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La régression, sans tabou

Publié le 05 février 2010 par Vogelsong @Vogelsong

“”Aborder les sujets importants sans tabou est une spécialité de la droite française décomplexée. Parangon de l’exercice, J. F. Copé avocat-politicien multicarte profère continuellement sa maxime “sans tabou et sans langue de bois”. Dans sa quête de réformes, l’UMP fidèle à sa doctrine impose une remise à plat des vieilles lunes qui empêchent le pays d’entrer dans l’âge moderne. Évidemment, ce ne sont que fariboles pour distraire la galerie de journalistes transcripteurs du sérail mondain. Car les tabous de la classe dominante sont circonscrits à des thèmes soigneusement choisis. Une stratégie verbale d’immobilisme et de conservation.

La régression, sans tabou
Championne du changement, la droite française à l’entame de chaque négociation met en avant son volontarisme pour rompre avec les idées reçues. Il y a toujours sur un plateau de télévision ou à la radio, un X. Bertrand, F. un Lefebvre, un J. F. Copé ou un quelconque sbire du sarkozysme pour affirmer qu’il faut briser les tabous. Dans l’étroite envergure d’analyse que permet la doxa libérale, la question des retraites ne peut, par exemple, être résolue que par l’allongement de la durée de cotisation. L’inexpugnable citadelle de nantis qui désirent cesser la besogne après trente-sept années de complet labeur, se voit ostraciser dans la catégorie des gardiens de la vieille religion des privilèges indus. Car comme le veut la rengaine baverezienne bien apprise : “Comme l’espérance de vie augmente, la durée temps du travail doit augmenter”. Vérité axiomatique immanente. L’étirement illimité du temps de travail est inéluctable. Mais on ne sait finalement pas pourquoi. Pour la droite, les retraites sont un tabou que personne ne veut remettre en cause. Si ce n’est que depuis plus de 10 ans, sous forme ultra répétitive, éditorialistes, politiciens désinhibés et scribouillards de la pensée molle en parlent pour définir “un mal bien français”.

Les spécialistes en mutations sociales du parti sarkozien évoquent continuellement la compétitivité pour déployer leurs plans de conquêtes. Le tabou de la flexibilité doit être oblitéré, ce que proclame l’inspirateur sarkozyste N. Baverez, “sans flexibilité accrue du travail, sans souplesse des modes de production et des entreprises, la croissance intensive, seul antidote durable au chômage et à l’exclusion, restera inatteignable”. Repris en cœur par le nabab de Libération, L. Joffrin, “Le tabou, c’est la flexibilité”. CQFD, à “gauche” et à droite. La société française est bloquée. On n’ose pas prendre les décisions vitales pour les pérennités de notre pays. Par manque de courage, on n’aborde pas les problèmes vitaux. Un tabou. Encore. Sauf que la presse économique ne parle que de cela.

Égrainer le chapelet de tabous anti sociaux dont la médiasphère aux ordres rebat continuellement les oreilles relèverait de la besogne “sisyphienne”.

Si l’on veut respecter les codes de la bienséance d’une société, il y a des sujets qu’il ne faut pas aborder. Sous peine de désordonner une hiérarchie tranquille et bien établie. Faire croire que l’on brise des tabous en vociférant sur des sujets déjà largement abordés, comme la remise en cause des acquis sociaux permet de dissimuler les vrais enjeux d’un ébranlement du système. Une stratégie déceptive relevant du novlangue, une application parfaite de la “doublepensée”, qui permet de redéfinir, et surtout d’exclure la pensée déloyale.

Les relations incestueuses qu’entretiennent pouvoir politique, pouvoir médiatique et pouvoirs financiers sortent du cadre habituel des débats qu’organisent sans “langue de bois” les myrmidons de l’UMP. De même que la politique excrémentielle de haine de l’autre que charrie le pouvoir sarkozien. Mais dans la bouche des penseurs de l’UMP, point de tabous ici.

J. F. Copé comme ses séides du parti présidentiel pratique la parole flottante. Affublant de “tabous” les sujets rigoureusement sélectionnés donnant l’impression du mouvement, de la réforme et de la modernité. Mais n’étant que régression, préservation et accaparement de privilèges par des catégories de population déjà nanties. Toute parole est vérité. Pérorer qu’un acquis social est un tabou dans un environnement social en complète déliquescence, et en faire une vérité donne à penser que la démocratie poursuit sa dégénérescente mutation. Vers une logocratie où règne la vérité officielle par le verbe. Un régime insane, où les mots n’ont plus de sens, mais sont un outil de domination.

Sources :
M. Naussbaum - “Un monde sans pitié” - Le dossier G. Orwell du magazine littéraire
S. Fontenelle - Citations de N. Baverez et L. Joffrin

Vogelsong – 4 février 2010 – Paris


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