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Comme une tragédie grecque.....

Publié le 28 avril 2010 par Mpbernet

28 avril 2010

Comme une tragédie grecque.....

acropole

A part lorsque le portefeuille de valeurs mobilières des épargnants prend une claque de près de 4% en une séance, les malheurs de la Grèce ne touchent pas grand monde en France. Quel art consommé nous avons de nous cacher la tête dans le sable, quel manque de culture économique et historique...Parce que, toutes proportions gardées, nous sommes aussi menacés à moyen terme de la même malédiction du jugement sans appel des marchés financiers : celle du déficit chronique des finances publiques.

Il fut un temps lointain - au lendemain de la dernière guerre mondiale -  où nos ministres successifs des Finances se rendaient régulièrement à Washington pour boucler les fins de mois déficitaires (comme les Grecs. aujourd'hui, il fallait bien payer les fonctionnaires et les prestations sociales). On était en plein marasme politique, des changements de gouvernement incessants, une inflation à deux chiffres....Notre monnaie se dévaluait (remède immédiat, rendant la dette plus légère) et on rétablissait - pour un temps - un semblant d'équilibre, aux dépens des titulaires de revenus fixes qui voyaient leur capital s'éroder inexorablement...Mais, c'étaient soit des nantis soit des personnes sans retentissement médiatique.
Et puis, notre économie connaissait une croissance forte et régulière. On devenait propriétaire de son logement en payant en "monnaie de singe", les salaires étaient indexés sur l'indice des prix et suivaient le mouvement, chaque année le revenu des ménages s'améliorait, on vivait à l'abri de barrières douanières protectrices d'une industrie plus encline à fabriquer "bien" que pas cher et surtout qui ne se préoccupait pas beaucoup de vendre à l'exportation puisque le marché intérieur était en demande, les travailleurs mouraient peu après leur mise à la retraite et il y avait quatre cotisants pour assurer la pension d'un retraité.
En gros, c'était le bon temps des Trente glorieuses. Et puis 1973 vint, le premier choc pétrolier, la hausse de l'énergie : la première et amère constatation d'une intrusion visible du monde extérieur dans notre quotidien.
Depuis, les mentalités ont peu évolué, malgré le fait majeur de l'Union européenne (Ah! la réconciliation franco-allemande !), la croissance s'en est allée vers des pays moins gourmands de confort, moins évolués, plus jeunes. Nous nous sommes endormis dans la certitude d'avoir raison avec nos politiques économiques et sociales généreuses et coûteuses. Nous avons mis beaucoup de temps à nous unir, de façon superficielle et inaboutie. Certains des plus dynamiques ont fini par se mettre d'accord pour mettre en place une monnaie unique, l'Euro. Je me souviens encore des années qui ont précédé notre adhésion à cette nouveauté radicale, et des efforts budgétaires - voire des acrobaties - qui ont conduit à réduire le déficit de nos finances publiques pour "satisfaire aux critères de Maastricht" à savoir un déficit cantonné à moins de 3% du PIB. Il n'y avait pas de recette de poche qui ne fut sollicitée (y compris le prélèvement sur les bénéfices des entreprises publiques, la Caisse des dépôts, le milliard du 1% logement...) Chaque "niche" fut exploitée, mais c'était le plus souvent un "one shot". Il fallait faire ce que les financiers appellent du "window dressing", du "maquillage" en somme. Mais qui s'en souvient aujourd'hui ? Qui est prêt à payer le prix politique  d'une telle cure d'austérité rendue bien plus difficile qu'il n'y a plus de réserve ?
A ce jeu, les Grecs furent les hyper-champions, avec la complicité de l'ensemble des participants à la zone Euro. Tous savaient que ses comptes publics étaient outrageusement truqués, que l'écart entre le niveau des rentrées fiscales et celui des dépenses publiques était bien supérieur au seuil requis...et culturellement durable. Et pire, une fois dotés de l'Euro, le pays a connu une gestion encore plus laxiste, puisqu'il bénéficiait de la garantie de la monnaie européenne devenue la plus forte du monde.
Et voilà à nouveau - comme depuis la nuit des temps - un cycle économique baissier, sans doute plus violent que les autres. Et patatras : on constate que la Grèce, pourtant dotée d'un PIB non négligeable mais incapable de taxer la ressource là où elle est produite (comment taxer l'économie parallèle, sport national ?) ne peut rembourser les décennies de déficits cumulés. Comme l'Europe n'a pas - faute de consensus - prévu de sanctions ni dissuasives ni pratiquement applicables (hors les imprécations de Jean-Claude Trichet) en cas de non respect dans la durée des normes de déficit - il n'existe pas de butoir à la dégringolade. Les marchés financiers internationaux ne manquent pas de liquidités mais la confiance a disparu. Non seulement la confiance en la Grèce, mais aussi en la capacité des pays de la zone Euro à réagir à cette situation. Et tout le monde morfle.
D'abord les Grecs, qui vont subir une brutale contraction de leur niveau de vie : à force de ne pas payer d'impôts, il faut bien prendre là où cela est plus facile : les taxes indirectes qui touchent en premier lieu les plus pauvres. Puis les pays "riches" qui devront contribuer à soutenir le pays "voyou", alors que leurs déficits publics ont déjà été alourdis par les mesures de soutien des économies....et leur propre politique démagogique des finances publiques.
Pour les Français, ce type de situation est banal, on en a vu d'autres et on s'en est sorti. Pour les Allemands, c'est inimaginable, car de la débâcle financière de 1923 est sorti le nazisme. Et, fait aggravant, ils votent dans quelques jours...et on comprend qu'ils en aient marre de payer. Et puis, à dire vrai, le poids relatif de la Grèce dans l'économie européenne n'est pas énorme, on peut "éponger" à condition que ne joue pas le redoutable "effet domino" à l'encontre du Portugal, de l'Italie....de la France si elle ne réagit pas.
Face à cette situation, deux attitudes sont possibles : rejeter l'Europe comme source de contraintes mal maîtrisées et inutiles ou, au contraire, avoir un sursaut pour une Europe politique et économique plus forte, vraiment intégrée au-delà des réflexes nationaux malvenus, et gouvernée (je crois toujours en l'utopie...), assurant une réelle régulation interne et une solidarité sans faille de ses membres, quitte à mettre sous tutelle réellement efficace les "canards boîteux".


Tout le monde le pense, mais cela n'est pas sans doute pas politiquement correct.


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