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Pascal, les femmes et le chanturgue - Ma Nuit chez Maud, d'Eric Rohmer

Par Timotheegerardin
Pascal, les femmes et le chanturgue - Ma Nuit chez Maud, d'Eric Rohmer
Dans beaucoup de ses films, Rohmer est le cinéaste de la diversion. Lui seul sait, comme dans Pauline à la plage, opposer le discours à la vie, nous faire entendre des paroles tout en disant autre chose. Lui seul, encore, sait, comme dans La Boulangère de monceau, ménager de l'inattendu, installer le temps pour amener le contre-temps. Détourner l'attention pour mieux montrer en retour. En un sens le badinage des personnages rohmeriens est une diversion à ce qui importe vraiment dans les situations données - ou l'inverse, peut-être: les grands thèmes finissent toujours par nous ramener au badinage et à l'instant présent.
Mais dans Ma Nuit chez Maud, une nuit qui gravite autour de Pascal, c'est du divertissement qu'il s'agit. L'expression en est donnée le plus simplement du monde au début du film: dans une église clermontoise, plan frontal sur l'autel et le prêtre qui célèbre la messe, bientôt contrebalancé par des regards furtifs vers le gracieux profil de la voisine. Reste à savoir où est la contemplation et où est la diversion. Toujours cette question de la présence: où est la présence réelle?
Et le mérite de Rohmer, en l'occurrence, est de n'être pas univoque. Dans le débat sur Pascal, le personnage de Jean-Louis Trintignant se refuse au jansénisme: impossible de rejeter tout divertissement, impossible de rejeter les femmes, le Chanturgue, ce "bon vin des familles auvergnates, catholiques et franc-maçonnes"! Ainsi pas de catholicisme, selon lui, sans présence impure au monde. Présence charnelle, aussi, puisqu'on le voit tenté par la franchise et la bonhommie de Maud. Le voici obligé de justifier sa conduite passée, sa contradiction présente, à mesure qu'il joue le jeu de Maud. Il lui sera reproché finalement d'être lui-même le janséniste, de s'agripper à une illusoire pureté - "la blonde" -, ainsi qu'aux convenances, pour refuser de savourer l'instant.
L'opposition entre les deux femmes - la blonde aérienne et la brune charnelle - gagne cependant en ambigüité à mesure qu'avance Ma Nuit chez Maud. On s'aperçoit que l'apparition est prise, elle aussi, dans le temps, dans le divertissement - et elle a un passé. C'est au fond avec la brune charnelle que notre personnage d'ingénieur aura eu la relation la plus pure et la plus terrestre. A elles deux, elles forment en tout cas un émouvant portrait de la grâce féminine.

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