“Parler derrière le dos des autres est le ventilateur du...

L'auteure

Le livre

Une planche

“Parler derrière le dos des autres est le ventilateur du coeur…”

C’est la grand-mère de Marjane Satrapi qui le dit, et on est d’accord avec elle.

D’ailleurs, comme le montre l’extrait ci-dessus, il vaut mieux être d’accord avec elle, surtout avant son samovar du matin (où son manque d’opium -pris seulement à ce moment-là- lui donne une humeur de chien). Broderies est une bande-dessinée à part, comme tout ce que fait Marjane Satrapi. Elle date de 2003 et je la découvre (grâce à Mrs Baber) après Persepolis et Poulet aux prunes que j’avais déjà tant aimés (tous publiés chez les excellentes éditions L’Association). Mais là, c’est un pur régal, léger comme une volute de samovar, subtil comme une dentelle.

Prosaïquement, une broderie est ce qui rend la chasteté à une femme qui l’a perdue, et il en est question dans ces histoires. Mais ce joli mot recouvre aussi les conversations qui se suivent inlassablement entre une troupe de femmes de tout âges, parentes, voisines ou amies, à l’heure exquisément longue du samovar. Les propos s’enchaînent en suivant uniquement le fil du plaisir de parler, de raconter ou de se raconter. Des conversations de bonnes femmes quoi (diraient les hommes), qui parlent évidemment des hommes, amours, maris choisis ou forcés, passant de l’hilarité générale à la crise de larmes individuelle en passant par des histoires romantiques et/ou salaces. Ce qui compte c’est de parler, de “se ventiler le coeur”, et alors rien ne paraît vraiment grave. Même si la réalité iranienne souvent rude pour les femmes demeure le fil rouge, elle est brodée avec l’humour et bien d’autres couleurs, entrelacées.

Et au final, le motif dessiné est délicieux : nuancé, sage (d’une sagesse-patchwork bricolée de bouts de tissus) et drôle. Je prendrais bien une tasse de thé avec ces femmes-là.