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Lu de Lisbonne

Par Alainlecomte

image004.1269595079.jpgQuel primesautier ce Modiano, quel style fluide, enlevé, qui vous donne envie d’écrire comme lui. « Depuis quelques temps, Bosmans pensait à certains épisodes de sa jeunesse, des épisodes sans suite, coupés net, des visages sans noms, des rencontres fugitives ». Autrement dit des personnes évanescentes, des fantômes qui passeraient, associés à des lieux bien réels, mais qui seraient improbables, car n’ayant pas de psychologie, d’état d’âme ni de moi profond. Leur histoire elle-même serait vague, floue, imprécise. Quand sommes-nous ? par quelques indices on peut deviner un léger aujourd’hui, et que le gros de l’histoire a eu lieu quarante ans avant. Mais il y a quarante ans, c’était quoi ? Bon, allez, mai 68, mais n’y comptez pas. Et cette manifestation, cette charge de CRS près de l’Opéra, quand les passants étaient obligés de refluer vers la bouche de métro, quand lui, Bosmans, crut se faire étouffer, quand il rencontra pour la première fois la petite Margaret Le Coz, qui fut blessée à l’arcade sourcilière et qu’il emmena à la pharmacie, c’était pour quoi, pour quelle cause ? Et ce Boyaval qui persécute Margaret, qui est-il ? existe-t-il seulement ? Il la poursuivait depuis Annecy, curieux personnage, un psycho-rigide sans doute, pour s’en débarrasser elle avait accepté d’aller au cinéma avec lui, mais il était resté raide sur son siège, juste légèrement penché en avant lorsque l’intrigue devenait violente. Et ce couple menaçant, elle le menton en avant, altière, et lui en faux torero, qui vont au devant de Bosmans, tendant la main, exigeant un dû mystérieux, sont-ce vraiment ses parents, comme il le dit ? Rien n’est sûr, tout se complique comme eût dit Sempé. Il y a des rapports entre Modiano et Sempé d’ailleurs, tous ces petits personnages qui viennent de nulle part pour retourner vers nulle part mais qui dans l’entre deux nous entretiennent d’un instant. Le temps chez Modiano n’est qu’un vaste présent, d’ailleurs il n’est pas rare que le « il » de la narration se mue en « je », même si c’est du passé dont il s’agit. Qu’importe ? Quant à l’avenir, n’en parlons pas. « Et vous, comment vous envisagez l’avenir ? » avait demandé brusquement le docteur Poutrel à Bosmans et à Margaret. Yvonne Gaucher avait souri de cette question. L’avenir… Un mot dont la sonorité semblait aujourd’hui à Bosmans poignante et mystérieuse. ». Quelle est la force qui anime les personnages ? Il semble n’y en avoir qu’une, c’est peut-être la force la plus authentique (en cela, Modiano est très moderne) : le hasard. Le doux, le merveilleux hasard.

NB : Jmph m’a devancé en parlant très bien de ce roman modianien dans son dernier billet , on trouvera sans doute des similitudes entre nos deux points de vue.

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