Poème sans titre.

I .
Vous me croyez un, tout d'une pièce, mais non,
j'ai des milliards de noms, et des myriades de
visages, je me démultiplie en tous sens;
je ne suis que différences, que divisions,
je suis division de l'infini
par lui-même.
Vous ne nommez jamais
qu'une partie de moi,
l'incomplétude, je la sème à tous les vents ;
elle est mon lot d'insaisissable vérité,
de manque qui soupire
après un complément.
Vous ne me regardez, vous ne m'appréhendez
jamais que par lambeaux, par miettes, par éclats,
parcelles et tronçons aux facettes irisées,
aux facéties lancées
par votre illusion.
Je ne suis que limites et bornes, et la foison,
je l'aime autant que j'aime à m'y sentir
pluriel.
Vous aimeriez que je sois singulier, abstrait
mais je suis multiplicité, je me déploie,
je prends toutes les formes qui me sont
données.
II.
Vous me croyez divers, et, aveuglés par la
variété du monde, vous vous fourvoyez.
Car je suis le principe principal, et un,
le noyau qui ne peut guère s'éparpiller,
je suis le nombre indivisible, le zéro.
Je ne connais ni section, ni dissection,
ni bissectrice, et jamais ma globalité
ne se fissure, ni ne cède d'un iota
je rassemble, j'unis, je lie, j'interconnecte.
Tous les contraires fusionnent en moi et
tous les contrastes apprennent leur aspect jumeau.
J'abolis, par ma seule présence, le temps
et les métamorphoses ardentes qui s'opposent
je désamorçe les conflits et les chaos
je ramène à moi le fractal
de l'univers.
Son abondance d'objets se dissout dans le
siphon, dans la spirale où je sais l'aspirer
puisqu'en l'aspirant, c'est moi-même que j'aspire !

Patricia Laranco.