérante dans la sexualité. Que serait la vie sexuelle sans les fantasmes, mais aussi tout l'arsenal de stimulation des sens.

Pour une auditrice de l'émission, les enfants d'aujourd'hui acceptent beaucoup mieux leurs camarades handicapés. Je pense que les enfants ont toujours eu cette spontanéité à accueillir la différence. C'est l'éducation (certains parents notamment), la pensée unique, la société normative, qui restreignent cette tolérance innée. Mais l'enfant reste un "petit animal" qui a des réactions saines, naturelles, mais parfois abruptes. Il peut très bien dire à son pote handicapé, je ne joue pas avec toi parce que tu ne cours pas assez vite! Cela ne l'empêchera pas d'être copain avec lui. Mais les choses sont dites. On aimerait la même franchise dans le monde des adultes; cela éviterait bien des ostracismes et des hypocrisies. Bien sûr, certains parents d'enfants handicapés préfèrent les placer dans des établissements spécialisés. Mais les protéger du monde des valides dès la prime enfance, c'est leur fermer les portes de l'intégration sociale. Pourquoi attendre l'âge adulte pour leur proposer des ateliers d'apprentissage de la vie, alors que cette socialisation aurait pu se faire graduellement durant l'enfance et l'adolescence?

Un constat: les personnes handicapées qui se sont le mieux insérées dans la société, qui ont un travail, ue vie personnelle, ont souvent été confrontées très jeunes au monde des valides, à la "vraie" vie. Il faut se frotter très tôt aux difficultés de la vie ordinaire pour mettre en place un arsenal de moyens adaptés pour les résoudre. Pour beaucoup d'adultes handicapés, il est déjà trop tard. Mais chaque parcours reste unique et les ressources des nouvelles technologies permettront, sans aucun doute, de limiter ces parcours d'exclusion (surtout pour les handicaps les plus lourds). La virtualité de notre monde numérique gommera certainement les différences mais accentuera inévitablement les solitudes.

Philippe Barraqué

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