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Enfances à l’écran

Publié le 18 février 2010 par Magda

Enfances à l’écran

Michael Nierse (11 ans) dans « Jacco’s film » de Daan Bakker

La Berlinale se poursuit et décidément, cette année, les films sélectionnés sont du meilleur cru. Et devinez qui a remporté hier l’Ours d’or du meilleur court-métrage? Notre ami Ruben Östlund (Suède) dont je vous parlais mardi justement, pour son très drôle et très intelligent Händelse Vid Bank : histoire de deux amis qui regardent, amusés, des casseurs de banques très peu organisés faire leur coup – et se faire choper lamentablement.

Enfances à l’écran

Semih Kaplanoglu dirige Bora Altas, 8 ans, sur le plateau de « Bal« 

Ma journée Berlinale d’hier fut grandement consacrée à l’exploration de films dédiés à la (douce?) période de l’enfance. Bal (miel en turc) de Semih Kaplanoğlu est un film superbement lent et attentif aux liens de l’enfant et de la nature. Yusuf est un petit garçon de six ans qui éprouve des problèmes de langage et de lecture ; il entretient avec son père, un apiculteur courageux, une relation silencieuse et profonde. Le film est puissamment émouvant et laisse le spectateur chancelant, perdu dans la touffeur vert sombre des forêts de Turquie. Jusque-là, très clairement, mon grand favori dans la compétition officielle.

Je me suis rendue ensuite à la projection des courts-métrages de la sélection appelée Generation, une compétition entièrement dédiée aux films pour enfants. Imaginez une immense salle de cinéma, remplie d’enfants, qui prennent le micro pour poser des questions aux réalisateurs et juger la qualité artistique des films. Un moment étonnant dans un festival international de cinéma. Les programmateurs de la Berlinale ont le très bon goût de ne pas prendre les enfants pour des cons : les films sélectionnés sont très bons. Dans Jacco’s film, du Néerlandais Daan Bakker, Jacco, un enfant de dix ans, filme ses parents qui passent leur temps à se déchirer et ses copains racailles qui n’ont jamais réponse à rien. On est très loin de Walt Disney, mais le jeune public de la Berlinale adore et le fait savoir.

Enfances à l’écran

L’actrice allemande Hanna Schygulla

Hanna Schygulla est une déesse du cinéma allemand depuis les années 70. Elle remporta l’Ours d’argent de la meilleure actrice en 1978 pour Le mariage de Maria Braun de Fassbinder. Cette année, la Berlinale lui rend hommage en lui remettant un prix spécial pour l’ensemble de sa carrière.

La belle Hanna, désormais âgée de 65 ans, est venue parler d’elle à la Deutsche Kinemathek. De longs cheveux gris, des yeux comme deux diamants liquides qui semblent regarder derrière vous, et cette voix inimitable, ce phrasé lent et interrogatif. Arrivée avec 20 minutes de retard, elle ne perd pas de temps et embarque les auditeurs dans la drôle d’histoire de son voyage à Cuba et de sa rencontre avec l’écrivain Gabriel Garcia Marquez.

Hanna Schygulla semble savoir qu’elle n’a besoin que de lever tranquillement les yeux et de donner son énigmatique sourire au public, pour que celui-ci l’adore et s’agenouille. Elle irradie littéralement. Nous sommes tous en lévitation, un sourire léger flottant sur nos lèvres, nous aussi. Interrogée sur les humeurs terribles de Fassbinder à son égard, elle répond : « Je ne veux pas dire de mal de Fassbinder. Ce qu’il m’a donné, et surtout ce qu’il a donné au cinéma, est tellement important, historique. Ne parlons pas de Fassbinder ».  Je prends le micro et lui demande quels rôle elle aimerait jouer aujourd’hui. « Des rôles de grand-mère! » s’exclame-t-elle. « C’est de mon âge! Mais mon agent m’engueule quand je dis ça ».

Enfances à l’écran

L’actrice japonaise Shinobu Terashima

Enfin, je m’écrase voluptueusement dans un des canapés de velours anthracite de l’hôtel Grand Hyatt, avec trois amis journalistes qui avaient à y faire. Je n’étais là que par snobisme, et pour regarder les starlettes passer, en me moquant gentiment de leurs tenues ou de leurs coiffures. Mais devant l’élégance de Shinobu Terashima, l’actrice fantastique de Caterpillar de Wakamatsu, je me suis tue. Droite, souriante, corsetée dans un somptueux kimono vert et jaune, elle portait haut son chignon sophistiqué, avec la classe d’une très grande star de cinéma. Une qualité dont elle fait montre dans le terrible film de Wakamatsu, dont j’ai parlé il y a deux jours.

Et pour finir, nous sommes allés manger un délicieux poulet maffé et danser sur du zouk au cinéma Babylon Mitte, où était présentée une sélection de courts-métrages africains. J’y discute longuement avec un producteur tunisien et un artiste iranien. Le monde entier se rencontre au festival de Berlin. Quel vide lorsque tous les festivaliers quitteront ma ville, après cette merveilleuse fiesta d’une semaine et demie! Je préfère ne pas y penser. Il reste encore beaucoup de films à voir, beaucoup de gens à rencontrer. Ah… Si tous les jours pouvaient ressembler à la Berlinale!


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