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Violences policières lors d’une manifestation pacifique: présomption pesant sur l’Etat en l’absence d’explications (CEDH, 9 février 2010, Emine Yaşar c. Turquie)

Publié le 10 février 2010 par Combatsdh

Quelques jours après les attentats du 11 septembre 2001, un groupe de femme a souhaité se réunir devant l'immeuble du " parti de la liberté et de la démocratie " (Istanbul - Turquie) afin de faire une déclaration à la presse. Après des sommations ordonnant leur dispersion, les forces de police intervinrent par la force et placèrent presque toutes les manifestantes en garde à vue. L'une d'entre elles affirme avoir été frappée par les policiers et des blessures ont été relevées par un rapport médical établi le jour des faits. La plainte pour mauvais traitements formée par celle-ci conduisit toutefois à un non-lieu rendu par les autorités judiciaires turques. Parallèlement, la procédure pénale initiée contre les manifestantes, dont l'intéressée, se solda par leur acquittement.

La Cour européenne des droits de l'homme, " ten[ant] compte de l'indivisibilité des faits à la base de l'ensemble des griefs " décide de placer son examen sur le terrain " des articles 3 et 11 de la Convention, combinés avec l'article 13 " (resp. Interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, liberté de réunion et d'association, droit à un recours effectif). Néanmoins, elle examine ensuite successivement les griefs fondés sur ces deux premiers articles.

Concernant l'article 11 , outre un renvoi à sa jurisprudence traditionnelle en la matière (§ 42), la Cour se borne à reprendre l'analyse du tribunal correctionnel qui a acquitté les manifestantes en relevant la légalité du rassemblement litigieux et " la non-nécessité de l'intervention de la police " (§ 43). En conséquence, le " droit à la liberté de rassemblement pacifique " de la requérante a fait l'objet d'une ingérence étatique non justifiée, d'où le constat de violation de l'article 11 par la Turquie (§ 44).

S'agissant [CPDH: un administrativiste aurait évoqué ici la " de l'article 3 ,la juridiction strasbourgeoise constate d'une part que les policiers ont usé de la force et d'autre part que la requérante a souffert d'une blessure (§ 50 et 51). Le lien entre ces deux faits est établi par le jeu des présomptions qui pèsent sur l'État défendeur. En effet, comme ce dernier n'a pas prouvé que " la requérante a[va]it déjà subi, avant les faits de la cause, le traumatisme constaté par le médecin [...] c'est à [lui] qu'il incombe de donner des explications sur ce traumatisme, qui, aux yeux de la Cour, a résulté de la force employée contre la requérante par les policiers " (§ 52). méthode de l'arrêt Barel"].

Par ailleurs, l'excuse de la nécessité du recours à la force n'est pas admise ici, " aucune violence ou même résistance de la part de la requérante " n'ayant été relevées (§ 54). L'insuffisance de " l'enquête pénale diligentée par le procureur " à la suite de la plainte de la requérante participe également au constat final de la violation de l'article 3 - qui, pour ce dernier point, renvoie en substance aux exigences de l'article 13 (§ 55).

La Turquie est donc condamnée ici pour une double violation de la Convention.

Violences policières lors d’une manifestation pacifique: présomption pesant sur l’Etat en l’absence d’explications (CEDH, 9 février 2010, Emine Yaşar c. Turquie)
Violences policières lors d’une manifestation pacifique: présomption pesant sur l’Etat en l’absence d’explications (CEDH, 9 février 2010, Emine Yaşar c. Turquie)
Emine Yaşar c. Turquie (Cour EDH, 2e Sect. 9 février 2010, Req. no 863/04) Actualités droits-libertés du 9 février 2010 par Nicolas Hervieu

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