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John McCabe

Par Tepepa
John McCabe
McCabe & Mrs. Miller
1971
Robert Altman
Avec : Warren Beatty, Julie Christie
De Robert Altman, je connais surtout sa deuxième partie de carrière, de Prêt à porter à Gosford Park, sa soi-disant renaissance après cette redoutable traversée du désert des années 80 que connurent tant de personnes du show biz. Difficile donc de replacer ce film dans la carrière du réalisateur, d’autant que John McCabe est un film qui est loin d’avoir l’ironie ravageuse de M*A*S*H. Difficile également de replacer le film dans la carrière de Warren Beatty, si ce n’est pour dire que comme dans Bonnie & Clyde, l’acteur n’avait pas peur de rôles d’hommes à coté de la plaque et plus ou moins dominés par les femmes.
Recadrer John McCabe dans la veine des westerns réalistes des années 70, ça par contre, je peux. Héroïsme zéro, crasse puissance mille, boue, pluie et misère à gogo, l’Ouest d’Altman est sale, rustique et fatalement humain. Pas l’humain qui construit une civilisation par l’épopée qui fait rêver du western classique, non, pas non plus l’humain sordide, cynique et roublard du western italien. De l’humain juste humain, stupide, gauche, qui veut se faire sa place au soleil et qui ne provoque ni sympathie, ni antipathie. On pourra applaudir ce refus du spectaculaire, louer ce vérisme proche de l’abnégation, cette absence forcée de prise de position, tel un documentaire exemplaire sur notre nature profonde. On pourra aussi rétorquer que si c’est pour voir sa propre médiocrité à l’écran, à quoi bon aller au cinéma ?
Au final c’est donc une distanciation étrange qui prévaut, comme si de voir des humanoïdes si proches de nous s’agiter pour survivre ne pouvait nous émouvoir, comme si l’héroïsme, le tragique et la passion étaient des données inatteignables, mais nécessaires pour piquer notre curiosité et nous faire croire que nous valons plus que ce que nous sommes vraiment. John McCabe pourrait donc être un grand film, mais la volonté farouche de coller au plus près de l'humain empêche toute tentative d'identification, toute affectivité envers les personnages au point que le film se terminant, leur destin sans réelle destinée ne nous émeut nullement. Un curieux objet donc, comme de nombreux westerns des seventies, de Missourri Breaks à Un nommé Cable Hogue en passant par L'homme sans frontières ou même Jeremiah Johnson, une sorte d'anti-western qui aurait pu faire un vrai bon chef d’œuvre avec un peu d'humanisme à la John Ford. On retiendra surtout finalement cette très langoureuse et mélancolique atmosphère, distillée par la musique de Leonard Cohen, on se souviendra de la vestimentation de Warren Beatty reprise l’année suivante dans Far West Story (et peut-être aussi le langage peu châtié) par Sergio Corbucci, et de très belles images hivernales auxquelles le DVD rend plus ou moins justice, sans oublier un petit rôle convaincant du jeune Keith Carradine en cowboy manchanceux et un méchant impressionnant, engoncé dans une peau qui le fait ressembler à un ours blanc armé d’un fusil monstrueux, joué par Hugh Millais.
John McCabe

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