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Princeton, Cocoon Of Love

Publié le 01 mars 2010 par Bertrand Gillet

Titre : University of pop ou l’universalisme du flop
Sous titre : de toute façon, je hais ces petits cons d’étudiants prétentieux,
jeunes et syndiqués, quand ils ne sont pas dreadlockés.
Princeton, Cocoon Of LoveLorsque j’étais enfant, j’adorais par-dessus tout les serials, ces films d’aventure qui vous emmenaient à l’autre bout du monde, à la recherche de je ne sais quel trésor exotique. Dans ces fictions flamboyantes aux délicieux parfums coloniaux, on trouvait toujours une ou deux scènes où des hommes, arpentant en convoi des montagnes gigantesques, vertigineuses, tombaient alors dans le vide dans un hurlement interminable, se brisant contre l’écho des falaises. J’adorais voir des hommes tomber de haut. Sentiment assez incroyable et tout aussi inquiétant pour la jeune personne que j’étais, pourtant tout à fait équilibrée, heureuse, grandissant dans le confort douillet du foyer bienveillant. Et pourtant, je jubilais face à ce trépas des plus effrayants : l’homme minuscule basculant dans la mort précipitée. Ce sentiment précis, je l’ai ressenti à nouveau, non pas devant ma télé ni au cinéma, mais à la seule écoute du dernier Vampire Weekend, Contra. Je venais moi aussi de tomber de haut. Sauf que le plaisir coupable d’antan n’était nullement au rendez-vous. Ce qui m’avait littéralement jeté dans le précipice de la consternation, ce n’était pas tant l’œuvre en question mais le crédit qu’on lui accordait. La haute idée que l’on se faisait, enfin que la presse rock se faisait, de ses dix titres. Oh, ils n’étaient pas fondamentalement mauvais, bien que calqués notes pour notes sur l’opus précédent, mais ils n’étaient pas conforme à l’idée que je me faisais d’un grand disque. L’exemple qui tue, le single Cousins. Une rythmique basique faisant office de mélodie, des cris rappelant de façon cocasse ceux que poussent les danseurs russes, un riff certes vrillé, efficace, tourbillonnant, donnant ainsi au morceau une accélération bienvenue, mais la question restait entière : Et la mélodie ? Le refrain certes donnait un semblant de piste à suivre, pas suffisamment consistant pour produire une vraie, grande et belle chanson. Le résultat apparaissait assez inconsistant. Vide. Creux. Les dernières minutes bâclées, allez que je te mets des carillons, de la percussion en veux-tu en voilà. Un grand et laconique bof explosa à la face du monde, alors que le petit matin soupirait à peine. Merde, où était passée la joliesse de Campus, morceau génial, simple, limpide au refrain aussi délicat qu’entêtant ? Pourtant et j’en conviens très largement, ce début d’année 2010 n’avait pas affolé mon compteur à découvertes. Il y avait bien La reproduction d’Arnaud Fleurent-Didier dont l’écriture pop, la tradition vocale et le verbe recelaient leur part de fascination. Pour le reste, nada. Que dalle. Pas une lumière de génie à l’horizon. Et surtout, beaucoup d’air brassé pour si peu de talent déployé. Bien sûr, les regards étaient braqués sur l’Amérique. Du côté de L.A, MGMT mettait la main à son deuxième album, Congratulations et plus au nord, Fleet Foxes faisait de même. Attente frustrante que celle du chef-d’œuvre espéré surtout quand celui-ci ne dépasse pas les frontières des rêves les plus fous. Déception d’autant plus puissante qu’elle vous rend cynique « Ce qui est bien avec la merde, c’est qu’au moins ça a du goût », blasé « Oh, moi, depuis la séparation des Beatles, rien ne me surprend plus », réac’ « Hein, c’était mieux avant, allez, conviens-en ». D’où ma fébrile passion à chaque fois que je réécoute les Fab Four, d’où mon lyrisme débridé quand je me repasse le Lp (original) de McDonald & Giles (respectivement le saxophoniste et le batteur du premier King Crimson), d’où ma joie quasi enfantine en déballant la réédition vinyle du quatrième et meilleur album du West Coast Pop Art Experimental Band, contenant les extraordinaires As The World Rises And Fall et Watch Yourself. La prod’ la plus ouvragée y côtoyait des mélodies pures et parfaites, magnifiquement chantées ce qui relevait de l’exploit pour un groupe bis. Quand je découvrais, sous les caresses flatteuses de la blogosphère mondiale, le tout premier opus de Princeton, formation américaine jouant des canons de la pop comme le faisaient les moustaches de Local Natives (belle comparaison), mon sang ne fit qu’un (33) tour. Je trouve le disque, écoute Calypso Gold, leur single, et là, la simplissime beauté du morceau m’arrache un joli OUAH. Je passe à I Left My Love in Nagasaki, le titre me faisant marrer, cool, plutôt pas mal la chanson. J’embraye sur Korean War Memorial peut-être parce que j’ai grandi dans une famille militaire : yeah, ça sonne bien. Plaisir. J’envisage avec la rapidité de l’aigle fondant sur sa proie de reprendre les choses à zéro, de me faire Cocoon Of Love de bout en bout, ce que je fais. Trente neuf minutes après, ouais, bof, bon ben, je ne l’ai pas le chef-d’œuvre indé de ce début d’année. Au fond, ce n’était pas mieux avant ? Vous aussi, à cet instant précis, venez de tomber de haut. 



02-03-2010 | Envoyer | Déposer un commentaire | Lu 1421 fois | Public voirAjoutez votre commentaire


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