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Anthologie permanente : Jennifer K. Dick

Par Florence Trocmé

Clown au maquillage pâle.  Bouffon tournant et autour son dos.  Soulève objet après objet dans la pièce avec les bouteilles de verre coloré horizontales.  Examinant le bouchon octogonal stop.  Signe des penchés, le déchiré « Regardez le poisson! » Invitation à voir.  « Bon choix », corps porno cassette vidéo emmêlés dans cette « veux voir? » Veux le ?  Veux deux ?  A voir ? Ici les cataractes se brouillant à l’aquarium.  Parlez, pense-t-il, ces choses sont à elles.  Son espace.  Se cachant simplement. Simplement un moment ?  « Pas de questions sur la moquette ». Les rideaux extensibles.  Les guirlandes clignotantes.  Son regard luit (quelle colle) lumières allumé-éteint-lui-et-elle, baissez-la, -les, une par une, un par un.   « Qu’est-ce que cela signifie pour toi? » demande-t-il.  Dans l’ascenseur stroboscopique il voit les lèvres qui remuent de plus en plus loin.  Suivez le sourire peint orange vif penché par la marée nez-rouge avec l’écume bleue qui s’abat sur le corps.  Résistance.  Rebiffe. « Hey », dit-il.  Elle écarte de la main une mouche, un bibet.  Grincement.  Il s’en détourne, le poing qui martèle la poitrine de concert avec les genoux qui flageolent, quand les mots sont gravés directement au corps : inséparables de.  Mais elle en rate le mot de la fin. Encore.  L’intérêt.  Le crochet. Il prend son cartable, une bouffée profondément inhalée d’eau de mer.  Son parfum fleur-de-cerisier, ici. Cheveux noirs tombant sur les épaules.  Rappel sur scène.  Il recule.  Ses mains à elle se tendent comme si, oui, pense-t-il, elle voit, elle a remarqué, elle remarque l’espace que son absence crée.  Il l’observe étranglant et relâchant le cou.

Jennifer Dick, extrait de Enclosure (En-Clos), traduction de Christophe Lamiot-Enos

Comme une épine dans la gorge, les voleurs de la famille, habitudes à perdre
Les langues elle câline dans sa cage thoracique un jeu de barreaux
Barrières d’où il voit Les Palissades rayées phalanges et autres matières qui pendent
Elle tend son œil, sa peau cette vue en grisaille ou sépia
Ce téléspectateur aux couleurs ravivée compte les jours à rebours
Os à pierre à poussière toussée entre deux phrases saisies —d’elle ou de lui ?
Une parodie de procès, une suite de tribulations elle se tient devant lui, nue, comme si
Un tribunal relâché pour relâcher ses muscles ne serait que dans son œil droit
À lui ou elle un coup d’œil, de biais, prolongé, une envie hélas de la question sempiternelle
Dans les bois pourchassée (chaste) « elle n’est pas », répèterait-elle, répète
« Pas non à moi d’avancer dans l’ouverture », clairière dans les pins
Empreinte de mains moutarde sur l’écorce elle ou il suivait une jachère rappelée
Une incantation protectrice dorée sur son nom, éteinte, lacs, ruisseaux, ruisselets, cette ruée
Derrière des langues au bout des lèvres tachées de soufre, des torches s’allumant, sa
Réponse lui semble (plus) proche de ça lorsqu’on parle du centre jauni
Narcisse système central de pointes de fleurs blanches glissant vers elle, le trébuchement l’abandonne
À elle-même dans le sac et ressac de la mer et l’éveil de ça, pour, disons, sembler, parler, parlure
« Parle, écho ! » ou « m’est venu, m’a fuit » dans sa voix à lui quoi, quel, pourquoi,
Lorsqu’une calamiteuse démangeaison dans son œil, le doigt saignant sur l’eau miroitante
Lis mercuriel dans cet organe, orange, lilas, lis tigré, tacheté acte propice de désappartenance

Jennifer Dick, extrait de Enclosure (En-Clos),traduction Jacques Demarcq

eBook Enclosure, disponible en anglais avec BlazeVox Books:

Bio-bibliographie de Jennifer Dick

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