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9. Laisse tomber, les vieux ça fait pas d'audience (TV)

Publié le 12 avril 2010 par Blanchecabanel
9. Laisse tomber, les vieux ça fait pas d'audience (TV)Il y a quelques années, j'ai eu carte blanche pour filmer pendant un mois l'envers du décor d'une maison de retraite; les confidences des pensionnaires qui auraient enfin eu l'occasion de faire entendre leurs voix, de dénoncer certains abus - qui ont finalement été révélés au grand jour dernièrement - de conter leurs histoires chargées de vécu ou d'évoquer cet amour tabou qui nait parfois au sein de ces établissements. Un producteur m'a répondu: "Laisse tomber les vieux ça fait pas d'audience". Ah bon? Je croyais bêtement que les séniors étaient des téléspectateurs assidus et que même les plus individualistes d'entre nous avaient au moins un vieux à aimer avant de devenir vieux à leur tour. Mais non, la vieillesse n'existait pas, elle déprimait le peuple, et vieillir était désormais une honte. Je ne pouvais pas savoir, je vis avec les sept nains. Persévérante, j'ai alors sorti une seconde carte blanche de ma manche; un pass exclusif dans un ghetto noir américain peu accueillant pour filmer des enfants en bas âge qui, au lieu d'aller à l'école, sont entrainés comme des sportifs de haut niveau à la breakdance afin de faire la manche et d'assurer les revenus de leurs familles. Le producteur a rétorqué: "Ouais mais ça serait plus intéressant de faire un truc genre Pop Star où les gens votent par SMS pour élire le meilleur gosse"
9. Laisse tomber, les vieux ça fait pas d'audience (TV)Oups, je m'étais égarée un instant, j'oubliais que la télévision ne faisait pas dans le social. En revanche, elle pouvait faire dans le scandale. Alors, fidèle à ma candeur, je me suis  à nouveau fourvoyée dans l'idéalisme justicier en allant faire un repérage pour une émission dont l'objet était de défendre la veuve et l'orphelin. Il s'agissait d'un immeuble laissé à l'abandon par des propriétaires sans vergogne et dont les locataires étaient dépourvus d'eau et d'électricité depuis des mois. En file indienne, ces familles méprisées devaient traverser la nationale, tout en évitant les bolides, pour aller remplir leur bassines à la fontaine publique. On ne pouvait pas laver les enfants ni faire la vaisselle, on vivait dans le noir, dans la crasse, mais on payait son loyer rubis sur l'ongle chaque mois. Apparemment, personne n'y pouvait rien. De retour à la production, l'équipe de rédaction visionna mes images. Eclats de rire général: "Putain mais c'est Sangate ton truc, le seul blanc que t'as réussi à choper parle à visage masqué, tous les autres c'est des blackos!" Ambiance Touche Pas à Mon Poste (de télé). En aparté, le rédacteur en chef m'informa d'un ton paternaliste: "Et entre nous, on touche pas à la Générale des Eaux sur la chaîne, c'est comme pour Bouygues. Un conseil: ne mets pas ton nez là-dedans". Bonnet d'âne. On m'a donc envoyé faire un sujet sur une vieille dame qui ne fait pas d'audience et qui n'était pas contente parce qu'elle ne recevait plus son courrier. Trépidant. L'idée était qu'elle s'engueule le plus possible avec le postier. Explosif. Wouh! Qu'est ce que je fais chef, je prévois des cascades pour faire grimper l'audimat?

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