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Première initiative d'origine citoyenne

Publié le 23 février 2010 par Duncan

L'article 11.4 du TUE énonce que:

"Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres, peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application des traités.

Les procédures et conditions requises pour la présentation d'une telle initiative sont fixées conformément à l'article 24, premier alinéa, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne."

Et voilà que la première initiative européenne a vu le jour... non sans quelques problèmes!

Tout d'abord, elle semble un peu prématurée... En effet, cette possibilité attend sa mise en oeuvre. La Commission a à peine publié un livre vert sur le sujet.

La première initiative a vu le jour en Allemagne et, sous le nom de "Free Sunday" *, entend que le dimanche soit un jour de congé imposé à travers l'Union (via Kosmopolito). Kosmopolito a déjà expliqué en quoi cette tentative semble vouée à l'échec (pas encore de règles claires pour la soumission d'une initiative, campagne boiteuse, pas de traduction etc.).

Qu'il me soit permis d'ajouter ma pierre (ou ma vague?) au flot de critiques. On peut ajouter que l'Union n'a sans doute pas (en tout cas, c'est loin d'être évident contrairement à ce que semblent penser les auteurs de cette initiative) la compétence pour imposer, à travers les Etats membres, un dimanche de congé obligatoire. D'autant que cette initiative semble davantage motivée par un soucis de protection de la famille que pour des raisons sociales. Ceci dit, je n'ai pas creusé la question... Les commentaires éclairés seraient les bienvenus...

A cet égard, dans son livre vert sur le sujet, la Commission a clairement indiqué que, contrairement à l'option défendue par le Parlement, elle n'entendait pas se prononcer "sur la recevabilité de l'initiative proposée. En effet, elle ne considère pas qu'il serait approprié pour elle de vérifier la recevabilité formelle des initiatives proposées avant même que les signatures aient commencé à être récoltées. Une telle approche pourrait prêter à confusion, en donnant l'impression que la Commission a donné une certaine forme de feu vert aux initiatives proposées sur la base de critères autres que purement procéduraux".

Bref, l'effet pervers de cette neutralité se fait sentir dès la première initiative: en la laissant prospérer, voire en la laissant (même si c'est peu probable) atteindre le chiffre fatidique du million de signatures (sans compter les autres conditions), pour ensuite la (probablement encore une fois) disqualifier sur le fondement de l'absence de bases juridiques, l'initiative citoyenne risque rapidement de tourner à la "foire aux monstres" des propositions les plus rocambolesques, sans lien, même tenu, avec la réalité des compétences de l'Union. Un tri préalable,  même grossier, accompagné d'une publicité et d'une pédagogie appropriées, permettrait sans doute, au contraire, d'illustrer ce que ce sont exactement les compétences de l'Union, loin des fantasmes propagés ici et là. Evidemment, la position de la Commission se comprend: la disqualification de certaines initiatives donnerait du grain à moudre aux théoriciens du complot. C'est pour cette raison que transparence, pédagogie et publicité (et possibilité de recours?) devraient être les maîtres mots d'une telle sélection.

Autre question liée: cette initiative pose le problème de la charge de la preuve de l'existence d'une base juridique. "Free Sunday" ne s'est visiblement même pas posé la question. La Commission devrait-elle alors, en cas de succès, se creuser la tête pour en trouver une? Ou peut-elle se contenter de la disqualifier sur le simple fondement qu'aucune base solide n'est proposée? On imagine évidemment que ceci pourrait donner lieu à des réponses à géométrie variable suivant l'intérêt que l'exécutif européen trouverait dans la proposition proprement dite... Ce qui, encore une fois, plaide, selon moi, pour un minimum de tri en amont. En tout cas, au moins, si le contrôle n'est pas systématique (ce qui se comprend en termes d'utilisation intelligente des ressources humaines de la Commission...), la Commission devrait-elle laisser la possibilité aux auteurs d'initiative de lui soumettre pour avis sur l'existence d'une base légale. Cela éviterait sans doute déjà quelques déconvenues.

Bref, Free Sunday restera sans doute comme la première initiative de citoyens, mais certainement pas comme la première ayant abouti...

* L'auteur de ce blog tient à indiquer que l'évocation de cette campagne participe d'un soucis d'information sur le Traité de Lisbonne et ne signifie certainement pas qu'il en approuve l'objet, et encore moins l'idéologie qui visiblement la sous-tend.


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