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Le capitalisme naturel et social est-il possible?

Publié le 10 février 2010 par Sequovia

Le capitalisme naturel et social est-il possible?Alors que le capital économique (représenté par le PIB) n’a fait qu’augmenter au cours de ce XXème siècle, le capital naturel ou social (l’ensemble des services rendus par la nature ou le bien-être de chacun de chacun dans la société) est quant à lui en baisse. Pour amortir cette dette, certains économistes proposent de créer une nouvelle comptabilité, basée non plus sur l’unique PIB, mais sur un nouvel indicateur synthétique prenant en compte cette dégradation. D’autres préconisent plutôt un panel d’indicateurs qui viendrait compléter le PIB de façon extra-comptable.

Que compte le système comptable actuel ?

Le PIB est un élément relativement récent dans notre économie : il est apparu en France après la Seconde Guerre Mondiale, tout comme la comptabilité nationale.

Dans ce nouveau système économique, basé exclusivement sur le PIB, on ne comptabilise que l’ensemble des biens et services finaux produits sur le territoire ou, autrement dit, l’ensemble des flux de biens et de services finaux échangés. Travail et capital y ont donc la part belle, tandis que les services rendus par la nature (stocks), ou la pollution que l’activité humaine rejette ne sont pas comptabilisés.

Par exemple, lorsqu’on extrait des matières premières ou des énergies fossiles, la seule chose que l’on paie est l’activité humaine qui a permis de transformer d’autres matières premières pour fabriquer des machines, pour concevoir les projets, les financer… Les matières premières et énergies fossiles n’ont donc aucun prix en soi, et le PIB ne représente que l’ensemble des rémunérations des acteurs économiques.

Ensuite, le PIB ne représente pas un solde (ce que l’on produit moins ce que l’on consomme) mais seulement un flux (ce que l’on crée). Par analogie, suivre le PIB pour un Etat revient à suivre uniquement le chiffre d’affaires pour une entreprise, sans se soucier que son résultat soit excédentaire ou déficitaire.

Et c’est de là que provient la mauvaise orientation de l’économie : en ne se fiant qu’à cet indicateur unique (qui pourrait être utile, tout comme le chiffre d’affaires d’une entreprise, s’il était couplé à d’autres indicateurs), l’économie s’est sûrement largement appauvrie au cours du siècle dernier : bien que le capital artificiel augmente, le capital naturel décroît fortement du fait du coût de la déforestation, de la pollution de l’air, des sols et de l’eau du changement climatique, de la perte de la biodiversité ou de l’extraction excessive d’énergie fossile et de matière. Et les coûts entrainés par cette dégradation impactent l’économie classique : nous allons, un jour, manquer de matière et d’énergie et la dégradation de l’environnement (par exemple le réchauffement climatique) entraine déjà des coûts très importants pour l’activité économique classique.

Le capitalisme naturel et social au secours de la comptabilité actuelle ?

Dans un premier temps, notre mode de production est basée sur l’utilisation de stocks de matière ou d’énergie qui s’épuisent ou se dégradent fortement. Nicholas Georgescu-Roegen, pionnier incompris des années 1970, est ainsi parti des principes thermodynamiques de conservation de la matière et de l’énergie, mais aussi (et surtout) de la notion d’entropie (qui représente la dégradation irréversible et systématique de l’environnement quand on utilise de l’énergie) pour l’adapter en termes économiques.

Il a ainsi déduit que l’économie actuelle, basée sur le principe d’abondance, n’est pas soutenable : il est nécessaire que nous utilisions la matière à son taux de renouvellement naturel et de l’énergie provenant de flux et non plus de stocks. Concernant l’énergie, le soleil constitue donc la principale source d’énergie inépuisable à notre échelle de temps. Mais il en existe d’autres : force de gravité, des marées, géothermie… La bioéconomie souhaite donc une décroissance de nos ressources non renouvelables (même si elles sont recyclées) pour prendre en compte ces considérations environnementales, et aller vers plus de simplicité dans notre mode de vie.

Ensuite, le capitalisme naturel offre un début de solution à cette impasse : puisque les acteurs économiques ne sont pas prêts d’abandonner leur système classique de rentabilité par le PIB pour un autre indicateur (ou un panel d’autres) plus cohérents, le capitalisme naturel souhaite réintroduire la nature dans le système comptable, en donnant un prix positif aux ressources extraites et négatif aux pollutions générées. On aboutirait alors à un produit intérieur net ajusté environnementalement (PINae), représentant effectivement le « chiffre d’affaires de la planète ». Ainsi, miser sur les bénéfices traduits en valeur monétaire que l’investissement dans l’écologie peut rapporter à l’économie. Bien que certains détracteurs de cette théorie pensent qu’il n’est pas éthique de « donner un prix à la nature », cette approche est novatrice et mérite le détour.

Plus précisément, Paul Hawken, Amory Lovins et son épouse L. Hunter, auteurs du livre « Natural Capitalism », proposent une stratégie en quatre volets : accroître radicalement la productivité des matières premières, pratiquer le biomimétisme, instituer une économie de services et de location et investir dans le capital naturel.

De la même façon, on pourrait aussi introduire le capital social dans cet indicateur. La justification de cette démarche est simple : l’économie se doit d’être au service de l’humain dans sa nature (et non pas l’inverse). Et même si le PIB apporte certains bienfaits sociaux, il apporte aussi des catastrophes. Le PIB n’est tout simplement pas fabriqué pour rendre compte du bien-être de la société. Evaluer en termes monétaires les bienfaits de la coopération ou du bénévolat et les méfaits du chômage ou du stress par exemple, c’est se doter d’un indicateur bien plus au service de l’homme que ne l’est le PIB.

Au final, un PIB total, prenant en compte bénéfices et pertes dues à l’environnement et au social (et pourquoi pas à la gouvernance et à la culture) pourrait être envisagé. Alors, au lieu de s’orienter vers une optimisation de la productivité du capital et du travail (c.à.d. produire plus d’échanges avec moins de capital et moins de travail), on s’orienterait vers une société privilégiant la productivité des matières premières et de la société (c.à.d. augmenter la productivité des matières premières et du bien-être de chacun).

L’avis Sequovia : un panel d’indicateurs complémentaires, pour l’instant du moins

La voie trouvée par les économistes actuels, à la suite de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi est que chaque entité économique puisse disposer d’un panel d’indicateurs exprimés dans des valeurs non monétaires. Elle estime ainsi qu’il serait trop imprécis de vouloir suivre l’évolution de critères environnementaux et sociaux.

A la suite de cette commission, l’Europe puis la France sont en train de se doter d’indicateurs alternatifs qui viendraient étayer l’orientation de l’économie.

De même, les entreprises ou collectivités commencent à se doter d’un panel d’indicateurs propres, par l’intermédiaire de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). L’auto-évaluateur Eval2D de Sequovia permet d’évaluer la viabilité de son entreprise ou sa collectivité par rapport à ses parties prenantes. Chaque entreprise peut aussi aller plus loin en associant à sa simple rentabilité économique des indicateurs environnementaux et sociaux : la triple-bottom line (ou triple dividende : People-Profit-Planet) est un concept en devenir.

Le PIB a donc atteint ses limites comme indicateur unique. Il est maintenant un phare dont la lumière nous éblouit, et nous empêche de voir que nous vivons à crédit écologique et que le but de l’économie actuelle doit donc être l’accès au bien-être de chacun. Il nous apparaît donc indispensable de revaloriser la nature et le social en plaçant de nouveaux indicateurs en complément du PIB, et ce le plus tôt possible. Cette évolution s’inscrit dans la logique de performance durable de l’économie.

En étant utopiste, on peut même imaginer qu’un jour l’économie sera basée non plus sur la valeur monétaire, mais sur la valeur humaine et sociale de nos activités…

La bioéconomie et le capitalisme naturel et social sont-ils possibles?

Alors que le capital économique (représenté par le PIB) n’a fait qu’augmenter au cours de ce XXème siècle, le capital naturel ou social (l’ensemble des services rendus par la nature ou le bien-être de chacun de chacun dans la société) est quant à lui en baisse. Ce faisant, certains économistes proposent de créer une nouvelle comptabilité, basée non plus sur l’unique PIB, mais sur un nouvel indicateur synthétique prenant en compte cette dégradation. D’autres préconisent un panel d’indicateurs qui viendrait compléter le PIB de façon extra-comptable.

Que compte le système comptable actuel ?


Le PIB est un élément relativement récent dans notre économie : il est apparu en France après la Seconde Guerre Mondiale, tout comme la comptabilité nationale.

Dans ce nouveau système économique, basé exclusivement sur le PIB, on ne comptabilise que l’ensemble des biens et services finaux produits sur le territoire ou, autrement dit, l’ensemble des flux de biens et de services finaux échangés. Travail et capital y ont donc la part belle, tandis que les services rendus par la nature (stocks), ou la pollution que l’activité humaine rejette ne sont pas comptabilisés.

Plus précisément, lorsqu’on extrait des matières premières ou des énergies fossiles, la seule chose que l’on paie est l’activité humaine qui a permis de transformer d’autres matières premières pour fabriquer des machines, pour concevoir les projets, les financer… Les matières et énergies premières n’ont donc aucun prix en soi, et le PIB ne représente que l’ensemble des rémunérations des acteurs économiques.

Ensuite, le PIB ne représente pas un solde (ce que l’on produit moins ce que l’on consomme) mais seulement un flux (ce que l’on crée). Par analogie, suivre le PIB pour un Etat revient à suivre uniquement le chiffre d’affaires pour une entreprise, sans se soucier que son résultat soit excédentaire ou déficitaire.

Et c’est de là que provient la mauvaise orientation de l’économie : en ne se fiant qu’à cet indicateur unique (qui pourrait être utile, tout comme le chiffre d’affaires d’une entreprise, s’il était couplé à d’autres indicateurs), l’économie s’est sûrement largement appauvrie au cours du siècle dernier : bien que le capital artificiel augmente, le capital naturel décroît fortement du fait du coût de la déforestation, de la pollution de l’air, des sols et de l’eau du changement climatique, de la perte de la biodiversité ou de l’extraction excessive d’énergie fossile et de matière. Et les coûts entrainés par cette dégradation impactent l’économie classique : nous allons, un jour, manquer de matière et d’énergie et la dégradation de l’environnement (par exemple le réchauffement climatique (http://www.sequovia.com/actualites/1920-changement-climatique-en-france-le-cout-de-l%E2%80%99inaction-serait-exorbitant.html)) entraine déjà des coûts très importants pour l’activité économique classique.

La bioéconomie et le capitalisme naturel et social au secours de la comptabilité actuelle ?

Dans un premier temps, notre mode de production est basée sur l’utilisation de stocks de matière ou d’énergie qui s’épuisent ou se dégradent fortement. Nicholas Georgescu-Roegen, pionnier incompris des années 1970, est ainsi parti des principes thermodynamiques de conservation de la matière et de l’énergie, mais aussi (et surtout) de la notion d’entropie (qui représente la dégradation irréversible et systématique de l’environnement quand on utilise de l’énergie) pour l’adapter en termes économiques.

Il a ainsi déduit que l’économie actuelle, basée sur le principe d’abondance, n’est pas soutenable : il est nécessaire que nous utilisions la matière à son taux de renouvellement naturel et de l’énergie provenant de flux et non plus de stocks. Concernant l’énergie, le soleil constitue donc la principale source d’énergie inépuisable à notre échelle de temps. Mais il en existe d’autres : force de gravité, des marées, géothermie… La bioéconomie souhaite donc une décroissance de nos ressources non renouvelables (même si elles sont recyclées) pour prendre en compte ces considérations environnementales, et aller vers plus de simplicité dans notre mode de vie.

Ensuite, le capitalisme naturel offre un début de solution à cette impasse : puisque les acteurs économiques ne sont pas prêts d’abandonner leur système classique de rentabilité par le PIB pour un autre indicateur (ou un panel d’autres) plus cohérents, le capitalisme naturel souhaite réintroduire la nature dans le système comptable, en donnant un prix positif aux ressources extraites et négatif aux pollutions générées. On aboutirait alors à un produit intérieur net ajusté environnementalement (PINae), représentant effectivement le « chiffre d’affaires de la planète ». Ainsi, miser sur les bénéfices traduits en valeur monétaire que l’investissement dans l’écologie peut rapporter à l’économie. Bien que certains détracteurs de cette théorie pensent qu’il n’est pas éthique de « donner un prix à la nature », cette approche est novatrice et mérite le détour.

Plus précisément, Paul Hawken, Amory Lovins et son épouse L. Hunter, auteurs du livre « Natural Capitalism », proposent une stratégie en quatre volets : accroître radicalement la productivité des matières premières, pratiquer le biomimétisme (http://www.sequovia.com/actualites/2354-imiter-les-prouesses-de-la-nature-biomimetisme-ecologie-industrielle-et-acv.html), instituer une économie de services et de location (http://www.sequovia.com/actualites/2642-l%E2%80%99economie-de-fonctionnalite-un-modele-pour-le-developpement-durable.html) et investir dans le capital naturel.

De la même façon, on pourrait aussi introduire le capital social dans cet indicateur. La justification de cette démarche est simple : l’économie se doit d’être au service de l’humain dans sa nature (et non pas l’inverse). Et même si le PIB apporte certains bienfaits sociaux, il apporte aussi des catastrophes. Le PIB n’est tout simplement pas fabriqué pour rendre compte du bien-être de la société. Evaluer en termes monétaires les bienfaits de la coopération ou du bénévolat et les méfaits du chômage ou du stress par exemple, c’est se doter d’un indicateur bien plus au service de l’homme que ne l’est le PIB.

Au final, un PIB total, prenant en compte bénéfices et pertes dues à l’environnement et au social (et pourquoi pas à la gouvernance et à la culture) pourrait être envisagé. Alors, au lieu de s’orienter vers une optimisation de la productivité du capital et du travail (c.à.d. produire plus d’échanges avec moins de capital et moins de travail), on s’orienterait vers une société privilégiant la productivité des matières premières et de la société (c.à.d. augmenter la productivité des matières premières et du bien-être de chacun).

L’avis Sequovia : un panel d’indicateurs complémentaires, pour l’instant

La voie trouvée par les économistes actuels, à la suite de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi (http://www.sequovia.com/actualites/1801-le-rapport-stiglitz-a-ete-rendu-ce-matin-vers-un-indicateur-alternatif-au-pib.html) est que chaque entité économique puisse disposer d’un panel d’indicateurs exprimés dans des valeurs non monétaires. Elle estime ainsi qu’il serait trop imprécis de vouloir suivre l’évolution de critères environnementaux et sociaux.

A la suite de cette commission, l’Europe puis la France (http://www.sequovia.com/actualites/3040-la-france-veut-de-nouveaux-indicateurs-de-performance-pour-prendre-en-compte-le-developpement-durable.html) sont en train de se doter d’indicateurs alternatifs qui viendraient étayer l’orientation de l’économie.

De même, les entreprises ou collectivités commencent à se doter d’indicateurs propres, par l’intermédiaire de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). L’auto-évaluateur Eval2D (http://www.sequovia.com/diagnostic-developpement-durable/) de Sequovia permet d’évaluer la viabilité de son entreprise ou sa collectivité par rapport à ses parties prenantes. Chaque entreprise peut aussi aller plus loin en associant à sa simple rentabilité économique des indicateurs environnementaux et sociaux : la triple-bottom line (ou triple dividende : People-Profit-Planet) est un concept en devenir.

Le PIB a donc atteint ses limites comme indicateur unique. Il est maintenant un phare dont la lumière nous éblouit, et nous empêche de voir que nous vivons à crédit écologique et que le but de l’économie actuelle doit donc être l’accès au bien-être de chacun. Il nous apparaît donc indispensable de revaloriser la nature et le social en plaçant de nouveaux indicateurs en complément du PIB, et ce le plus tôt possible. Cette évolution s’inscrit dans la logique de performance durable de l’économie.

En étant utopiste, on peut même imaginer qu’un jour l’économie sera basée non plus sur la valeur monétaire, mais sur la valeur humaine et sociale de nos activités…

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