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« Je me vois comme un artisan de l’information, qui choisirait lui-même ses propres outils »

Publié le 29 avril 2010 par Loeilaucarre @loeilaucarre

« Je me vois comme un artisan de l’information, qui choisirait lui-même ses propres outils » Après Fanny Dufour, puis d’Adrian Alvarez, je vous propose de lire aujourd’hui l’interview de Pascal Téboul, Chargé du développement Green Business à la Direction du Développement Durable de la SNCF.

Spécialiste du management de l’information, titulaire d’un master2 « Management des technologies de l’information et de la décision » (spécialité Econométrie) de l’Université de Paris 1, et diplômé du 3ème cycle de l’Ecole de Guerre de Economique (EGE), Pascal Teboul est aujourd’hui investi dans la sphère du développement durable et de la responsabilité sociétale des entreprises. Il assure aujourd’hui, au sein de la Direction du Développement Durable de la SNCF, des missions de soutien au développement d’activités innovantes et à l’émergence de modes de production « durables ».

Décrivez-nous votre parcours professionnel…

A 48 ans, je démarre aujourd’hui une troisième vie professionnelle. Ma première partie de carrière à la SNCF s’est inscrite dans la continuité de ma formation initiale : les chiffres ! J’ai dirigé notamment plusieurs projets de pilotage de gestion d’activités stratégiques : construction des comptes d’exploitation des grandes lignes, mise en place du contrôle de gestion d’Eurostar… Puis la mécanique des comptes d’exploitation m’a entraîné, assez logiquement d’ailleurs, vers la découverte des rouages de la production industrielle (car, est-il besoin de rappeler que la SNCF est d’abord une entreprise industrielle). Durant un périple de 7 ans, je me suis donc immergé dans le monde de la circulation des trains, et me suis frotté au management d’équipes, à différentes échelles : postes d’aiguillage, triages fret, grandes gares parisiennes… Expérience humaine d’une valeur inestimable !… Parallèlement à ça, j’assistais à l’émergence de l’internet en France, et la tentation de revenir au traitement de l’information a été déterminante pour la suite. Quinze ans après avoir débuté à la SNCF, j’étais à une croisée des chemins, et j’avais deux cartes en main pour appréhender la suite : l’économie et les chiffres, le management des hommes et des compétences… C’est un peu dans ces circonstances que l’intelligence économique s’est imposée à moi.

Pourquoi avoir choisi une formation à l’EGE en 2007/2008, alors que vous étiez déjà lancé dans la vie active ?

L’orientation vers une formation en stratégies d’intelligence économique a été une décision murie. J’y ai réfléchi longtemps. Puis en mai 2007, ma décision était prise. Et les circonstances m’ont été favorables, puisque j’ai eu la chance d’obtenir un financement au titre du congé individuel de formation pour suivre à temps plein le 3ème cycle de l’EGE. Fin 2008, après les bancs de l’Ecole de Guerre Economique, j’étais de retour à la SNCF avec plusieurs propositions de postes, toutes plus tentantes les unes que les autres… Mais c’est certainement ce que je percevais comme des contradictions émergentes, entre les conséquences des crises (subprimes, réchauffement climatique…), et la prégnance du discours actuel autour du développement durable et de la RSE, qui a orienté mon choix…

Quelles sont vos missions en rapport avec la veille et l’IE aujourd’hui ? Y-a-t-il une réelle mobilisation autour de ces thématiques au sein de votre entreprise ? L’IE a-t-elle pu faire aboutir ou favoriser un ou plusieurs projets ?

Même si formellement certaines de mes missions ne relèvent pas fondamentalement du domaine de l’IE, je peux dire que je fais de l’IE tous les jours… Mais quand même pas comme Mr. Jourdain qui ferait de la prose sans le savoir… En bref, je m’appuie sur une mission de veille, ciblée sur les axes stratégiques de développement durable de SNCF, pour produire et diffuser de l’information utile auprès des décisionnaires de chaque branche d’activité. Dans certains cas, il m’arrive effectivement de porter plus particulièrement une idée et de « construire » sa transposition au sein du monde ferroviaire, jusqu’au point où elle sera mise en œuvre. C’est là ou ma connaissance des méthodes de l’IE, conjuguée à celle de l’entreprise où je travaille, devient un vrai atout pour emporter l’adhésion, mettre en lien les bonnes personnes… et oui, depuis ma prise de poste il y a un an, il y a quelques projets bien engagés…

Quels sont les outils que vous utilisez au quotidien (collecte, analyse, transmission, diffusion) ? Disposez-vous d’un budget dédié à la veille et l’IE ?

La Direction à laquelle j’appartiens est une petite entité de 15 personnes qui ne dispose pas de grands moyens pour investir dans des outils spécifiques pour la veille… Ces outils sont en général coûteux, et on pour vocation à être partagés par un grand nombre de personnes. Aujourd’hui, il existe bien des projets de plateformes collaboratives à l’échelle de l’entreprise, mais ils ne sont encore qu’émergents. Alors je fais avec les moyens du bord… Mais cette liberté me convient finalement assez bien…
Je me vois un peu comme une sorte d’artisan de l’information, qui choisirait lui-même ses propres outils, en fonction de la manière dont évolue sa vision du métier… c’est finalement une démarche assez créative, et plutôt stimulante. Cette réflexion me renvoie au propos de Richard Sennet dans son dernier bouquin, lorsqu’il soutient que « le programmateur informatique, l’artiste, et même le simple parent ou le citoyen font œuvre d’artisans »… Voilà décrites en une petite phrase les différentes facette de mon métier : veille, IE, DD et RSE… tout y est.

Quelle est votre opinion sur le panorama actuel et l’avenir de l’IE en France ?

En France, le paysage va je crois évoluer sensiblement, puisque vont être officialisées simultanément dans les prochains jours (le 11 mai pour être précis), la création de l’Institut de l’IE et le lancement du Portail de l’IE. Deux évènements qui, au-delà du symbole, vont être déterminants la promotion et la diffusion de l’IE auprès d’un public plus large, tout en contribuant à la démystifier. J’ai la conviction que l’IE doit être portée en France par des acteurs responsables, dont la crédibilité repose intégralement sur l’éthique à laquelle ils s’astreignent. L’EGE est d’ailleurs, avec d’autres, l’un des initiateurs et partie prenante importante dans ces projets.

Cette reconnaissance et cette visibilité de l’IE en France est incontournable, car je le mesure de près dans mon entreprise, la concurrence entre Etats, entre entreprises, devient plus vive, plus rude…. et les valeurs culturelles françaises nous préparent mal à cela. Historiquement, nos concurrents, allemands, anglais… et chinois sur les marchés internationaux sont beaucoup plus aguerris aux méthodes d’IE et de guerre économique… Voir par exemple, la signature il y a quelques jours par la Chine, d’accords préliminaires avec l’État de Californie pour la construction de la ligne de chemin de fer à grande vitesse San Francisco-Los Angeles… où encore le rachat d’Arriva, « soufflé » par la Deutsch Bahn à la SNCF…
et ce ne sont malheureusement pas les seuls exemples récents de gros marchés internationaux qui échappent à la France…

Mais je reste optimiste, et confiant dans mes pairs, et mes « pères »… et je m’efforce moi aussi au quotidien, de rendre lisibles pour d’autres, des signaux faibles, des évènements, dont l’apparente banalité n’a parfois d’égale que l’importance stratégique de leur chronologie et de leur déploiement…


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