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Réforme des retraites : la piste toujours inexplorée d'un autre mode de financement...

Publié le 07 mars 2010 par Albert @albertRicchi

Réforme des retraites : la piste toujours inexplorée d'un autre mode de financement...La plupart des médias, le gouvernement et d’une certaine façon Martine Aubry tentent de nous faire croire qu'il n'y aurait que deux solutions pour réformer le système de retraite : cotiser plus ou cotiser plus longtemps afin de réduire le déficit de la branche vieillesse du Régime général.

En fait, tout ce joli monde ne fait que proposer ce qui était déjà prévu par la réforme Fillon de 2003 : porter le nombre d'annuités de cotisations à 41 ans, voire 42 ans, ce qui implique que de nombreux salariés seront obligés de travailler au-delà de 60 ans s’ils veulent partir avec une retraite à taux plein…

Le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans atteindra 22,5 millions à l’horizon 2050 selon les projections de l’INSEE. La France a l'un des taux d'emploi des seniors le plus faible d'Europe : 60% des salariés qui liquident leur retraite à 60 ans n'ont déjà plus d'emploi depuis un moment (l’âge moyen de sortie du marché du travail étant de 58,8 ans).

Mais contrairement à une idée répandue, les besoins en financement nouveau pour faire face au vieillissement de la population sont très faciles à trouver. Des solutions existent pour en finir avec les sempiternels problèmes de déficit (10 milliards € pour le Régime général), à condition de remettre à plat complètement l'assiette actuelle des cotisations de Sécurité sociale.

1993-2010 : 17 ans de fausses réformes

Profitant des congés, Edouard Balladur proposait à l'été 1993 une réforme modifiant profondément le mode de calcul de la retraite :

- Le salaire annuel moyen (SAM), calculé initialement sur les 10 meilleures années de salaire, est calculé maintenant sur les 25 meilleures années, ce qui a réduit le montant des pensions servies tout au long des 15 années au cours desquelles s’est étalée la réforme (1993-2008).

- L’indexation annuelle automatique des pensions qui était calculée à partir de l’indice d’augmentation du salaire moyen, est basée aujourd’hui sur l’indice officiel des prix, datant de 1946 et ne reflétant pas, loin s’en faut, la réalité de l’évolution des prix. Cela entraîne chaque année une dévalorisation du montant des pensions, déjà amputées de la CSG et de la CRDS.

- Le mécanisme de fixation annuelle du plafond de la Sécurité sociale, différent de celui de l’indexation des salaires, entraîne lui aussi une érosion des reports de salaires au compte individuel de chaque assuré social. Ainsi, un salarié ayant les 25 meilleures années de sa carrière au plafond de la sécurité sociale (2885 € mensuels) aura une pension mensuelle égale à environ 42 % de ce plafond au lieu de 50 % ! Et chaque année, ce différentiel s’accroit sans que les pouvoirs publics s’en émeuvent le moins du monde. Le montant de la pension maximale tend ainsi à se rapprocher progressivement de la pension minimale garantie. C’est en quelque sorte : travailler plus en activité pour gagner moins à la retraite…

Puis la loi «Fillon» du 21 août 2003, avalisée naïvement par trois organisations syndicales (CFDT, CFTC et CFE-CGC), a aggravé encore la situation par l’allongement progressif à 41 ans en 2012 (si nécessaire 42 ans en 2020) de la durée d’assurance pour obtenir une pension à taux plein avant 65 ans.

En théorie, le montant des retraites est censé ne pas diminuer si les salariés peuvent travailler jusqu'à la date où ils auront le nombre de trimestres nécessaires au versement d'une retraite à taux plein. Mais en pratique, la réalité sociale est bien différente car la durée moyenne d'une carrière d'un salarié du secteur privé n'excède pas 37 années.

Au cours des dernières années avant la retraite, de nombreux salariés sont en effet au chômage, en préretraite ou en en invalidité et n’arrivent pas, dans leur grande majorité, à atteindre 40 annuités de carrière réelle, soit 160 trimestres. Cette situation sera pire lorsque la durée de cotisation nécessaire, pour obtenir une pension à taux plein, dépassera les 40 années de versement. Au lieu d'être maintenu et protégé, le niveau des pensions baissera alors dans des proportions considérables entre 2010 et 2040.

Avec ces deux réformes et celle des régimes complémentaires Arrco et Agirc de 1995 et 1996, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), dans son rapport 2007, estimait à 19 points la baisse du montant moyen des retraites en 2030 sous l’effet des «réformes» de 1993 à 2003. En 1993, la retraite nette moyenne (Régime général + Régime complémentaire) s’élevait à 78 % du salaire moyen net. En 2030, elle ne s’élèvera plus qu’à 59 % de ce salaire.

Le Conseil de l’Emploi, des Revenus et de la Cohésion sociale (CERC) évalue, quant à lui, la baisse du pouvoir d’achat des retraités de la fonction publique à 0,5 % par an et celle des salariés du secteur privé à 0,9 % (0,3 % pour le régime général et 0,6 % pour les retraites complémentaires).

Modifier et élargir l’assiette des cotisations

Le financement par le biais de cotisations sur salaires a relativement bien fonctionné pendant les «trente glorieuses» mais il a atteint aujourd’hui ses limites car la part des salaires dans la richesse produite chaque année a baissé de 10% en 30 ans !
L’assiette actuelle des cotisations est profondément injuste car les salaires ne reflètent pas forcément la réalité des revenus perçus ou déclarés à l’administration fiscale. Une part importante n’est pas soumise à cotisation (intéressement, participation, stock-options…) et la cour des comptes évaluait, en 2009, à près de 10 milliards d’euros le manque à gagner pour les caisses de protection sociale.

Il suffirait donc de fixer un taux unique de cotisation pour tous les salariés du privé et du public avec une assiette commune constituée par le revenu fiscal. A taux égal en effet, un point de cotisation assis sur le revenu fiscal génère beaucoup plus de rentrées financières qu’un point basé sur le seul salaire.

En ce qui concerne les cotisations des entreprises, le taux de cotisation s’applique là-aussi sur les salaires. Cette situation est également injuste car les sociétés ayant une forte masse salariale mais une faible valeur ajoutée (sociétés de main d’œuvre par exemple) sont pénalisées par rapport à celles ayant une faible masse salariale et une haute valeur ajoutée. C’est pourquoi, les cotisations patronales devraient être complétées par une seconde contribution des entreprises, une sorte de CSG entreprise basée exclusivement sur la valeur ajoutée, même avec un taux très faible.
De plus, en élargissant l’assiette des cotisations aux revenus financiers, on pourrait même alléger sensiblement le fardeau qui pèse sur les cotisations salariales et patronales.
Afin de conforter ce nouveau système de cotisations, le fond de réserve des retraites (FRR) crée par la gauche et abandonné par la droite pourrait constituer un financement complémentaire, alimenté directement par l’impôt progressif républicain et l’impôt sur les sociétés. Un tel financement mixte (cotisations + solidarité nationale) existe déjà dans de nombreux pays et en France pour les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des gaziers, cheminots, agents de la RATP, financés de façon complémentaire par l’Etat.

Enfin, dans le cadre d’une vraie réforme fiscale visant à rétablir un équilibre plus rationnel entre impôts directs beaucoup trop faibles en masse (17% du budget) et impôts indirects (83% du budget), plusieurs mesures fiscales s’imposeraient :
- La réduction, au moins de moitié, des niches fiscales (80 milliards par an)
- L’annulation de l’exonération des grosses successions, consentie aux personnes les plus fortunées par Nicolas Sarkozy en 2007 (plus de 2 milliards € chaque année)
- La fin des exonérations de charges accordées indistinctement sans conditions à toutes les entreprises : celles dont la santé est florissante et qui délocalisent souvent comme celles qui ont des difficultés sérieuses (30,7 milliards € annuels en 2008, presque autant que le déficit record prévu pour 2010 par l’ACOSS pour l'ensemble des branches de Sécurité sociale).

- Le remboursement par les employeurs des pathologies en rapport avec le travail : cancers professionnels, allergies, stress, troubles musculo-squelettiques et même suicides car cela constitue en fait une formidable subvention de la Sécurité sociale aux entreprises.

- Une meilleure lutte contre la fraude fiscale qui prive l’Etat, chaque année, de 25 milliards € de recettes. Et à en croire la cour des comptes, ce sport national a encore de beaux jours devant lui…

Une réforme du financement associée à une réforme fiscale permettrait donc de résorber tous ces déficits provoqués artificiellement par le manque de financement que les gouvernements successifs, depuis de très nombreuses années, ont laissé perdurer au gré des aléas de la conjoncture économique.

Elle permettrait également de payer des retraites minimales décentes qui ne devraient pas être inférieures au seuil de pauvreté de 903 € (8 millions de personnes aujourd'hui en France). Il serait même possible de revenir à une retraite calculée sur les dix meilleures années, aux 37,5 années de cotisation et de mettre fin aux cotisations instituées sur les retraites.

Mais, une telle réforme est avant tout un choix politique ! Nicolas Sarkozy et sa majorité présidentielle UMP-Nouveau Centre sont à des années lumière de telles propositions, préférant de beaucoup diminuer les impôts sur les revenus et augmenter la fiscalité indirecte (impôts locaux, fonciers, TVA, forfaits hospitaliers, franchises médicales, déremboursements de toute sorte, etc…)

Le PS, quant à lui, même au pouvoir, n'a jamais appréhendé la nécessité d'une véritable réforme du mode de financement. Lionel Jospin, premier ministre s'était contenté de commander un énième rapport sur les différents régimes de retraite sans abroger la réforme Balladur. Preuve du conservatisme du PS en la matière, sa première secrétaire n’a rien trouvé de mieux que de se prononcer récemment pour le recul de l’âge légal de la retraite à 62 ans…

Côté syndical, le risque existe encore de voir les syndicats dits «réformistes» entériner un nouveau recul des droits des salariés, une baisse des pensions et/ou une hausse des cotisations.

Anticipation sans doute de la réforme à venir : de nombreux salariés ne se font plus guère d’illusion et ont tendance à demander la liquidation de leur pension dès qu'ils le peuvent par crainte d'un nouveau durcissement de la législation de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse…


Photo Flickr-cc : vieille dame (
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