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Les leçons de la crise grecque

Publié le 15 février 2010 par Boursomax

Philippe d'Arvisenet, chef économiste de BNP Paribas analyse la crise grecque et en tire les leçons pour l'Union européenne. Dérives des comptes intérieurs, absence de transfert des budgets centraux, une
meilleure coordination des politiques économiques est sans doute nécessaire.

D'Arvisenet : les leçons de la crise grecque

crédit photo : luxeurocoins


Sibylle Dehesdin : Depuis quelques mois les inquiétudes sur les dettes souveraines des pays de la zone euro sont revenues sur le devant de la scène. Que pensez-vous de ces inquiétudes ?



Philippe d’Arvisenet : Ces inquiétudes se sont exacerbées. Cela se voit à travers la montée des taux
d’intérêt sur les titres souverains. En Grèce, ils sont plus du double des taux allemands par exemple, le Portugal suit et également l’Espagne. Il y a des raisons objectives à cela, à savoir une détérioration très importante des finances publiques, notamment en Grèce, où le déficit public est très élevé, pas loin de 13 points de PIB, mais également une dette qui est très forte. Le déficit est très élevé en raison de dérives qui ne sont pas le fait d’une croissance faible qui a pesé sur les recettes fiscales. Des décisions ont été prises, qui ont pesé sur les finances publiques.
Et enfin, il y a un grand doute sur la fiabilité des chiffres comme l’ont montré certains exemples de révisions au cours des dernières années. Cela s’oppose à des situations comme l’Espagne ou l’Irlande où vous avez effectivement un déficit élevé, mais un niveau de dette de départ nettement plus modeste. Ces craintes tiennent aussi au fait que la mise en œuvre des programmes de redressement, qui ont été annoncés, parait douteuse à certains observateurs. Par exemple, en Espagne,  pour mettre en place le programme de redressement, il faut l’appui des régions autonomes. On dit également que les hypothèses de croissance sont peut-être un petit peu fortes. En ce qui concerne la Grèce, on craint les remous sociaux. Cela étant, il ne faut tout de même pas exagérer. Il y a une augmentation de la charge d’intérêt sur la dette publique, donc il y a avantage pour les pays en question à mettre en place des programmes de redressement.
Sibylle Dehesdin : Y a-t-il un risque d'éclatement à l’heure actuelle de l’Euro ?



Philippe d’Arvisenet : Il faut raisonner en termes de coûts et avantages. Il y aurait des inconvénients importants pour un pays qui sortirait de l’Euro. Compte tenu des niveaux actuels, il est douteux qu’il puisse parier sur des taux d’intérêt qui s’effondrent, à l’instar de ce qui s’était passé lorsqu’un certain nombre de pays étaient sortis du système monétaire européen il y a presque 20 ans maintenant, d’une part. D’autre part, il n’est pas non plus dans l’intérêt des autres, de ceux que l’on appellerait dans ces conditions-là le noyau dur, de voir certains pays sortir parce que ça voudrait dire qu’eux-mêmes perdent en compétitivité. Donc tout le monde a intérêt au maintien de l’Euro.


Sibylle Dehesdin : La chute de l'Euro face au dollar peut néanmoins sembler, assez paradoxalement, un bienfait pour la zone Euro en termes de compétitivité ?


Philippe d’Arvisenet : Ecoutez, le Dollar est une monnaie qui s’est beaucoup affaiblie, mais il ya toujours des retours de bâtons. On n’a pas une dérive linéaire du Dollar, puisque vous savez que bien évidemment quand le marché intègre que la croissance va être un peu moins bonne dans la zone Euro qu’aux Etats-Unis, ça favorise le dollar si je puis dire, ou ça favorise la baisse de l’Euro. Là nous avons cette situation qui nous a fait bien dévisser l’Euro et finalement, c’est une bonne chose puisque l’Euro était surévalué et pesait sur la compétitivité prix de la zone.


Sibylle Dehesdin : Quelles leçons tirer pour le fonctionnement de l'union monétaire ?



Philippe d’Arvisenet : Quand l’Union a été lancée, beaucoup de gens pensaient que dans le fond, la politique monétaire unique, l’impossibilité de dévaluer, cela avait un côté disciplinant. Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé puisque des taux d’intérêt bas ont conduit un certain nombre de pays au surendettement, le secteur privé, pas seulement le secteur public. Donc, on a eu une croissance qui a poussé les importations à la hausse et finalement a conduit à la dérive des comptes extérieurs. Les pays en question ont connu une inflation supérieure à la moyenne, deuxième source de baisse de compétitivité et donc finalement une nouvelle source de progression du déficit extérieur. Mais on pensait que ce n’était pas trop grave, puisqu’il s’agissait d’une union monétaire. Dans le fond personne ne sait si le Languedoc est en déficit par rapport à la Provence Côte d’Azur et personne ne s’en préoccupe. 


Or, la réalité actuelle montre que les choses ne fonctionnent pas comme ça. Un certain nombre de pays ont besoin de l’épargne des voisins et nous ne sommes pas dans une véritable union monétaire à l’américaine, ou à la française autrefois j’allais dire, ou comme les Landers en Allemagne, où quand une région a des problèmes, elle bénéficie automatiquement de transferts venant d’un budget central. Cela n’existe pas dans la zone Euro. Cette crise peut avoir un effet positif, à savoir qu’on va sans doute re-réfléchir au problème de la coordination des politiques économiques dans la zone Euro, puisque vous avez un certain nombre de pays, ceux dont on vient de parler, qui ont un déficit d’épargne, d’autres qui ont un excédent d’épargne. Il ne serait pas mauvais que les pays qui doivent faire un effort pour regagner leur compétitivité puissent être aidés d’une certaine manière par d’autres pays en excédent qui pousseraient leur demande interne. Cela fait peur à certains pays, qui craignent ce que l’on appelle parfois un gouvernement européen.

Enfin pour terminer, je dirai que le pacte de stabilité et de croissance, qui était un dispositif, mal suivi d’ailleurs, conçu pour une période calme, ne fonctionne pas dans des périodes comme la période que l’on connait à l’heure actuelle et il serait sans doute justifié de réfléchir à un dispositif de gestion de crise : Que fait-on, quelle institution est en charge, comment suit-on les efforts de redressement de tel ou tel pays ?


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