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Metropolis : monumental !

Publié le 13 février 2010 par Rendez-Vous Du Patrimoine
Metropolis : monumental !
Le film de Fritz Lang (1925), donné hier sur Arte, est d'une telle richesse qu'on pourrait longuement en développer de multiples aspects : la religiosité omni-présente (faux paradis des dirigeants de la ville, Moloch, Babylone, tour de Babel, mystique entretenue par Maria, bucher de la sorcière, attente du "médiateur"/Messie, héros crucifié sur les aiguilles de sa machine), la technologie menaçante (bureaucrates complaisants, savant fou, laboratoire et robots-machines), la lutte des classes ou la conciliation mais aussi le role réciproque des hommes et des femmes, la place du fils "vetu de soie blanche" qui se convertit au contact des masses laborieuses et ouvre les yeux grace à l'amour etc...
Mais ce qui frappe avant tout, c'est bien évidemment le décor monumental et les différents lieux où se déroule l'action :D'abord la "ville haute", où l'on trouve d'immenses tours équipées d'ascenseurs automatiques, cernées de voies rapides, un décor de vastes plans où les plongées visuelles écrasent l'homme et lui rendent sa petitesse. De ce décor gigantesque émerge la "Tour de Babel" où "les hommes qui parlaient une meme langue ne se comprenaient pas".
Puis la "ville basse" qui est ici "la ville d'en bas", la ville souterraine, celle des profondeurs avec les catacombes  du temps passé, lieu de mort où  les ouvriers se réunissent pour espérer.
A coté de ces deux univers superposés et antagonistes où l'homme disparait au profit des groupes et des foules, plusieurs lieux fermés et plus individualisés permettent des scènes plus intimes où les héros sont filmés en gros plan.- le stade des sportifs privilégiés, entouré de hauts murs et de statues d'athlètes à la Leni Riefenstahl (Le Triomphe de la volonté date de 1934)- le jardin-paradis des dirigeants, exotique et interdit aux enfants pauvres- le bureau du créateur de la ville avec ses tableaux de visualisation et de surveillance permanente- les postes de travail où les ouvriers s'épuisent- le laboratoire du savant fou dans sa maison kitsch et sans fenetres aux portes magiques et terrifiantes- le taxi qui emporte l'ouvrier "Georgy 11811"- l'appartement du bras droit du maitre de la ville- le cabaret de toutes les séductions où la fausse Maria déchaine les passions masculines- la cathédrale avec son portail sculpté à l'ancienne, ses gargouilles et son décor des sept péchés capitaux emportés par la danse des morts.
Au final, la ville, créée sur de mauvaises bases, ne saurait qu'etre mauvaise et pernicieuse, dévoreuse de ses habitants, les foules versatiles et oublieuses (de leurs devoirs, de leurs propres enfants).J'ai pensé en voyant ce décor à la ville de Stahlstadt, "la cité de l'acier", la gigantesque usine à canon créée par le professeur Schultze dans Les 500 millions de la Bégum, le livre de Jules Verne (1879). On y trouve aussi un jardin idyllique et  trompeur à coté de l'usine qui exploite les ouvriers.
Dans Metropolis, la rue déverse indifféremment ses foules et ses inondations, l'église est tristement vide et seul son parvis finit par accueillir la "réconciliation des ouvriers et du maitre de la ville" dans une improbable poignée de main orchestrée par le "médiateur", Pierrot lunaire régénéré qui réalise le souhait plusieurs fois invoqué : "Entre le cerveau (le maitre de la ville) et les mains (les ouvriers), le médiateur doit etre le coeur".
En réalité on ne voit nulle part un lieu humain, agréable à vivre et où la science ait apporté confort raisonnable et réconfort. On ne sourit pas comme dans Les Temps modernes (1936), où Charlie Chaplin savait doser les effets comiques avec l'angoisse de la machine, limitée au demeurant à l'usine. Dès que l'ouvrier Chaplin sortait de son usine, c'était pour ramasser par hasard un drapeau tombé au sol et prendre la tete d'un cortège de manifestants... sans meme s'en rendre compte.
Là c'est toute la ville qui est devenue une vaste usine au service de privilégiés. Quant à l'union finale, basée sur un slogan de pacotille et consentie à contre-coeur, elle augure mal de l'avenir.
Avec Fritz Lang, la "cité-mère" (métropole) est mal partie et nous avec.Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !

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