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[Critique DVD] Le silence de la mer

Par Gicquel

« Le silence de la mer » de Jean-Pierre Melville (Gaumont )

[Critique DVD] Le silence de la mer

Le premier film de l’auteur de « L’Armée des ombres »,  est une œuvre à part entière . Tourné peu après la fin de la seconde guerre mondiale il poursuit l’acte de résistance engagé par le roman de Vercors, mais aussi  à la production cinématographique de l’époque.

Les conditions d’exécution du projet sont en effet stupéfiantes  Le supplément «  Melville sort de l’ombre » ( 41minutes)  s’en fait l’écho. Le livre éponyme de Vercors est publié sous le manteau en 1941 , premier acte publique de résistance à l’ennemi . Mais l’écrivain refuse toute adaptation au cinéma, puisqu’il n’a pas été conçu pour ça , dit-il. Alors  Jean-Pierre Melville lui propose un marché : «  réunissez une vingtaine de résistants pour une projection et si un seul d’entre eux donne son veto , je brûle le négatif ».

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Jean Bruller, dit Vercors

Coup de poker gagnant pour  Melville qui n’avait pas encore réalisé de film .A l’époque il lui fallait pourtant une carte syndicale et l’assurance d’avoir déjà travaillé dans le cinéma, ne serait-ce que comme assistant. L’administration lui refuse donc toute aide professionnelle, ce dont il se contrefiche.

Le roman de Vercors se passe dans un village français sous l’occupation ,où un vieil homme  et  sa nièce sont contraints d’héberger un officier allemand, à qui ils n’adresseront jamais de la parole. Le soldat, cultivé et raffiné, monologue alors sur les vertus d’un rapprochement entre les deux pays. Lors d’une permission à Paris , il découvre ce que prépare réellement Hitler…

[Critique DVD] Le silence de la mer

Cette incursion dans la capitale est le seul moment , très court, où Melville se permet lui aussi une échappée dans son dispositif scénique très théâtral. Toute l’histoire se déroule dans une même pièce, près du feu de cheminée. Champ, contre-champ , des personnages statiques, et les mots de Vercors adaptés à la lettre près pour donner un récit très feutré , compassé et à la longue ronronnant.

[Critique DVD] Le silence de la mer

Un silence qui n'en finit pas , toujours au coin du feu

Devant les conditions de réalisation de ce premier film, Volker Schlondorff, qui fut son assistant sur «  Léon Morin, prêtre » raconte : « Jean-Pierre a toujours été un joueur, un flambeur .Quand il préparait un film  il allait toujours  à l’esbroufe, comme pour un casse » dit-il encore rapportant ses propos à ce premier film qui marquera à jamais sa façon de travailler. « Il l’a tourné comme un résistant, dans la clandestinité, sans aucune autorisation ».

Peu de moyens donc, des tournages planifiés au jour le jour selon l’argent disponible, pas de vedettes, des décors naturels , Schlondorff et le journaliste Philippe Labro, s’accordent pour reconnaître au film de Melville les prémices de la nouvelle vague . « Jean-Luc Godard et François Truffaut ne le disaient pas mais ils idolâtraient “Le silence de la mer” et son réalisateur qui leur montrait la voie ».

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Nicole Stéphane

Nicole Stéphane ( la nièce) se souvient que le cinéaste louait quand il le pouvait un petit bus «  et mettait toute l’équipe dedans, soit six-sept personnes et on partait pour tourner un plan , car il venait de trouver de l’argent . Ou bien il venait de récupérer  des chutes de films non utilisées » renchérit Pierre Lhomme le responsable de la lumière sur « L’armée des ombres », «  une technique qu’il utilisera toujours après dans sa carrière. Quand il savait qu’il avait un plan court à tourner, il prenait une chute et il fallait que ça rentre ».

Quand vous travaillez avec des bouts de chandelles toutes les chandelles sont bonnes conclut alors le photographe, pour cette technique que Jean-Paul Belmondo aura bien du mal à assimiler. Mais Melville avait ainsi posé son empreinte sur le cinéma français , comme le montre encore ce montage invisible dans «  Le silence de la mer » entre des images d’archives et une mise en scène très réaliste.

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