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Sarkozy après les régionales : aveugle, sourd, et muet.

Publié le 25 mars 2010 par Juan
Sarkozy après les régionales : aveugle, sourd, et muet.Mercredi 24 mars, à une heure inhabituelle pour une intervention présidentielle, Nicolas Sarkozy s'est calé derrière un pupitre pour lire un discours, le visage fatigué, le verbe lent, collé à un mur aux drapeaux mal plantés. La gifle électorale de dimanche soir n'a laissé de traces qu'en surface. Sur le fond, le Monarque n'a rien appris, rien compris, rien entendu, sauf une chose : à droite, toute !


Chut ! Le Monarque parle
Comme prévu, Nicolas Sarkozy s’est exprimé publiquement à l’issue du conseil des ministres. Le visage était marqué par la fatigue. L’intervention se déroula en trois temps : reconnaissance du signal national, mais rappel du contrat de mandature et message aux clientèles principales de l’UMP. Trois motifs d’incompréhension ou de polémique. Primo, Sarkozy a dû se déjuger, et reconnaître implicitement l’ampleur de la débâcle. Deuxio, Sarkozy s’adresse avant tout aux électeurs de l’UMP, et non pas à l’ensemble du pays. Cette vision bassement politicienne de la présidence de la République à un moment de crise nationale est un sale coup de Sarkozy. Tertio, malgré la débâcle de dimanche soir, le Monarque n’annonce aucun changement ni même d’infléchissement de sa politique. Celle-ci a pourtant échoué. Comment faut-il l’expliquer ? En près de trois ans, et malgré une agitation tous azimuts que d’aucuns à droite ont qualifié d’activisme, les « réformes » de Nicolas Sarkozy ont é-c-h-o-u-é.
En introduction, il sembla s’adresser à ses « chers compatriotes », et non aux journalistes qui l’écoutaient. « Il s’agissait certes d’un scrutin local, mais par vos choix et par l’abstention qui a atteint un niveau extrêmement élevé, vous avez voulu exprimer ce que vous ressentiez dans un contexte de crise économique, de crise financière, de crise agricole, qui rend si dure la vie quotidienne de tant d’entre vous ». La crise sociale n’est pas évoquée, les manifestations de la veille non plus. Le président poursuivit : « mon devoir est d’entendre ce message. Mes chers compatriotes, vous m’avez élu pour sortir le pays de l’immobilisme qui l’empêchait d’entreprendre les réformes nécessaires que tous les autres pays mettaient en œuvre. Nous avions accumulé beaucoup de retard». L’incantation au changement, ou à la réforme, est une constante chez Nicolas Sarkozy. La référence, même erronée, aux pratiques de nos voisins en est une autre. Sarkozy rappela ensuite le « chemin parcouru ». Une vision forcément partiale, et que les électeurs ont déjugés dimanche dernier.
Sarkozy l'agité loue la constance :  « Depuis trois ans beaucoup de réformes ont été mises en œuvre. Elles ont demandé à nombre d’entre vous une somme considérable d’efforts, elles ont, j’en ai bien conscience, bousculé bien des habitudes. Elles ont fait naître des incertitudes, parfois même des angoisses. » Le Monarque parla de « sang-froid » et de « constance ». Quelques heures après l’abandon de la taxe carbone, le propos est truculent. Ou triste.
Rien ne changera dans la politique sarkozyenne : « Nous devons continuer à alléger nos charges sur le travail et sur l’investissement, nous devons continuer à refuser toute augmentation d’impôts. » Ou encore : « Les réformes, la politique économique, la République irréprochable, ce sont des choix qui exigent de la constance qui doivent s’inscrire dans la durée. » En quelques phrases, Sarkozy explique qu'il ne changera rien à sa politique fiscale. Les efforts sont mal partagés, les niches fiscales détruisent la solidarité nationale. Et pour quel résultat ? Rien.
Gros mensonge au passage : « Cette politique nous a permis de mieux traverser la crise que la plupart de nos partenaires. Elle nous permettra de mieux profiter de la reprise. » La France n’est pas sortie de la crise, et sa « résistance » tient au modèle social que le même Nicolas Sarkozy dénonce dans le même discours , ce modèle « immobile » , « coûteux », « peu compétitif ». Le monarque n'est plus à une contradiction près.
A ceux, dans son camp, qui critiquaient l’ouverture – un gadget sarkozyen -, le Monarque répond par un tacle : « J’avais promis lors de ma campagne électorale une République irréprochable et une Démocratie exemplaire, c’est l’intérêt de notre pays, c’est mon devoir de continuer sous le signe du refus de l’esprit partisan et du sectarisme. »


Côté réforme, Sarkozy se voulait rassurant sur les retraitesmon devoir de chef de l’Etat est de garantir que nos retraites, vos retraites, seront financées. Je ne passerai pas en force. ») ou l'hôpital. En fait, il fit surtout de gros clins d'oeil appuyés à ses clientèles électorales perdues : aux agriculteurs, il promet la défense de la PAC coûte que coûte. Aux médecins, il promet la compréhension. Aux électeurs frontistes, il promet l'interdiction de la Burqa. Aux chômeurs en fin de droits, il ne promet rien.
Sarkozy se permet le luxe de parler de valeurs. Après l'Epad, l'augmentation de salaire, le pantouflage des proches aux têtes de quelques banques et grandes entreprises, la Fondation de Madame, la nomination des patrons de l'audiovisuel public, les voyages privés financés par le contribuables, parlons donc valeurs et République irréprochable !
Sarkozy a resservi un discours de campagne présidentielle: sécurité, travail, mérite, laïcité, égalité, autorité, protectionnisme. «Trop longtemps on a toléré que la violence pénètre à l’école, que l’agresseur soit traité avec plus d’égard que la victime, que le travail soit dévalorisé, que le mérite ne soit plus récompensé. » Trop longtemps, on a toléré des promesses non tenues, serait-on tenté de répondre au monarque. Sarko le protecteur, Sarko le volontariste, celui qui déplacerait toutes les montagnes se voulait de retour. Echec et mat. Sarko a été élu... en 2007. En quelques phrases, il annonce la suppression des allocations familiales aux parents d'élèves absentéistes, l'interdiction de la Burqa et une taxe carbone ... européenne.
Sarko écolo ? Sarko pipo !
Parlons taxe carbone. Nicolas Sarkozy n'a pas évoqué son abandon, en rase campagne électorale. En moins d'un an, il a carbonisé le projet de taxe carbone : à l’issue des élections européennes de 2009, le Monarque avait fait de la lutte contre le réchauffement climatique l’un de ses slogans de campagne pour conquérir les faveurs d’une fraction de l’électorat écolo. Un groupe de travail présidé par Michel Rocard lui avait fait des recommandations l’été dernier, puis Sarkozy avait annoncé la mise en œuvre d’une taxe carbone immédiatement jugée insuffisante et injuste par l’opposition socialiste et écologiste. La gauche attaqua l’inéquité du projet : le renchérissement du prix des énergies fossiles devait être partiellement et forfaitairement remboursé par l’Etat, sans rapport avec le niveau de revenu et les conditions de vie des foyers concernés. S’ajoutaient l’exonération totale des plus grosses entreprises - au motif qu’elles supportent déjà des quotas européens – et quelques cadeaux attribués aux transports et à l’agriculture, deux secteurs par ailleurs en difficulté. Les écologistes pouvaient ajouter aux critiques que le prix du carbone était largement sous-évalué (17 euros versus les 32 euros la tonne suggéré par le rapport Rocard), et que la taxe carbone épargnait l’électricité, alors que tous les pics de consommation génèrent de la production d’électricité à partir d’énergies fossiles pour cause de centrales nucléaires en manque de capacité.
En décembre dernier, à quelques jours de son entrée en vigueur le 1er janvier 2010, le Conseil Constitutionnel annulait le projet, au grand dam du président français. L’échec du sommet de Copenhague décourage l’énergie présidentielle. Depuis, jamais le Monarque n’est parvenu à reprendre la main. Il avait promis un nouveau texte pour le printemps, puis une mise en œuvre en juillet prochain. Le 12 mars, le Monarque laissait entendre dans une interview au Figaro qu’il lui faudrait sans doute attendre une taxe carbone européenne avant d’avancer. Au Salon de l’Agriculture, il a voulu se concilier les représentants de la filière agricole en évacuant les normes environnementales. Et mardi 23 mars, François Fillon a enterré le projet de taxe de carbone devant des députés UMP qui ne demandait que cela. « Je n'ai jamais dit cela » s’est excusé François Fillon devant Sarkozy quelques heures plus tard. Mercredi soir sur CANAL+, Eric Woerth accuse les socialistes de l'échec de la taxe carbone, puisqu'ils ont porté le projet devant le Conseil Constitutionnel. Trop tard, le coup est parti. Le rétropédalage ne prend pas. La secrétaire d’Etat à l’écologie, Chantal Jouanno, se dit « désespérée », le MEDEF « soulagé ». Le couac gouvernemental est énorme.
En moins d’un an, comme sur de nombreux autres sujets, Nicolas Sarkozy a commis une de ces pirouettes politiques dont il a le secret. « Je trouve hallucinant qu'il apparaisse comme celui qui ne tient pas sa parole » s’est énervé Jean-Louis Borloo. Pourtant, c'est factuellement vrai.
Mercredi 24 mars, à l’issue du Conseil des Ministres, Sarkozy rétro-pédale avec difficulté : « Je confirme sans ambiguïté notre choix d'une fiscalité écologique » mais « le dumping environnemental menace nos emplois. Il serait absurde de taxer les entreprises françaises en donnant un avantage compétitif aux entreprises des pays pollueurs. » Ou encore : « Mais je subordonne la création d'une taxe carbone intérieure à une taxe aux frontières qui protégera notre agriculture et nos industries contre la concurrence déloyale de ceux qui continuent à polluer sans vergogne ». En coulisses, on tire à vue. L’Elysée accuse les technocrates (qui auraient transformé la taxe carbone en nouvelle TVA sur le pétrole et le gaz) et le camp chiraquien (Jean-Louis Debré préside le Conseil Constitutionnel).
Hier inefficace, désormais autiste, Nicolas Sarkozy n'est pas sorti grandi de ses quelques jours.
Ami sarkozyste, es-tu rassuré ?
Crédit illustration : pterjan

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