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Dette publique : pas seulement la faute à la crise

Publié le 10 février 2010 par Hmoreigne

 S’il y a belle lurette que les crocodiles ont séché leurs larmes, le testament de Philippe Seguin devrait entraîner quelques aigreurs gastriques du côté du gouvernement. Présenté mardi 9 février par Alain Pichon, premier président par intérim, le rapport 2010 de la Cour des comptes épingle un certain nombre de dérives. Elle pointe de façon globale la mauvaise gestion de l’Etat mais surtout, l’insuffisance des efforts destinés à redresser les finances publiques et à maîtriser la dette. Contrairement aux affirmations du gouvernement, les sages de la rue Cambon estiment que la dégradation actuelle n’est pas uniquement imputable à la crise.

La dette s’emballe” affirme Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général de la Cour. L’institution estime que la dette publique pourrait approcher 100 % du PIB en 2013 et qu’à cet horizon, la charge des intérêts pourrait atteindre presque 10 % du produit des prélèvements soit 90 milliards d’euros.

La Cour estime qu’au-delà de ce seuil de 10 %, “il existe un risque, certes non automatique, de dégradation de la notation des dettes souveraines”. La Cour relève surtout que la crise n’explique pas tout.  Au mieux, la moitié du déficit. Noir sur blanc, les sages écrivent que “la croissance des dépenses publiques et les baisses d’impôts ont été excessives en 2009, sans tenir compte des mesures de relance.” La règle visant à gager les créations de niches fiscales par la réduction d’autres dispositifs n’a pas été respectée.

Le grand emprunt n’est pas épargné. Les magistrats de la rue Cambon jugent que les effets positifs de celui-ci s’inscrivent dans le long terme et que d’ici là, “il en résultera un surcroît de charges d’intérêt qui préemptera une part des économies à réaliser sur les dépenses (…) et qui risque d’affecter la crédibilité déjà affaiblie des engagements français de redressement des finances publiques.”

Les solutions sont simples même si on se garde d’employer les mots qui fâchent. Les mois qui viennent seront placés sous le double sceau de la rigueur et de l’austérité. Dans un coup de patte pas anodin, la Cour balaye l’idée de la majorité, avant tout idéologique, d’un encadrement par les textes des déficits publics. En clair, inscrire notamment dans la constitution le pourcentage maximum de déficit de l’Etat et pourquoi pas des collectivités locales.

Aux effets d’annonce, la Cour préconise le pragmatisme avec la mise en œuvre de réformes structurelles. Réduction des dépenses certes mais aussi, action résolue sur les recettes. A cet égard, la Cour recommande de “réduire fortement le coût des dépenses fiscales” en “diminuant systématiquement les plafonds appliqués aux réductions et crédits d’impôts” et une hausse des prélèvements sociaux pour financer la dette sociale.

Il semblerait que le gouvernement soit tenté de ne retenir que le deuxième axiome, n’envisageant qu’une réduction de 2 milliards d’euros par an des niches fiscales et sociales. Deux milliards, cela paraît certes beaucoup mais ce ne serait e fait qu’une paille au regard des exonérations et niches fiscales développées par Nicolas Sarkozy depuis 2007.

Marianne 2 a creusé la question et avance que le rapport de la Cour (consultable dans son intégralité ici ) remet les pendules à l’heure en évaluant les niches fiscales non pas à 70,7 milliards comme le mentionnent les documents officiels mais au double soit, 140 milliards. 140 milliards, un chiffre intéressant puisqu’il correspond peu ou prou au déficit budgétaire annuel de la France.

L’exercice auquel s’est livré la Cour des Comptes présente toutefois de sérieuses limites. Aussi salutaire soit-il, force est de constater que ses recommandations ont l’opposabilité de vœux pieux.

On regrettera sans doute le manque d’exploitation politique, au bon sens du terme, du travail des magistrats de la rue Cambon qui s’apparente à réaliser une photographie de la société française. Dominique Seux (Les Echos) voit dans la copie 2010 la “Radiographie d’une France inégalitaire“. “La description, d’une France qui protège ses privilèges, d’une France à plusieurs vitesses où les situations, les droits des uns et des autres ne sont pas les mêmes“. Une situation qui donne raison à Montesquieu lorsque celui-ci écrivait “Les hommes naissent bien dans l’égalité mais ils n’y sauraient demeurer”.


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