“Lark et Termite” de Jayne Anne Philips

« Lark et Termite » est un très beau roman, subtil et parfaitement construit. La narration est effectuée par quatre voix différentes, mélangeant les époques, les perceptions et les âges. Jayne Anne Philips prête à chaque protagoniste un style qui lui est propre et l’alternance de leurs interventions donne l’impression d’une symphonie de tons parfaitement orchestrée.

C’est au fur et à mesure que le lecteur découvre les personnages. Leurs histoires ne se dévoilent que très progressivement, accentuant ainsi la charge émotionnelle que constitue la connaissance toujours plus approfondie de chacun d’entre eux.

Au centre de tout, il y a Lola, le seul personnage qui ne perdra jamais la parole puisqu’éternelle absente, elle manque à tous : à son mari d’abord, soldat de la guerre de Corée dont on vit la lente agonie ; à sa fille, Lark, enfant lumineuse et généreuse, qu’elle a eu d’une précédente relation et qu’elle a confié à sa sœur, Nonie, femme solide et dévouée qui donne toute son énergie à l’éducation de ses neveux ; à son fils enfin, le jeune Termite, fils du soldat qui ne l’a jamais connu, enfant handicapé également à la charge de Nonie. Lola s’est tuée peu de temps après la mort de son mari et la naissance de Termite : la famille s’est reconstruite autour de ce vide.

Le talent de l’auteur est immense : au-delà de la description de la vie d’une petite communauté du Sud des Etats-Unis, le récit constitue un incroyable portrait de tous ses liens invisibles qui se tissent entre les membres d’une famille, même si la mort les a empêchés de se rencontrer et de se connaître. Même Termite, l’enfant du silence, handicapé mental et moteur, ressent parfaitement les choses et se fascine pour les bruits chaotiques et les tunnels, ce qui fait étrangement écho à la mort de son père, dans un tunnel de Corée, sous le feu de son propre camp.

Cette saga familiale est à la fois noire et sublime, complexe et particulièrement subtile. Les personnages sont forts et attachant, à la fois poétiques, plein de sagesse mais toujours rendu plus vivant par une sensualité retenue évoquée à demi-mots.