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Désintégrons les enfants!

Publié le 27 avril 2010 par Lesimparfaites
L'intégration scolaire des enfants en difficulté fait les manchettes ces jours-ci dans les médias. Coïncidence: le même sujet fait la manchette de notre vie familiale au même moment.
C'est que Lolo, qui a un léger trouble envahissant du développement et une légère dysphasie, vient d'obtenir la ''note de passage'' pour intégrer une classe de 1re année régulière en septembre prochain. Pas assez TED pour une classe TED et pas assez dysphasique pour une classe de langage.
Ça sonne peut-être comme une bonne nouvelle à vos oreilles mais ça ne l'est pas. Voici pourquoi (c'est long, je vous préviens, fallait que ça sorte!):
- Il a fait sa maternelle "intégrée'' et son apprentissage s'est résumé en une phrase: on a limité les dégâts.
- Il a passé l'année scolaire qui s'achève en classe de développement avec 7 élèves. Résultat: il a progressé de manière phénoménale si bien qu'il est ''premier de classe'' et se sent valorisé parce qu'il peut aider les autres. Surprise: ses traits TED ont disparu (selon le rapport du psychologue de l'école).
- Mais comme son atteinte est trop légère (mais bien réelle!), il ne peut pas joindre une classe TED ni une classe de langage car il ''régresserait au contact de cas plus lourds que le sien''.
- Il n'a pas le choix d'aller en classe régulière et ce, malgré lesDésintégrons les enfants! difficultés d'apprentissage qui le rattraperont assez vite. Il ne peut pas aller dans une classe de retard d'apprentissage (la bonne vieille classe d'ortho) car, depuis la réforme, les enfants doivent avoir accumulé 2 années scolaires de retard pour joindre une telle classe. Deux ans de démotivation, de dévalorisation et de dépréciation avant de pouvoir joindre une classe adaptée à leurs capacités d'apprentissage -lesquelles sont documentées et connues depuis la maternelle! - et ce à un âge où tout était pourtant encore possible pour leur faire aimer l'école. Mais quel fonctionnaire a pensé à ça?!?!?!
- Dans le cas de Lolo, l'école a fait une demande d'accompagnement par une éducatrice spécialisée à raison de 10 heures par semaine (périodes quotidiennes de français et de mathématiques). Mais comme le psy a fait un beau portrait de Lolo (étant donné ses progrès en classe spéciale), je doute qu'on gagne le gros lot! Et pas d'orthophonie, bien sûr! D'ailleurs, en maternelle, il avait été jugé ''non prioritaire'' alors que cette année, en classe de développement, il était suivi par une orthophoniste et que, s'il était dans une classe spéciale, il aurait droit à ces services, recommandés par le médecin et l'équipe multidisciplinaire qui a établi son diagnostic (bonjour l'orthophoniste privée, bye-bye les bidous!)
- Tous les intervenants sont conscients que son beau progrès est entièrement dû au fait qu'il était dans un groupe restreint, que les consignes étaient appuyées par des pictogrammes et répétées ad nauseam et que l'apprentissage se faisait de manière individualisée, selon le rythme et les capacités de chaque enfant. Dans une classe régulière, ses traits TED -qui avaient miraculeusement disparus!- vont sans doute réapparaître et -tadam!- enfreindre son apprentissage. Il va passer du premier de classe au plus poche. Il va pogner une méchante débarque en matière d'estime de soi.
Pourquoi j'anticipe ce scénario catastrophe? Parce que sous notre toit, nous vivons déjà les deux côtés de la médaille avec ses deux soeurs. D'un côté, il y a Lili qui va dans une école spécialisée puisqu'elle est en fauteuil roulant. Elle n'est pas intégrée et... elle n'est pas une extra-terrestre! Elle suit le programme académique de la 1re année et apprend autant que sa soeur Momo qui, bien qu'ayant un léger handicap physique, va en classe régulière de 1re année dans une école ''normale''. Elle est motivée et a tous les services dont elle a besoin à l'école: physiothérapie, ergothérapie, etc.
Les classes spéciales ostracisent les enfants? Vous voulez rire?!!! Cessons de croire que l'intégration est la meilleure option pour les enfants en difficulté. Ils ont besoin d'évoluer dans un groupe restreint d'enfants de même niveau qu'eux pour progresser normalement, pour se mesurer équitablement aux autres. Dites-moi à qui ça profite d'être toujours le plus poche? À la commission scolaire qui n'a pas besoin de justifier l'embauche de plus de personnel en noyant dans l'océan les enfants en difficulté d'apprentissage? (des enfants qui sont beaucoup plus conscients de leur différence en côtoyant chaque jour des enfants normaux qui réussissent là où ils échouent!)
La preuve sous mon toit: Momo a eu 61 en éducation physique. On ne tient pas compte de son handicap physique, elle est en classe régulière. Lili a eu 84.
- Maman, comment ça se fait que Lili est meilleure que moi et ELLE NE PEUT MÊME PAS MARCHER?, s'est indigné Momo.
''Parce que tu es en classe régulière ma chérie et que, même si tu fais sans doute plus d'efforts que tes amis juste pour tenir en équilibre, tu seras toujours la plus poche de ton groupe. Lili est en classe adaptée. Son évaluation est faite en fonction d'objectifs liés à ses capacités. Surtout, ne te démotive pas!''
Évidemment, je lui ai menti et je l'ai encouragée même si je sais déjà que pour l'éducation physique, c'est peine perdue. Mais bon, ce n'est que de l'éducation physique mais imaginez que nous allons vivre cette situation avec Lolo en français, en mathématiques, en anglais...
Y a-t-il une solution? Bien sûr! Intégrons les enfants dans des classes régulières pour les matières où ils ont une chance de performer équitablement (arts plastiques, musique, éducation physique) mais de grâce, laissons-leur une chance de réussir les matières académiques dans une classe adaptée à leur niveau. Car réussir, eux aussi, c'est juste ça qu'ils demandent!

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