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Que l’heure de la retraite sonne*… ou celle du débat sur les retraites … et la question de la solidarité est plus que jamais posée …

Publié le 22 avril 2010 par Martinez
Cet article a été écrit par Rémi GUILLET aujourd’hui retraité. Ingénieur de l’Ecole Centrale Nantes (ex ENSM promotion 1966) il est aussi Docteur en Mécanique et Energétique (Université H. Poincaré-Nancy 1-2002) et diplômé en Economie/Gestion (DEA Université Paris 13-2001). Son activité professionnelle l’a amené à travailler essentiellement en recherche appliquée dans le domaine de la combustion. Il s’est fait notamment connaître pour ses travaux sur la « combustion humide », recevant un Prix « Montgolfier » des Arts chimiques en 2002 (Prix décerné par la Société d’Encouragement de l’Industrie Nationale). Il a été en charge du secteur Energie/BTP au siège de OSEO entre 1995 et 1998…   Notre pays a ré exprimé sa volonté de maintenir le système des retraites par répartition. On doit s’en réjouir… Ce faisant, il a donc renouvelé le vœu qu’à tout moment les pensions de retraite allouées aux plus anciens, dits « inactifs », soient payées par la population desdits « actifs ». Mais le contexte démographique et économique met en péril le mécanisme… si on s’en tient aux seules charges pesant sur le « travail » ! Les publications, rapports et débats concernant les retraites et la problématique d’un financement équilibré lorsqu’il s’agit de retraites par répartition sont trop nombreux pour que nous nous engagions ici dans leur synthèse ou analyse critique. Mais à l’heure où un débat essentiel s’ouvre, notre propos veut argumenter à la faveur d’une « piste », celle de prélèvements dédiés, basés sur l’assiette de la valeur ajoutée et autres plus - values… La retraite par répartition est un système de retraite inventée en Allemagne à la fin du XIXème siècle par Bismark*, où les salariés doivent payer des cotisations à répartir entre les « retraités ». Par principe, il s’agit donc d’un mécanisme de collecte et de répartition qui assure un transfert du pouvoir d'achat entre générations… Système collectif, il s'oppose à la retraite par capitalisation pour laquelle la pension est une démarche individuelle assurée par une mise en réserve volontaire (ou dans certains cas obligatoire !) d'un capital qui servira de base à la production d’une rente viagère. On attribue à Bismark de s’être d’abord enquis de l’espérance de vie… afin de réduire à sa plus simple expression le nombre des bénéficiaires du système ! Aujourd’hui, le mécanisme s’appuie sur des ressources provenant essentiellement de charges sociales payées par l’employeur, de cotisations payées par les salariés et enfin de taxes et prélèvements sociaux sur certains revenus et plus - values (via notamment la « contribution sociale généralisée »)... Concernant la ressource liée au travail (charges de l’employeur et cotisations des salariés) elle est, de fait, dépendante de la durée moyenne travaillée dans une vie de salarié et bien sûr du taux des « charges » retenu. Et l’équilibre ressources / versements devient mathématiquement problématique lorsque que la durée de vie augmente en moyenne de trois mois par an tandis que la durée de l’activité (ou plus prosaïquement la durée du paiement des cotisations) de chaque salarié reste constante. En France, nous sommes dans la situation où le financement des retraites vient d’amorcer son déséquilibre… Va-t-on prolonger la durée du « temps travaillé » ? Malgré l’engouement à y recourir, cette voie n’a, pour beaucoup, de pertinence réelle que la simplicité à l’exprimer… quand on sait la situation de l’emploi en général et les perspectives réelles pour les seniors de trouver un emploi au delà de leurs 50 ans ! A noter que pour un salaire de 100, si un salarié qui pourrait « rapporter » 40 à la caisse, s’y dirige pour y percevoir une « pension » de 70, l’écart enregistré par le budget de la caisse pour le salarié considéré est de 110 !... Donc on comprend que, malgré tout, la mesure de l’allongement du temps « travaillé » garde un potentiel de pertinence… pour celui qui gère ladite caisse ! Va-t-on augmenter les cotisations ? Pas aisé non plus de choisir cette piste dans un contexte très difficile pour des entreprises devant affronter la compétition internationale… et qui ont des charges sociales souvent très élevées comparativement à leurs homologues étrangères… Va-t-on diminuer les versements ? Difficile de s’engouffrer dans cette voie… qui signerait très vite la perte de confiance dans ce système de retraite ! Mais, après ce bref rappel, notre propos est surtout d’argumenter à la faveur de prélèvements dédiés « retraite » basés sur l’assiette de la valeur ajoutée (et autres plus - values)… Un financement indexé sur valeur ajoutée Dans le prolongement de l’invention de Bismark (soucieux de paix sociale…), et selon la logique du sempiternel conflit entre le « capital » et le « travail » qui aura marqué le XXème siècle, il a été accepté d’emblée, comme « allant de soi », que les retraites étant une affaire de travailleurs et de salariés, leur financement ne pouvait provenir que du travail… Et pourtant, d’un point de vue théorique… Notre réflexion menée à propos des conditions du resserrement des liens entre actionnaires et salariés (1) nous a appris qu’en entreprise, la plus grande « efficience » passait par l’équité de « traitement » entre les acteurs internes (salariés) et externes (actionnaires)… avec, comme corollaire, que les taxes et autres impôts devaient les concerner de la même façon… avec le même taux de prélèvement. Donc, a priori, les charges destinées à l’alimentation de la caisse d’une retraite (à caractère universel) n’ont pas de raison d’échapper au traitement équitable… pour concerner autant la masse salariale que les bénéfices… donc la totalité de la valeur ajoutée (nette). Mais donnons d’autres éclairages à cette allégation… En effet, l’existence même d’actifs (capitaux investis, aussi indispensables à l’entité « entreprise » que ne le sont ses salariés qui apportent leur travail) est bien due à une part d’une plus value provenant d’une activité économique antérieure qui a échappé aux « travailleurs » (malgré les injonctions prolétariennes !) pour permettre à un bailleur de fonds de l’investir dans telle ou telle entreprise et de la faire fructifier ! Ainsi, si l’utilité du capital et sa rémunération ne peuvent être remises en causes, surtout dans le contexte de l’entreprise, le capital est initialement né du (a été engendré par un) travail ! Et, d’un point de vue formel, cela suffit pour que rien ne s’oppose à ce que capital et travail soient traités de façon identique dans le contexte « retraite » ! Par ailleurs, et puisqu’il s’agit de « retirement » (c’est le terme anglo-saxon, en correspondance avec notre « retraite »… et peut - être plus évocateur !), pointons maintenant une différence importante entre l‘activité « travaillée » et la gestion de « capitaux »… Si l’activité travaillée doit avoir un terme qui engendre le droit à une pension de retraite - ce que reconnaît implicitement le principe même de la retraite par répartition - par opposition, l’activité capitalistique peut s’exercer sans retenues et ad vitam ! Les adeptes de la retraite par capitalisation qui misent là-dessus, le savent bien ! Alors, une part de financement en provenance d’une taxe qui porte sur le revenu du capital (ou autres plus - values) peut aussi être vue comme une mesure qui ramène de l’équité entre les individus, qu’ils aient (eu) une activité à durée déterminée (type CDD pour les salariés) ou à durée indéterminée (type CDI pour les bailleurs de fonds)… et cette raison, seule, nous semble également capable de justifier l’existence de taxes issues du capital et destinées aux caisses de retraite. Après la théorie, venons-en à l’aspect pratique… Dans un contexte où tout converge pour réduire l’emploi (quête de toujours plus de rentabilité du capital oblige !), à l’heure où le ratio actifs / inactifs s’écroule, à l’heure où, en Occident, la mondialisation pénalise le travail, à l’heure d’une crise sociétale majeure, il n’y a vraiment plus de raison d’écarter la piste du financement des retraites par répartition en s’appuyant sur un « entrelacs » de revenus… du travail et du capital. Nous pensons même qu’il y va de la survie du système ! Plus simplement, après avoir dit que la mesure était juste d’un point de vue théorique, nous dirons maintenant qu’elle est judicieuse d’un point de vue pratique. Des prélèvements versés par l’entreprise basés autant sur ses bénéfices que sur sa masse salariale, donc basés sur l’assiette de la valeur ajoutée, constituent une des voies les plus porteuses pour un financement durable des retraites par répartition ! Destinées à financer une retraite à caractère universel, des taxes sur les revenus de placements et autres plus - values capitalistiques doivent alors suivre le même chemin pour raison d’équité de traitement entre les différentes formes de revenus… et l’élargissement de l’assiette de prélèvements… aux reprises de fonds placés en actions, titres, épargne entreprise ou assurance vie !... aux « bonus » associés aux activités financières des traders et autres banquiers… est justifié ! De même, pas de raison non plus pour que « participation » et autre « intéressement » aux résultats de l’entreprise puissent y déroger ! Ainsi, au nom de plus de justice et d’une solidarité renforcée, avec l’acceptation de la taxation des revenus du capital, de nouvelles « portes » s’ouvrent, la problématique du financement des retraites est fondamentalement changée… avec des perspectives d’équilibre budgétaire durable (ou simple à « revisiter » si nécessaire !). Selon Michel Husson dans « La véritable histoire de la part salariale » (juillet 2008) et suivant l’analyse dite de la méthode INSEE 1, le ratio salaire / valeur ajoutée a cru jusqu’en 1980 pour atteindre la valeur de 63% puis a perdu 6 points avant de se stabiliser à partir de 1990 à environ 57%.... Cela signifie que, appliquant un même taux de prélèvement dédié « retraite » aux revenus du capital et à ceux du travail et passant de l’assiette « travail » à l’assiette « valeur ajoutée » la ressource « retraite » est multipliée par 1,75… croissant donc de 75% ! Le débat qui s’ouvre ne peut donc oublier la voie de l’élargissement de l’assiette fiscale … et avantageusement s’engager au plus tôt sur la « hauteur des prélèvements » et leur « répartition » car, même si nous en avons exprimé la pertinence, on imagine la difficulté à ce que le consensus puisse se faire, d’un coup, autour d’un même taux de prélèvement sur le « capital » et sur le « travail » !. Rappelons ici que, l’Allemagne (à nouveau !), l’Italie… l’ont cependant fait en suivant la voie de la « TVA sociale »... Pour un équilibre durable : des versements « actualisés » indexés sur valeur ajoutée produite par l’activité économique du moment… Mais la solidarité qu’implique le choix des retraites par répartition passe aussi par des retraites qui reflètent la réalité économique du pays au moment considéré. Après ce qui a été suggéré pour le financement, des versements (équilibrés avec les ressources) sont donc implicitement en voie d’indexation sur la valeur ajoutée et autres plus - values, en temps réel… ce qui convient parfaitement à l’exigence de solidarité intergénérationnelle voulue par le système… On aura compris que le non respect de l’équilibre entre ressources et versements signifierait un nécessaire ajustement pouvant engendrer une dette spécifique de l’Etat, à charge des générations futures et donc contraire à l’esprit de la retraite par répartition… Il n’est donc pas vain d’insister et réécrire que peu de voies offrent la perspective d’un budget « retraites » durablement équilibré, celle de l’indexation sur la valeur ajoutée d’un prélèvement spécifique nous semblant, et de loin, la plus pertinente. En lien avec le financement des retraites… le maintien des actifs en « activité » Privilégier la « flexibilité interne » à l’entreprise Tandis que les Pays Nordiques ont développé ce qui est appelé « flexisécurité » c'est-à-dire l’ajustement des besoins en salariés à l’activité de l’entreprise (en cas de baisse d’activités, on joue donc là et à plein le licenciement comme variable d’ajustement, laissant le soin aux pouvoirs publics de prendre en charge le salarié sur le « carreau »), nous avons eu l’occasion de décrire et de plaider pour une « flexisécurité interne » à l’entreprise qui maintient le plus possible les salariés dans leur emploi (2). Il est cependant utile de dire ici que cette flexibilité interne suppose l’acceptation d’une part de participation aux résultats (ou autre forme d’intéressement) significative par rapport la masse salariale !… A propos du « partage de l’activité… ou plutôt du cumul », l’actualité nous a récemment permis un regard vers les sommets qui nous a interpellé… au sujet du comportement de certain(s) grand(s) patron(s) !!! Notre pays manquerait donc à ce point d’élites… que le cumul touche les plus hautes fonctions ? Espérons qu’il s’agit là d’épiphénomène(s) sans effet sur le plus grand nombre ! Le « tutorat »… Il y a un peu plus d’un an et sous l’égide du gouvernement le « tutorat » était mis en place et faisait l’actualité… Une adéquation entre l’insertion des jeunes et une retraite « biseau » pour les seniors: un passage de relais bénéfique pour les jeunes, les seniors … et les caisses de retraite ! Par exemple, deux à cinq ans « d’alternance », avec temps travaillé en entreprise croissant pour le jeune, de temps de travail décroissant pour le senior, le premier recevant une bourse croissante avec le temps travaillé, un plein salaire évoluant jusqu’au niveau de sa pension de retraite pour le second… et une seule cotisation sociale pour représenter la somme du temps travaillé dans l’entreprise par le binôme, pourrait s’avérer être une bonne inspiration… dans le contexte du (nécessaire) travail des seniors et de difficultés croissantes à pénétrer le milieu professionnel pour les plus jeunes. Ainsi cet appariement jeune / senior nous semble d’autant plus porteur que la gestion du dispositif se fera au niveau macro économique, donc au niveau national … par le nouveau « pôle emploi »… avec l’accompagnement d’une communication soutenue ! Au final, le financement des retraites par répartition indexé sur la valeur ajoutée et autres plus - values nous apparaît comme légitime et doit donner lieu à un vrai débat car il constitue une des pistes les plus pertinentes pour assurer la pérennité du mécanisme desdites retraites par répartition… En la suivant et en filigrane, on peut même y voir une (légère, mais possible) diminution des charges pesant sur l’emploi… Le lecteur aura le loisir de mesurer l’intérêt de ce « billet » à l’occasion du débat qui s’ouvre… Par avance, nous le justifions par la crainte que quelque «leurre» ne vienne écarter dudit débat l’un de ses volets les plus pertinents… Vers de Jean Ferrat (extrait de « La montagne ») (1) voir « Pour plus de solidarité entre le capital et le travail… » version livre en 2004 ou version e-book en 2009 par R. Guillet aux ed. l’Harmattan (2) Voir « Flexisécurité : une autre voie » : un article complémentaire au livre cité en (1) aux ed. L’harmattan

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