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À Éric Zemmour sur le manga : gare aux grossièretés et à l'ignorance

Par Clementso
Lettre ouverte à Monsieur Zemmour
Monsieur Zemmour. Cela fait maintenant pas mal de temps, une semaine pour être précis, que vous avez tenu des propos durant l’émission « On n’est pas couché », sur France 2, à propos du Manga. Étant légèrement de la partie, c'est-à-dire, connaissant un peu le monde de la bande dessinée, de l’art séquentiel, ou plus communément du 9e art, j’ai longtemps réfléchi à vos propos.
Que dire ?…
J’aimerais pouvoir avoir cette discussion en votre présence, monsieur Zemmour. Là, je prendrais une intonation remplie de tout ce que je connais en matière de bande dessinée, je clignerais des yeux parce que mon cerveau mettrait en route plusieurs routines de réflexion afin d’élaborer une amorce d’explication, et les premiers mots prononcés à votre encontre, ce serait « monsieur Zemmour, lorsqu’on ne maîtrise pas un sujet, on la ferme, et on écoute les autres, au lieu de balancer des grossièretés et des a priori à propos d’un domaine que l’on ne connaît pas ». Parce que monsieur Zemmour, les propos que vous avez tenus témoignent de l’ignorance que vous avez de ce média d’origine japonaise. De plus, vos mêmes propos sont profondément réducteurs. Aussi, et si vous vous sentez d’attaque pour ouvrir votre esprit, je vais exposer en quelques lignes un aspect fondamental du Manga qu’il aurait été bon que vous sachiez avant votre intervention à l’antenne.
À Éric Zemmour sur le manga : gare aux grossièretés et à l'ignorance
Un manga n’est pas une bande dessinée. Un Manga, c’est un art narratif à part entière. De fait, dans le manga, vous trouverez une foule de supports différents dans lesquels on trouve le plus souvent des livres qui font appel à l’art séquentiel (la bande dessinée, donc) pour raconter un récit, et les films d’animation. La plus grande partie des mangas ont donc besoin d’un support graphique pour asseoir leur narration. Si la plus grande partie partage la même « bible graphique » japonaise (visages triangulaires, grands yeux, etc.), on peu aussi trouver de l’expression manga dans d’autres styles graphiques, à l’instar de ce que Baru réalisa dans son album « l’Autoroute du Soleil » paru notamment chez Casterman. De même, certains aspects du manga peuvent se retrouver dans la réalisation de films long-métrage qui peuvent vous paraître « classiques », tout comme dans des ouvrages de la littérature nippone (entre autres)… Donc, si le style graphique ne fait pas le Manga, qu'est-ce qui définit ce média ?
Le Manga se caractérise par un besoin de « découper » une narration à travers le récit d’un maximum de phases d’actions. Prenons un exemple, et un exemple de bande dessinée sera parfait pour illustrer cet art, à part entière, de raconter une histoire. Dans la bande dessinée franco-belge, vous verrez dans une première case un personnage entrer dans un immeuble, et dans la deuxième cage de la même page, ce personnage sera dans le bureau situé au dernier étage de l’immeuble dans lequel il est rentré. Dans le manga, si la première case et la dernière case de la planche peuvent être similaires aux deux premières dessinées dans une bande dessinée franco-belge, le point de départ de l’action, qui est l’entrée dans l’immeuble, sera séparé par une multitude d’autres cases illustrant la progression du personnage pour aller au dernier étage de l’immeuble… Soit il prendra l’escalier, soit il prendra l’ascenseur. Bref, il y aura des cases pour expliquer comment le personnage à fait pour se retrouver dans ce fameux bureau situé au dernier étage dudit immeuble.
Le manga est donc un « sur découpage » de ce qu’on appelle « l’ellipse », concept de la suggestion dans tout art narratif. Aussi, si dans bon nombre de créations occidentales l’art de la suggestion est parfois raté, il est aussi vrai que la surexploitation de ce procédé réussi à tuer toutes suggestions narratives dans bon nombre d’œuvres d’Extrême Orient… Dans les deux cas, on ne peut pas dire que ni la littérature occidentale pour la jeunesse, ni le manga, ne sont des « merdes infâmes »…
Ceci pour dire que pour comprendre le Manga, si toutefois vous êtes prêt à le faire, il faut que vous considériez le Manga comme un média à part entière, et surtout, un média populaire. Vous y trouverez de tout. De la littérature (La Pierre et le Sabre de Eiji Yoshikawa), du cinéma (les Sept Samouraï de Kurosawa), de la bande dessinée (Nausicaa de Hayao Miyazaki) ou encore du dessin animé (Memories de Katsuo Otomo). Vous y trouverez de la littérature pour la jeunesse, pour les enfants, pour les adultes. Des ouvrages de nounours, ou des ouvrages pornographiques, et surtout des chefs-d'œuvre (Cow Boy Bebop) tout comme des choses à la qualité narrative plutôt quelconque (Yu-Gi-Oh). Bref. Vous attaquer au manga mérite au moins que vous sachiez que le manga ne se limite pas à un seul vocabulaire de forme, ou de graphisme, mais est bel et bien un support narratif plus global, et surtout, populaire. Certes, vous avez le droit de ne pas aimer… Mais surtout, vous avez le droit de garder ceci en mémoire : l’art est difficile, la critique doit l’être davantage.
Le PiXX

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