Magazine Cinéma

“Mother”, la mère qu’on voit danser…

Par Kub3

Enfin le voici, notre premier chef-d’œuvre de 2010 ! Avec Mother, Joon-ho Bong (Memories of Murder, The Host) confirme qu’il est un des plus grands cinéastes actuels. Une véritable leçon de cinéma pour un film d’une monstrueuse beauté.

“Mother”, la mère qu’on voit danser…

La première séquence de Mother est aussi probablement la plus belle et la plus forte. L’actrice Kim Hye-Ja, véritable icône du cinéma coréen, y danse, seule, dans un champ de hautes herbes de blés. On est loin de se douter au premier visionnage de la portée métaphorique de ce début, qui prendra sens au fur et à mesure du film. Et pourtant, ces premières images concentrent l’essentiel. Déclaration d’amour sensible à une actrice, véritable hommage rendu aux mères, portrait passionné d’une femme : Mother est tout cela à la fois. Et bien plus encore.

Tout commence comme un bon vieux Hitchcock à la sauce asiatique. Do-Joon, jeune adulte intellectuellement peu pourvu, est accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Sa mère, ultra-possessive et peut-être aussi psychologiquement instable que son fils, fait tout pour prouver son innocence. A partir d’une trame des plus basiques, Joon-Ho Bong ouvre les portes de son univers et, comme il l’avait déjà fait avec le film-catastrophe dans The Host, détourne les codes établis du film de genre au service d’une approche très personnelle.

Entre comédie sociale, thriller et drame psychologique, voici un film tout bonnement inclassable. Pourtant, si Bong aurait maintes raisons de s’égarer, jamais il ne se fourvoie. Probablement grâce à sa surprenante maîtrise d’un équilibre beaucoup plus global entre la mise en scène, le scénario et le montage, le cinéaste construit son film comme un compositeur s’attache à écrire une œuvre musicale. Jouant avec le rythme sous toutes ses formes (tempo de l’image, ruptures sonores), multipliant les timbres et les tons de manière toujours surprenante et imprévisible, Mother passionne par la grande attention portée à chaque aspect de la réalisation.

Formellement, la réussite est formidable. De même que la photographie sombre et lumineuse illustre parfaitement l’alchimie entre gravité et légèreté, la musique, tantôt cocasse, tantôt tourmentée, fait également appel à ce registre. Les idées fourmillent dans chaque scène, à l’image du moment où la mère, faisant effraction chez un suspect, se cache derrière un rideau lorsque celui-ci rentre chez lui accompagné de la fille qu’il compte sauter. La perversité du voyeurisme sera résolue avec la précision d’une goutte d’eau. Suspense narratif (la mère parviendra-t-elle à prouver l’innocence de son fils ?), mais aussi visuel : ce grand talent à entremêler fond et forme se retrouve tout au long du film.

L’expérimentation pourrait rester froide et peu touchante, mais Mother distille une rare tension dramatique et esthétique, jusqu’à son twist (presque) final. L’interprétation de Kim Hye-Ja, magnifique dans son rôle de mère (é)perdue jusqu’à la monstruosité, renforce la sensibilité de ce bijou d’un cinéaste hors normes. Du pur cinéma.

“Mother”, la mère qu’on voit danser…

En salles le 27 janvier 2010

Crédits photos : © Diaphana Films

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Kub3 1789 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines