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31 mars, fin d’hébergement à toulouse raconté par un éducateur spécialisé de CHU

Publié le 29 mars 2010 par Unpeudetao

 
Pour agir… et pour info  à toulouse !!
Pour aider l'action que porte Stéphane et ainsi aider à faire entendre ce message, vous pouvez participer à cette action!
Vous trouverez ici, le lien vers les affiches et les tracts qui seront placardés lundi dans la ville.

http://uploadpie.com/IMhCj

 
Bonjour à toutes et à tous…

Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas, je suis Stéphane, adhérent de l'asso depuis quelques années maintenant, et actuellement en poste d'éducateur spécialisé sur l'accueil hivernal d'urgence pour familles “Thibaud”. l'Accueil ferme ses portes jeudi 1er avril au matin (pour le poisson…). l'accueil est depuis quelques année gérée par l'association Espoir, mais cette année quelque chose a changé….

Quelques jours après l'ouverture du foyer en novembre, la directrice a été convoquée par les services de la Préfecture pour évoquer les nouvelles “règles du jeux”: puisque l'état finance cet accueil, la Préfecture est quasiment “chez elle”, elle décide de qui entre, qui sort, de qui va ou.. il en est donc fini de l'accueil inconditionnel des personnes..
 Nous hébergeons actuellement 10 familles et deux femmes seules… toutes ces personnes vont se retrouver hébergées à l'hôtel car l'état se doit d'appliquer la continuité de l'hébergement de part la loi DALO (droit au logement opposable) mais dans quelles conditions et pour combien de temps?
Certaines de ces familles se sont vue remettre en mains propres et sur leur lieu de vie des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) par une fonctionnaire zélée de la Préfecture, totalement dédaigneuse des être humains qu'elle avait en face… Ces familles seront également hébergée à l'hôtel mais pour combien de temps? L'année dernière, la Police aux frontière n'a mis que deux jours avant de venir chercher à l'hôtel une famille déboutée de sa demande d'asile politique à la fin de l'accueil..
Il ne s'agit pas ici de remettre en cause le bien fondé ou non de ces demandes d'asile (et ce même si le nombre de demandes accordées ne cesse de diminuer, alors que le Monde grouille de guerres et de famines..), mais bien de dénoncer le ballotage, le parcage et surtout le manque de considération pour ces personnes…

Vous trouverez ci-joint un courrier que nous avons rédigé avec mes collègues pour informer nos partenaires sociaux et territoriaux.. ( peut etre plus explicite que moi…)

Il s'agit également de dénoncer qu'au 31 mars, 3 foyers sont concernés par les fermeture de fin de période hivernale, soit une 100aine de personnes remisent à la rue…

Dès lundi, vous verrez une campagne d'information en ville sur la fermeture des centres hivernaux… (Samba Résille s'associe à cette démarche de la FNARS -fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale- et de Médecins du monde.)
Si des tentatives de communication sur la fermeture des centres hivernaux ont été effectuées les années précédentes, cette année la Mairie s'est engagée à laisser les tracs et les affiches en ville (que l'on aura soigneusement collé toute la nuit) toute la journée de lundi et nous permet d'utiliser les affichages des bus TISSEO..

En espérant être un peu plus entendu…

Merci encore aux personnes qui se mobilisent dimanche soir pour le barbecue Pagode au foyer..

Stéphane

*A l'attention des partenaires et des responsables*

Quelque chose a changé dans l'accueil hivernal des familles.
Quelque chose, qui avec le recul d'une saison d'activité, nous apparaît fondamental d'exprimer et de dénoncer.

Tout d'abord, ce changement passe par la gestion des personnes exclues. Leur admission et leur sortie, depuis cette année, ne dépend plus du 115, ni des structures d'accueil proprement dites, mais directement de la Préfecture, par le biais de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS ancienne DDASS) qui décide des urgences, des priorités, des admissions mais également des orientations à la sortie. C'est un changement important dans le dispositif des accueils d'urgence, notamment parce qu'il écarte d'un seul coup le savoir-faire des travailleurs sociaux, du travail de terrain, directement en lien avec les personnes accueillies. Plus grave encore, ce nouveau dispositif fait sortir de l'anonymat tous les demandeurs d'aide d'urgence. Fini le droit de discrétion et l'inconditionnalité, aujourd'hui un accueil est synonyme d'inscription et d'enregistrement sur des listes administratives.

Quand on sait que la population accueillie dans le centre d'accueil hivernal est composée à 90% de familles d'origines étrangères, on peut légitimement s'interroger sur les stratégies et conséquences d'un accueil si contrôlé.

Cette année, les travailleurs sociaux du centre d'accueil hivernal Thibaud ont senti cette confusion volontaire des fonctions. De quelle façon les agents de l'État (Préfecture et D.D.C.S.) ont dorénavant main mise sur la gestion du centre d'accueil. D'un côté, ils placent les familles dans ces centres, autrement dit décident qui sera accueilli, de l'autre ils s'invitent pour délivrer en main propre les O.Q.T.F.. Il n'y a donc plus de frontière entre les fonctions d'hospitalité, d'insertion et celle du contrôle de l'immigration et son pendant l'exclusion forcée. De part cette nouvelle organisation, la nature même du travailleur social prend une allure nouvelle : accueillant-geôlier.

* Que doit-on penser lorsque, 15 jours après une réunion avec Monsieur E. de la DDCS (Direction Départementale de la Cohésion Sociale) pour un point sur les familles dont nous avons la charge, Mme P., de la préfecture de Haute-Garonne, décide de rencontrer, dans notre foyer, 3 familles afin de leur signifier 3 OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) de la façon la plus stricte qui soit ? Cette décision étant applicable dans 30 jours, 3 jours avant la fermeture de l'accueil hivernal.*

Que dire des personnes accueillies et qui viennent de recevoir l'interdiction de vivre sur le territoire français, au sein même de leur logement? Ils se sont légitimement interrogés sur les liens des travailleurs sociaux de Thibaud avec les services de lutte contre l'immigration…

Quelle est en définitive notre fonction quand d'un côté on leur offre un espace accueillant et que de l'autre on les surveille, on les tient au chaud avant l'éventuel retour forcé au pays qu'ils fuient pour diverses raisons…

* Quelques heures après s'être vu signifier son OQTF, le père d'un nouveau né nous a confié que la façon dont cela lui avait été dit était insupportable pour lui. Il tentera de mettre fin à ses jours quelques heures plus tard …*

Toute politique de lutte contre l'immigration est nécessairement critiquable. Comment peut-il en être autrement quand il s'agit de mettre au point une machine de l'exclusion ? Le travailleur social est ici impliqué dans cette lutte, à son insu. Aussi, il n'est plus possible pour un travailleur social d'accueillir les personnes en fin de droit sans les informer du risque encouru ; de leur expliquer qu'ici même où ils sont accueillis, ils demeurent sous le regard de ceux qui œuvrent à leur départ dans leur pays d'origine. C'est notre devoir de clarifier auprès des personnes accueillies ces enjeux. C'est de notre devoir aussi de dénoncer cette nouvelle formule d'accueil des personnes en difficulté non plus avec l'objectif de mise à l'abri, mais celui d'exclusion, à travers un même outil :
celui de l'accueil d'urgence hivernal. Est-ce une expérimentation qui risque de s'étendre à tous les centres d'accueil permanents ou non ?

Ce que nous exigeons c'est qu'ils organisent leur politique d'immigration de façon décente et surtout pas sur le dos d'associations et de travailleurs sociaux dont la mission est tout autre pour ne pas dire inverse. Qu'ils se servent des centres d'accueil comme un lieu de mise à disposition des étrangers en situation irrégulière qu'ils ont placés eux-mêmes en attendant que la justice statue sur leur cas, voilà un mélange des genres bien dangereux.
Le droit à un abri n'a aucun lien avec l'obligation de quitter le territoire, ou alors le centre d'accueil fonctionne comme un appât. On présente aux personnes un toit, une écoute…

Il se tisse des liens de confiance et d'entraide, des stratégies d'insertion, etc. On travaille avec elles sur des solutions pour le logement, le statut… On atténue leur souffrance… Mais tout cela n'est qu'un leurre pour les familles et les travailleurs sociaux. En arrière-plan, c'est leur exclusion du sol français qui est en train de se préparer. La procédure est tordue mais implacable. Ce sont des services de l'État très proches qui d'un côté décident de l'accueil temporaire et de l'autre de l'exclusion définitive par le retour forcé.

Que dire de plus, à part saluer ou pleurer ce tour de force sous l'angle de la politique de lutte contre l'immigration si insoutenable dans un pays de droit.

L'équipe de Thibaud

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