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L'art d'écrire... et de se relire

Publié le 28 avril 2010 par Doespirito @Doespirito

J'ai bien aimé les textes publiés cette fois-ci, sur le thème «C'est là que je suis né». Un très bon niveau général, dirais-je, pour me rappeler que j'ai été instituteur à une époque révolue. Et surtout un grand plaisir à lire. Je n'ai pas atteint le nombre de contributeurs auquel je pensais (20), mais la qualité compense largement la quantité.
Ecrire est difficile, se relire avant de publier l'est tout autant. Une relecture sans concession. Non qu'il faille tout supprimer, pas d'emportement : il faut choisir ce qui correspond le mieux à ce qu'on veut dire, ce que l'on a dans la tête. Et choisir, c'est renoncer... Afin de clore cette session de l'Atelier d'écriture Ted et Eux, j'ai demandé à Joaquim, contributeur régulier, d'écrire un commentaire critique. C'est un exercice auquel je compte associer les autres contributeurs, en temps utile. Joaquim, c'est à toi.

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«Je ne me plains pas si, de mille pages écrites, huit cents prennent le chemin de la corbeille à papier». Ainsi parlait Stefan Zweig évoquant son travail d’écrivain. Zweig a magnifiquement défini les exigences qu’il s’impose et qui s’appliquent aux écrivains confirmés ou pas. Mais quelle difficulté pour arriver à captiver le lecteur ! Comment faire une histoire qui l’emmène au dernier mot sans lui laisser le temps et l’envie de lever le nez?

Que notre inspiration soit laborieuse ou coule comme une source intarissable (quelle chance…), le travail doit être le même : «de la simplification, de la condensation, du lâcher de lest», de l’art du renoncement», pour ne garder que «l’essence filtrée». Pour moi qui n’ai pas une imagination débordante, ne garder que 20% du texte original, c’est beaucoup trop peu, il ne restera alors plus rien ou presque ! N’est pas Zweig qui veut pour écrire des pages et des pages «vite et sans effort». Mais chasser ce qui «retarde le mouvement», éliminer les «passages sablonneux», ne garder que ce qui est essentiel, tout le génie tient en ces quelques formules. Et Zweig de citer Balzac, Dostoïevski ou Thomas Mann comme exemples (parmi d’autres) d’auteurs à dépoussiérer de tout le superflu.
Pour moi, un texte doit raconter une histoire et faire surgir des images. Pas besoin nécessairement d’un texte «littéraire». Pagnol, (ou Goscinny plus près de nous), en est l’exemple : ce n’est pas du Balzac ou du Flaubert mais dès les premiers mots, dès les premières phrases, il nous transporte dans son univers par la légèreté des phrases, par la justesse et la verve du vocabulaire employé même si celui-ci est banal.
Mais je ne suis pas ennemi des textes littéraires, au contraire. Une description bien ciselée avec des mots choisis soigneusement sans prolixité, des dialogues bien amenés «sans tomber amoureux de chaque phrase réussie» est un exercice difficile. Quel bonheur, pouvoir en quelques mots faire surgir des images, mais après combien de relectures, de modifications, de suppressions, de «chasse joyeuse aux bruits parasites».
Mais qu’est-il, lui, direz-vous, pour nous donner ainsi la leçon ? Un illustre inconnu qui, dans le fin fond de son bureau s’échine à écrire des textes qui ne seront lus que par lui-même. Tiens, en relisant mon travail publié par l’Atelier Ted et Eux ce mois-ci, je viens de m’apercevoir qu’il y a 13 fois le mot “on” malgré les relectures. «On est un con» me disait mon prof de français du lycée.
Et en relisant un autre texte de ce même mois (qui n’est pas de moi celui-là), un petit texte de 3 paragraphes, j’y trouve 13 fois la conjonction “et”. Ce petit mot n’a l’air de rien, mais amusez-vous à lire ce même texte en enlevant tous ces et, vous verrez qu’il acquiert une fluidité qu’il n’avait pas auparavant.
Joaquim
(1) Stefan Zweig - Le monde d’hier. Toutes les expressions entre guillemets sont tirées du même ouvrage

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