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Le métier de journaliste en crise

Publié le 20 novembre 2007 par Kalvin Whiteoak
Une très bonne contribution du Temps de ce jour, par Sylvie Arsever et Pierre Veya, à l'occasion des Assises du journalisme: les deux chroniqueurs reprennent un débat qui oppose Roger de Diesbach et Peter Rothenbühler sur les moyens et la finalité de leur profession. Deux visions du monde qui s'opposent.   Pour Roger de Diesbach, qui publie un livre sur son métier, Presse futile, presse inutile (Ed. Slatkine) en substance, il y a crise, mais pas de crise salutaire, au contraire une crise inquiétante. RdD est un nostalgique de l'époque du journalisme d'investigation un peu pointue, des combats pour la liberté d'expression face aux politiques, qui aujourd'hui s'est transformé en un combat contre les détenteurs du pouvoir financier.     Pour Peter Rothenbühler, de son côté, il y a crise, mais crise bénéfique issue notamment de l'avénement des nouveaux médias, d'Internet et de la presse gratuite notamment qui obligent à une constante remise en question, et le journaliste quant à lui n'a jamais été aussi libre.   Les extraits ci-dessus sont bien sûr un peu courts, mais suffisamment significatifs pour jeter un coup d'oeil sur ces deux thèses, qui visiblement sont non synthétisables. Il n'est pas douteux que le public cherche autre chose en 2007 dans un quotidien que ce qu'il y cherchait en 1960. Le lecteur est un consommateur zappeur d'informations, qui peut très bien s'informer le matin par la radio, en voiture également, puis sur Internet, puis enfin au moyen des organes de la presse écrite, sans oublier le rituel coup d'oeil au journal télévisé le soir ou la nuit. Ainsi dans son quotidien du matin, même gratuit, il y a fort à parier que le lecteur consommateur ne cherchera pas les dernières nouvelles : il les connaît déjà.   Selon sa tranche d'âge et son degré de réveil à cette heure de la journée, il se laissera bercer par le people et le fait divers, ça paye toujours, et c'est si facilement digérable. Comment voulez-vous qu'un lecteur lambda puisse parvenir à se passionner dans la cohue d'un bus sur le contenu d'un article complexe au sujet des méandres techniques de telle ou telle opération financière actuellement en route entre deux géants de l'alimentaire, par exemple.   C'est un leurre, il n'y parviendra pas. On lui sert donc une soupe à la Rothenbühler, sorte de croisement entre la soupe au lait de Kappel et le café américain allongé sans goût. Et si ça marche (et ça semble marcher avec les gratuits) alors la publicité arrive tout simplement et fait vendre ou plutôt offrir …   On comprend donc les maux de tête de Roger de Diesbach face à ce type de presse où finalement le travail du journaliste est réduit à la portion congrue, consistant à copier/coller des dépêches de l'ATS ou à les paraphraser pour les rendre encore plus courtes et écrites en français. Quelle satisfaction professionnelle ? l'impression de faire avancer la connaissance publique sur tel ou tel sujet ? Il faudrait interroger les intéressés pour savoir ce qu'ils en pensent, mais c'est finalement possible que vu leur très jeune âge, ils conçoivent le métier de journaliste comme ça, sans beaucoup d'ambition, sans l'idée de faire participer le lecteur à un débat permanent. Dommage.     Vous aurez aisément compris que l'auteur de ces lignes est un fervent défenseur des positions de Roger de Diesbach sur cette question: il y a une crise due à différents facteurs, notamment économiques, mais aussi en relation avec le type de chroniques publiées et peut-être les capacités personnelles des rédacteurs. Aujourd'hui, une frange importante de lecteurs attend d'un quotidien papier, voire papier et internet (même payant) une qualité d'analyses ou d'enquêtes qui lui permettent d'approfondir différents sujets, qu'ils soient de société, du domaine culturel, du domaine artistique ou économique ou encore simplement des prises de positions étayées.

Il y a une place pour ce type de presse, et l'on peut franchement se demander si les journaux quotidiens de qualité ne devraient pas revoir le moment de leur distribution pour l'inverser et l'offrir le soir. Il existe d'illustres exemples de quotidiens du soir en France, et même si l'aventure paraît risquée sur un plan pratique de distribution ou de décalage dans le temps de réaction, il serait intéressant de tenter l'expérience.

Le soir est normalement plus propice à la réflexion que le temps du sandwich de midi ou du café-croissant . Si quelqu'un essayait ?

Enfin un dernier mot, la plume et le sens critique restent des éléments décisifs dans l'attrait pour un article et donc pour un média. Il y a peut-être aussi ici à travailler quelque chose. Des deux thèses de départ on admettra que l'une seule des deux parle de véritable journalisme, l'autre se contentant de décrire ce métier comme celui d'un super metteur en page.

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