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La musique dodécaphonique

Par Dablemont

La musique dodécaphoniqueNous avions regardé d’un regard un peu général la musique atonale dans le précédent article. Cette semaine je vous propose de rentrer dans le vif du sujet en s’attachant à la technique dodécaphonique. Incontournable révolution dans le XXeme siècle, la technique de composition dite dodécaphonique a été imaginée par Schoenberg. Et oui, encore lui, et ce n’est que justifié : nous avons vu qu’il cherchait à s’éloigner le plus possible de la tonalité. Et quelle est une des caractéristiques fondamentales de la tonalité? La hiérarchisation des sons, c’est-à-dire que certaines notes de la gamme ont plus d’importance que d’autres, qu’elles ont ce qu’on appelle une « fonction », qu’elles sont donc polarisantes pour nos oreilles.

Revenons à la technique dodécaphonique et faisons le lien avec l’information précédente. On peut facilement comprendre le mot dodécaphonique, inventé par René Leibowitz, « importateur » de ces techniques en France et dont je reparlerai plus longuement plus tard puisque très lié à Pierre Boulez. Dodéca, douze et phonique, son: Douze sons. En allemand comme en anglais on préfère d’ailleurs dire la « technique des douze sons » (twelve-tone technique et Zwölftontechnik). Pourquoi douze? Douze est le nombre de notes qui compose la gamme chromatique. Grossièrement, la technique dodécaphonique est une technique de composition qui utilise une série de douze sons distincts ne pouvant être répétés avant d’avoir été joués tous les douze. Je ne m’attarderai pas sur la technique elle-même, nous aurons l’occasion de parler de forme rétrograde, miroir ou miroir du rétrograde plus tard.

Donc pour faire le lien avec l’éloignement de la tonalité, le système dodécaphonique donne la même importance à chacune des notes de la gamme chromatique, évitant toute hiérarchisation des sons donc évitant a priori toute forme de tonalité. J’ai utilisé le mot « série » un peu plus haut. Arrêtons un instant pour lever une petite confusion: en France on utilise souvent « dodécaphonique » et « sériel » de façon interchangeable, ce qui est une erreur. Une musique peut être sérielle sans être dodécaphonique et inversement. Donc le terme série n’implique en rien une musique sérielle dans le cadre dodécaphonique.

La musique dodécaphonique

Le chiffre douze est ici fascinant: outre le fait qu’il présente des propriétés intéressantes permettant de regrouper les notes de façon égale, et d’ainsi se livrer aux jeux de symétries, d’imitations, etc à l’intérieur même de la série. La division par douze est une des plus communes dans l’esprit humain: 12 mois, 2×12 heures, 12 pieds pour l’alexandrin, douze signes du zodiaque, les temples dodécastyles… Loin de moi l’idée d’une mystique du douze, mais ses propriétés ont certainement eu une forte influence sur la division par douze du système tempéré, et donc sur le dodécaphonisme, celui reprenant le tempérament tel quel.

Les douze sons ainsi organisés forment ce qu’on appelle le total chromatique. Étonnant car ce n’est qu’un total selon la convention héritée du tempérament, donc de la tonalité… L’oreille est en effet capable de percevoir bien plus que douze hauteurs dans une octave. Énorme paradoxe pour les compositeurs: utiliser le matériau hérité d’un système qu’ils cherchaient par tous les moyens à éviter. Ceci expliquera peut-être le repli de Schoenberg vers un dodécaphonisme réhabilitant les fonctions tonales, ainsi que la course à la complexité de certains compositeurs.


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