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Rambo en embuscade dans un concert de musique baroque (TV)

Publié le 23 mars 2010 par Blanchecabanel
J'ai eu la chance de travailler pendant un an et demi enfermée dans une cellule jonchée de cartons et de cassettes, au cœur d'une chaîne de télévision dite de Service Public. Imaginez un monde fabuleux, où lorsque vous avez un peu trop chaud dans votre petit bureau, vous pouvez joindre d'un simple coup de fil un employé du service climatisation qui va enclencher à distance l'air conditionné à votre place. Un monde où il existe une douzaine de ces préposés à la climatisation qui attendent patiemment votre appel toute la journée durant.  Un monde où chacun de ces douze employés en CDI peut devenir journaliste du jour au lendemain ( à condition, bien entendu,  qu'il soit syndiqué, dépressif irrécupérable ou maître-chanteur).  Ah! L'american dream à la française! Dans ce monde magique, le service dédié à la climatisation est d'une utilité si rare qu'elle en est presque inconcevable. Vous l'aurez compris, à l'époque, j'avais des avantages; je pouvais ordonner qu'on modifie la température de mon bureau plutôt que d'appuyer moi-même sur le bouton. Je travaillais pour une Harpie qui mériterait, au bas mot, une dizaine de publications sur ce blog. Comparée à elle, le Diable qui s'habille en Prada n'était qu'une simple boutade. Une microscopique goutte d'eau face à un tsunami qui emporte tout sur son passage (votre ambition, votre motivation, votre dignité et votre vie privée). Chaque jour, telle une abeille méticuleuse, je fabriquais pour elle de petits magazines culturels passionnants. Cela dit, il m'était impossible d'accéder au titre de réalisatrice - car la Harpie le détenait - ni à celui de journaliste. Pour y parvenir, il fallait être en possession d'une carte de presse, et pour avoir une carte de presse il fallait avoir le statut de journaliste. C'était logique. Je devais donc me contenter d'un petit contrat d'assistante, et en tant que petite assistante je dus envoyer un cameraman (pompeusement appelé Journaliste Reporter d'Images) filmer un concert de musique baroque à la basilique de Saint-Denis. Malheureusement pour moi, ce JRI revenait de la bande de Gaza. Aucune cellule psychologique n'ayant été mise à sa disposition à son retour, les images qu'il me rendit révélèrent instantanément les terribles répercussions et dégâts collatéraux de la guerre. Consigne n°1 à l'attention du JRI: filmer tout le concert, SAUF le violoniste soliste, nous n'avons pas d'autorisation pour la diffusion. Résultat n°1: en embuscade, le JRI n'avait filmé QUE ledit suspect-violoniste et m'avait laissé une note explicative: "Je suis content, je me suis bien planqué et j'ai réussi à choper le violoniste". Consigne n°2: filmer le quartier façon carte postale. Résultat n°2: images de deux gangs rivaux du 93 qui se battent dans une ruelle. Consigne n°3: faire un plan fixe de l'affiche du spectacle. Résultat n°3: image artistique de l'affiche derrière une grille de sécurité. J'ignore encore pourquoi, mais la Harpie a tenté de mettre un terme à mon existence ce jour-là.

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