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Dans la main du diable (Anne-Marie Garat)

Par Alexandra

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L'Histoire commence

à Paris, en septembre 1913, dans une allée du jardin du Luxembourg. La jeune Gabrielle Demachy et sa tante Agota désespèrent d'avoir des nouvelles d'Endre, dont elles sont respectivement cousine et mère et qui, cinq ans plus tôt, était parti tout de go pour la Birmanie où l'appelait une longue mission.

Voilà qu'elle se rendent toutes deux, au ministère de la Guerre où on les a convoquées ….

J'ai aimé ce livre

pour son étonnante et remarquable écriture, digne d'un Balzac et d'un Flaubert réunis. Le style densifié de descriptions quasi-cinématographiques ralentit à souhait le rythme effréné de l'intrigue comme de l'époque. Il ne s'agit que d'une année, une petite année de septembre 1913 à septembre 1914 …

J'ai aimé être transportée et confondue, au prétexte d'une quête amoureuse, dans une aventureuse et dangereuse naïveté, au prix de rapports intenses liant des personnages aussi rassemblés que disparates. Il y a peu à discourir sur les souvenirs quand ils sont frais : le passé n'informe pas l'avenir, c'est l'avenir qui écrit le passé.

Cette fresque s'achève alors que ses héros comptabilisent déjà ses morts aux premiers affrontements. La guerre de 14 a-t-elle clos le XIXé ou funestement annoncé ce que serait notre XXé ? Tout au long de ma lecture, j'ai ouï ce XIXè qui hurle en donnant naissance au XXè comme il me semble l'entendre à son tour accoucher du XXIè …. J'ai peur.

J'ai aimé ce livre …

Vous l'aimerez aussi …

A quelles autres œuvres cela me fait-il penser ? …

…J'ai aimé ce livre …

Je nous regarde, inquiets que nous sommes devenus sur nos avenirs. Nous ne ressemblons pas à une masse qui construit. Collectivement, nous pressentons que notre entêtement à considérer les progrès acquis au cours du XXé comme des Droits Acquis Non Renégociables au XXIé est une insistance exagérée, voire suicidaire. Collectivement, nous avançons tels des Dodos vers l'abîme que nous creusons entre nous. Ne nous importe plus la réalité de notre travail sur laquelle devaient reposer nos salaires puisque les patrons s'émancipent sur les marchés à coup de privatisations et de stocks options …. Que chacun tienne sa position, puisque personne n'est raisonnable, pourquoi l'être ? seul contre tous ?

Et, de toute façon, non, cela ne peut pas arriver. La faillite de l'Etat est impensable, les 35 heures c'est du bon pour tous, et la retraite, elle est retenue à la source de nos petits salaires … Tout ira bien.

Quelle confusion ! Comme en 1914 où l'assassinat de l'archiduc à Sarajevo n'a pas pris plus de place qu'un fait divers, les déclarations politiques sur les rapports de la France avec les Etats-Unis sur l'Irak, ou la remise en question de la politique nucléaire ne nous intéressent pas. Nous sommes obnubilés par ce que l'on livre à notre conscience ces derniers temps : nous sommes des irresponsables, tous, sans exception. Les médecins, les pharmaciens, les instituteurs, les automobilistes, les salariés, … aucun débat politique ne peut plus calmer notre colère, ranimer notre confiance et nous redonner espoir. Nous sommes attisés dans notre impuissance….

Vous l'aimerez aussi

Pour son écriture, remarquable de vocabulaire et d'expressions. Ce roman fourmille de descriptions "à la Balzac", les mots sont rigoureusement utilisés dans leur sens premier comme dans leur sens second, l'absence de trivialité densifie cette écriture presque plus allégorique que métaphorique. Il est difficile de s'imaginer l'auteur écrivant ses 600 premières pages sans relire ni imprimer, "le temps de prendre un élan sans penser à la retouche".

Pour découvrir, avec horreur, ce que furent les prémices de la guerre biologique.

Pour se souvenir que toute génération traverse des temps de mutation. Et s'il est illusoire de croire pouvoir aller en sens contraire de la marche collective, il est possible de marcher plus vite qu'elle. Et, pour n'évoquer sur ce thème que l'émancipation des femmes, il est rassurant de constater combien les nantis d'une époque peuvent être retardataires et réfractaires sur celle à venir. La liberté des femmes s'est naturellement ouverte aux petites classes, qui l'ont portée plus par nécessité que par principe, laissant sur le côté les bourgeois couverts par la loi inique frappant d'immaturité leurs riches épouses. A l'heure même où l'on interne Camille Claudel, quelques unes de ces femmes vont gagner chèrement leurs libertés, au prix d'une grande solitude (Mathilde), voire d'un abandon de leurs enfants (Sophie).

A quelles autres œuvres cela me fait-il penser ? 

Les descriptions remarquablement fouillées n'ont eu de cesse de me replonger dans mes impressions de lecture de Balzac. A l'appui du Robert qui ne m'a pas quitté tout au long de ma lecture, j'ai été émerveillée par la richesse du vocabulaire certes, mais surtout par la richesse de son emploi. Et j'ai immanquablement pensé à Flaubert.

Pour l'ambiance, pour la quête, pour les intrigues, pour les temps qui meurent près de ceux qui naissent, je me suis souvenue avec émotion de L'ombre du vent, Carlos Ruiz Zafon.

Dans la colonne à droite (sous l'intitulé "Albums Photos"), vous trouverez des informations pratiques sur ce livre, des morceaux choisis, ainsi que la biographie et la bibliographie de l'Auteur.


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