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[Débat] Nicolas Sarkozy valide les propositions de la mission Olivennes !

Publié le 24 novembre 2007 par Greg
Mesdames, Messieurs,
La protection du droit d’auteur, la préservation de la création, la reconnaissance du droit de chaque artiste, de chaque interprète, de chaque producteur de voir son travail normalement rémunéré, c’était un engagement important de ma campagne présidentielle.
Depuis trois ans, j’ai répondu présent chaque fois qu’il a fallu faire prévaloir le droit légitime des auteurs et de ceux qui contribuent à leur expression, sur l’illusion et même sur le mensonge de la gratuité.
Musique, cinéma, édition, presse, arts graphiques et visuels… tout est aujourd’hui disponible et accessible partout, sur la toile de l’internet, chez soi, au bureau, en voyage. C’est bien sûr une richesse, une chance pour la diffusion de la culture. Pour autant, jamais nous n’avons été aussi proches d’un « trou noir », capable d’engloutir et d’assécher cette richesse et ce foisonnement créatif.
Le clonage et la dissémination de fichiers à l’infini ont entraîné depuis cinq ans la ruine progressive de l’économie musicale, en déconnectant les œuvres de leur coût de fabrication, et en donnant cette impression fausse que tout se vaut, que tout est gratuit.
Avec le développement du très haut débit, le cinéma risque de subir le même sort que la musique : d’ores et déjà, près de la moitié des films sortis en salles en France sont disponibles en version pirate sur les réseaux « peer to peer », et le marché de la vidéo a commencé à décroître avant même d’atteindre sa maturité. Le livre pourrait à son tour être brutalement menacé avec l’arrivée du livre électronique.
C’est à une véritable destruction de la culture que nous risquons d’assister. C’est également à une négation du travail, cette valeur capitale qui au cœur des problèmes de la France d’aujourd’hui et au cœur des solutions.
Aujourd’hui, un accord est signé, et je veux saluer ce moment décisif pour l’avènement d’un internet civilisé. Internet, c’est une « nouvelle frontière », un territoire à conquérir. Mais Internet ne doit pas être un « Far Ouest » high-tech, une zone de non droit où des « hors-la-loi » peuvent piller sans réserve les créations, voire pire, en faire commerce sur le dos des artistes. D’un côté, des réseaux flambant neuf, des équipements ultra-perfectionnés, et de l’autre des comportements moyenâgeux, où, sous prétexte que c’est du numérique, chacun pourrait librement pratiquer le vol à l’étalage.
On dit parfois que quand personne ne respecte la loi, c’est qu’il faut changer la loi. Sauf que si tout le monde tue son prochain, on ne va pas pour autant légaliser l’assassinat.
Si tout le monde vole la musique et le cinéma, on ne va pas légaliser le vol. Et en même temps, nous savons tous qu’on ne va pas non plus mettre tous les jeunes en prison.
Il nous fallait chercher des moyens intelligents et astucieux pour en appeler à la conscience du citoyen, lui donner la possibilité de rentrer dans le droit chemin. Il fallait aussi essayer de comprendre pourquoi le citoyen ordinaire, habituellement respectueux de la loi, préférait s’approvisionner dans des entrepôts clandestins plutôt que de faire ses achats dans un supermarché en ligne : n’était-ce pas aussi un problème d’attractivité de l’offre légale ?
Il y a deux mois et demi, Madame la Ministre, vous avez demandé à Denis Olivennes de conduire une mission permettant de déboucher rapidement sur des solutions opérationnelles visant à lutter fermement contre le piratage tout en tenant compte des potentialités d’Internet et de la demande des consommateurs.
Vous y êtes parvenus. Je veux vous en féliciter, vous, chère Christine, vous Denis, qui avez été l’artisan de cet accord, et vous tous qui êtes là aujourd’hui, acteurs du cinéma, de la musique, de l’audiovisuel, de l’Internet. Sans votre engagement, rien n’aurait été possible.
Le contenu de cet accord est solide et équilibré. Il comporte des stipulations nouvelles et fortes.
D’un côté, il prévoit l’envoi de mails d’avertissements aux internautes qui font un mauvais usage de leur abonnement, des avertissements gradués en cas de récidive, voire la possibilité de suspendre temporairement l’accès à internet. Pour arriver à mettre en place cette solution de bon sens, cette pédagogie, il vous a fallu, je le sais, soulever des montagnes, tellement les inerties sont grandes dans notre pays dès qu’il s’agit d’être innovant et de proposer une solution qui ne tombe pas tout droit dans le pli des habitudes de la pensée.
Cette démarche pédagogique sera bien sûr réservée aux pirates de « bonne foi », pour reprendre une expression propre à la politique fiscale. Les « pirates professionnels », ceux qui font sciemment du trafic et du commerce illicite de DVD et de fichiers contrefaits, resteront soumis au droit commun de la contrefaçon, et traités au sein de juridictions spécialisées.
De plus, les fournisseurs d’accès s’engagent, et c’est important, à mettre en œuvre des dispositifs de filtrage, tels que ceux développés par l’Institut national de l’audiovisuel. Le filtrage consiste à retirer automatiquement les fichiers « pirates » des réseaux ou des plateformes d’hébergement au fur et à mesure de leur apparition.
D’un autre côté, cet effort des fournisseurs d’accès s’accompagnera d’un effort tout aussi important des ayants droit. Les professionnels de la musique, du cinéma et de l’audiovisuel s’engagent à mettre plus complètement et plus rapidement leurs œuvres en ligne, et à supprimer tous les verrous techniques qui empêchent de copier et de transporter la musique.
Ce sont deux améliorations majeures qui profiteront pleinement aux consommateurs.
Fini, les musiques achetées sur une plateforme A et qu’on n’arrive pas à lire sur un lecteur B ou sur son téléphone portable, alors qu’on pouvait le faire sans problème pour un fichier piraté.
Fini, les sept mois et demi d’attente entre le film qui sort en salle et son apparition en vidéo à la demande. Avec cet accord, six mois sépareront le film sur grand écran et son passage en vidéo sur petit écran… C’est encore beaucoup, quand on sait qu’un film reste en moyenne trois semaines sur un écran de cinéma, avant de laisser la place au suivant ! Mais c’est déjà mieux. Et des discussions professionnelles s’engageront sous l’égide du Centre national de la cinématographie dans les meilleurs délais, pour adapter l’ensemble de la chronologie des médias aux enjeux du numérique, comme le recommande le rapport de Denis Olivennes.
Je sais que les exploitants de cinéma sont attentifs et soucieux de ces discussions. Aussi, je souhaite être clair. Le cinéma, je ne dirai jamais autre chose, c’est avant tout une rencontre dans une salle obscure, sur un grand écran, entre un public et une œuvre. C’est dans la salle que nous avons éprouvé nos plus grandes émotions de cinéma. Et les exploitants ne ménagent pas leurs efforts pour atteindre la perfection : après le son multicanal, la projection numérique va envahir les salles dès l’année prochaine, sans même parler du cinéma en relief, qui sera la prochaine révolution. Le cinéma en salle, c’est donc le passé, le présent, mais c’est aussi l’avenir.
Dans le même temps, la carrière des films en salle s’est fortement raccourcie, le « home cinéma » est devenu une réalité, et il faut tenir compte des nouvelles habitudes de consommation. Ce serait absurde que le spectateur français soit obligé de regarder des films américains, simplement parce que les films français seraient bloqués par des délais ou des exclusivités trop contraignantes ! Je sais pouvoir compter sur le bon sens pour que soient trouvées rapidement les clés d’une chronologie des médias adaptée au XXIè siècle.
Chère Christine Albanel, Cher Denis Olivennes, grâce à votre ténacité, votre patience, grâce à la bonne collaboration établie avec Christine Lagarde et Rachida Dati, et grâce à vous tous ici présents, vous avez permis la conclusion d’un accord qui marque le début d’une « nouvelle alliance » entre professionnels des industries culturelles et professionnels des réseaux.
Partout, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs, les professionnels et les gouvernements essaient depuis des années, non sans mal, de trouver le « graal » permettant de résoudre le problème de la piraterie. Nous sommes les premiers, en France, à réussir aujourd’hui à constituer une grande alliance nationale autour de propositions précises et opérationnelles.
Grâce à vous et à cet accord, la France va retrouver une position de pays « leader » dans la campagne de « civilisation » des nouveaux réseaux. La musique, le cinéma, mais aussi la presse et l’édition, vont pouvoir être mieux protégés.
La mise en œuvre de cet accord, épuise-t-elle le sujet de la création et de l’avenir de nos industries culturelles ? Non, bien sûr.
Nous devons veiller à réformer un système de régulation et de financement de l’audiovisuel dont les fondements reposent sur l’univers de la télévision hertzienne, et mieux prendre en compte les nouveaux réseaux. La nouvelle directive européenne sur les médias audiovisuels, qui vient d’être adoptée à Bruxelles, nous en offre le cadre et la possibilité. Il faut y travailler avec pragmatisme, de manière globale, en se donnant le temps de la réflexion. La transposition de notre régulation audiovisuelle est une entreprise progressive, tout comme l’obtention du taux de TVA réduit sur l’ensemble des biens culturels.
Il y a également des mesures d’urgence à prendre, pour permettre à l’industrie musicale de survivre et lui donner le temps de s’adapter au nouveau modèle qui se dessine. Un crédit d’impôt applicable aux productions phonographiques a été voté l’an dernier, mais sa mise en œuvre est limitée par des critères trop contraignants. Je souhaite donc que le régime de ce crédit d’impôt soit amélioré, et notifié à la Commission européenne dans les plus brefs délais pour pouvoir être applicable aux investissements consentis en 2007. De même, je souhaite que s’accélèrent les discussions engagées entre l’institut de financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), et la Caisse des Dépôts et Consignations, pour permettre, dès le début de l’année prochaine, de tripler le volume du fonds d’avances remboursables consenties aux entreprises musicales.
De la même façon, je souhaite que le crédit d’impôt en faveur du jeu vidéo en cours d’examen à Bruxelles depuis près d’un an, puisse entrer rapidement en vigueur, pour freiner la fuite de nos talents et de nos entreprises à l’étranger et faire en sorte que la France – et donc l’Europe – retrouve sa compétitivité face aux studios nord-américains et asiatiques. Le jeu vidéo peut devenir un art du XXIè siècle s’il parvient à échapper aux dérives qui menacent un certain cinéma international, prompt à séduire et à divertir, appelant aux pulsions les plus primitives, mais impuissant à épanouir et fournir du sens. Avec leurs bataillons de scénaristes, graphistes et autres compositeurs, les entreprises du jeu vidéo constituent déjà une économie prospère. Il serait inexplicable de ne pas l’encourager.
Enfin, je suis attentif au souhait exprimé en faveur d’une révision du crédit d’impôt aux productions cinématographiques, pour l’étendre aux sociétés étrangères désireuses de réaliser d’importantes productions en France. Cette mesure doit être expertisée, sachant que la priorité est la préservation et la consolidation du régime des SOFICA.
Mesdames et Messieurs,
En signant cet accord historique, vous avez, vous les acteurs de la culture, et vous les opérateurs de l’internet, pris une responsabilité, et même un risque. Mais vous saviez que le risque le plus grand était de ne rien faire. C’était le risque de se laisser mourir. Les uns parce qu’ils ne pourraient plus rien produire. Les autres, parce qu’ils n’auraient plus rien à diffuser.
L’art est la chose fragile la plus fragile et la plus nécessaire. Nous avons réussi, grâce à la persévérance de nos aînés, à faire en sorte que nos villes, nos campagnes, abritent des monuments, des théâtres, des salles de concert, des écoles et des conservatoires. Il n’y a pas de raison qu’il en soit différemment sur les nouveaux réseaux. Il faut qu’Internet soit une fenêtre civilisée ouverte sur toutes les cultures du monde. Je suis heureux que votre accord soit une étape décisive en ce sens.

Réactions...
l’IFPI se félicite de cet accord qui va permettre de lutter contre le piratage de masse de la musique sur internet. « C’est l’initiative individuelle la plus importante pour assurer la victoire contre le piratage en ligne que nous ayons vu depuis longtemps (…) les gagnants seront la musique française, les salariés français, et les fans français de musique. »
L’Adami « constate et regrette que les organisations représentant les consommateurs et le public n’aient pas fait partie des négociateurs de cet accord, alors que l’efficacité des dispositifs destinés à lutter contre la gratuité dépend aussi du consentement du public et donc de son adhésion aux objectifs poursuivis. L’Adami déplore par conséquent que les mesures destinées à développer l'offre légale de vente de chansons et de films sur internet, n’aient pas intégré ses propositions en faveur d’un rééquilibrage des revenus au sein de la filière. »
L’April : « Nicolas Sarkozy confirme à travers son discours son incompétence, et celle de son entourage, sur des sujets aux enjeux sociétaux et économiques fondamentaux. Il parle de comportements moyenâgeux, de vol, mais c'est son discours qui est d'une autre ère et montre qu'il n'a pas compris les différences fondamentales entre biens matériels et créations immatérielles. »
Le SNEP et la SCPP : « Cet accord constitue pour les producteurs un compromis satisfaisant puisqu'il prévoit des engagements concrets de la part de chacune des parties signataires. Le SNEP et la SCPP approuvent la mise en place par les pouvoirs publics d'une autorité administrative indépendante qui aura la capacité de prendre des mesures contre la violation des droits de propriété intellectuelle au travers d'un système d’avertissements permettant la suspension voire la résiliation des abonnements à Internet qui seraient utilisés pour des pratiques illicites. » Les deux groupements se félicitent au surplus des expérimentations en matière de filtrage.
La SPPF : « Cet accord, conclu sous l’égide du Président de la République, contient des mesures aptes à rendre dissuasif le téléchargement illégal d’œuvres protégées. Il introduit ainsi le système de la riposte graduée pour lequel la SPPF avait marqué sa préférence, compte tenu de l’intérêt de combiner prévention et répression. La SPPF approuve également l’approche réaliste, équilibrée, et pragmatique qui a inspiré la Mission Olivennes (…) Il est donc impératif que le calendrier des dispositions légales et réglementaires soit respecté. Il en va de la crédibilité de ces mesures face au sentiment d’impunité qui continue de prévaloir chez une majorité d’internautes qui se livrent à des actes de téléchargement illégal, alors même que les offres légales ne cessent de se développer et de s’enrichir. »
La Ligue Odébi (Jean-Guy Vincent, délégué) « Les mesures décidées, pratiquement inchangées par rapport au texte qui circulait sur internet, sont difficilement acceptables dans une démocratie: une fois de plus, le ministère de la Culture a réussi à faire passer les intérêts économiques des industries culturelles au-dessus des droits des internautes. S'agissant de l'autorité chargée de la riposte graduée, le fait qu'il ait été décidé au dernier moment de la placer sous le contrôle du juge n'atténue en pratique pas la dureté du texte initial. Comment un juge pourrait-il raisonnablement intervenir sur chaque cas au vu du nombre de personnes à défendre?
La constitution d'un fichier national des désabonnés constitue elle la création d'un véritable casier judiciaire numérique: c'est inacceptable. Par ailleurs, le désabonnement d'un internaute revient à une privation de droits civiques numériques, soit une sanction totalement disproportionnée, et ce d'autant plus qu'elle ne serait pas demandée par un juge.
Quant aux mesures de filtrages, les quelques changements rédactionnels ne changeront rien: il s'agit d'expérimenter le filtrage à grande échelle, puis de le déployer. Les conditions technicoéconomiques au déploiement rajoutées au dernier moment sans doute sous la pression des FAI sont symptomatiques: les libertés fondamentales sont une fois de plus soumises à la technique et à l'argent.
La présentation des différentes technologies de filtrage envisagées dans le rapport Olivennes fait froid dans le dos: en ouvrant la boîte de Pandore du filtrage, la France vient d'envoyer un signal clair aux dictatures qui s'adonnent à la censure de l'internet, autant dire un blanc seing : pourquoi ces pays-là se gêneraient-ils pour filtrer si même le pays des droits de l'homme le fait?
»
L'UFC Que Choisir : « l'UFC-Que Choisir dénonce le tour de vis répressif et le manque de lucidité du ministère de la Culture qui, au prétexte de défendre la Culture et sa diversité, se fait systématiquement l'avocat infatigable d'une industrie trop concentrée et peu innovante. L'UFC-Que choisir demande au Président de la République d'inverser l'ordre des priorités et de faire de l'amélioration de la qualité de l'offre en ligne un préalable à toute réforme à visée répressive ».
Le Parti Pirate Français : « Le PPF considère les mesures prises par la coalition sarkozy-ump-fnac-majors comme une déclaration de guerre. Nous appelons les internautes à combattre le filtrage, le fichage et la répression aveugles par tous les moyens, y compris économiques, et en particulier lors des achats de fêtes de fin d'année. Olivennes s'est positionné comme un ennemi des libertés des internautes : ils ne l'oublieront jamais. Si Sarkozy croit pouvoir contrôler le web comme il contrôle les médias, il se trompe: en venant nous agresser sur notre terrain, il déclenche une guerre de tranchées dont il n'est pas prêt de se sortir. A bon entendeur... ».
Image de Wikimedia Commons. Via Clubic, Ratiatum et PCinpact

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