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la décision du député-maire d'Avranches d'interdire de filmer en conseil municipal "entachée d'illégalité" .....

Publié le 29 avril 2010 par Avranches.infos @avranches_infos

Guenhael_Huet_2L'affaire de la caméra interdite arrive bientôt à son terme.
Le recours pour excès de pouvoir introduit devant le tribunal administratif de Caen par le responsable du blog "avranches infos" contre la décision verbale du député-maire Guénhaël Huet (photo à droite) interdisant de filmer la séance de conseil municipal le 30 mars 2009 était inscrit à l'audience de cette juridiction dans la matinée d'hier, mercredi 28 avril 2010.

Bien que représenté par un conseil, le blogueur a naturellement fait le déplacement sur la capitale régionale.
Le déroulement de l'audience va être relaté ci-après.

Avant, rappelons rapidement les moyens ou arguments du requérant visant à obtenir l'annulation de la décision du député-maire.
Sur la forme, la recours relevait que la décision verbale était illégale car non motivée dans les délais prescrits. Une décision verbale est assimilée à une décision implicite qui doit être motivée dans le mois suivant la demande. En l'espèce le député-maire d'Avranches n'a pas répondu à la demande de motivation.

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Sur le fond, la requête visait à démontrer que l'interdiction faite de filmer une séance de conseil municipal était illégale. La loi et la jurisprudence (décision de justice) autorise à capter par des moyens audiovisuels tout conseil municipal dès lors que cela ne trouble pas le bon déroulement de la séance. Ce qui était le cas puisque le caméscope était installé sur un trépied au fond de la salle dans l'espace réservé au public.

Le tribunal et l'audience.

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Le lieu. Le Tribunal Administratif se trouve 3 rue Arthur Le Duc face à l'hippodrome de la prairie (cf. plan).
Vingt audiences étaient inscrites à l'ordre du jour. Celle concernant «M. Groualle François contre la ville d'Avranches» (= son représentant le député-maire Guénhaël Huet) était en deuxième sur la liste (cf. document pdf).
L'explication est que les audiences sont ordonnées selon la provenance géographique des avocats. Fort logiquement, les avocats les plus éloignés ont leurs dossiers traités en priorité pour leur permettre de rentrer plus rapidement sur leurs lieux professionnels. Le cabinet d'avocat défendant la ville d'Avranches étant situé à Rennes, l'audience a été fixé en début de session.

Le décor. La salle d'audience se trouve au rez-de-chaussée à droite en entrant dans le bâtiment.

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Trois espaces peuvent être définis (cf. croquis à droite). Le premier est celui dédié aux magistrats et au greffe. Il est composé d'un large bureau derrière lequel siègent 3 magistrats (dont le président au centre et à sa droite le juge rapporteur). De chaque coté en retrait se faisant face se trouvent à droite la greffière (sur cette session), à gauche le rapporteur public. Et au milieu deux pupitres pour permettre aux avocats, s'il y a lieu, de s'exprimer.
Un buste de Marianne se trouve à l'extrémité droite de la salle .
Le deuxième espace est constitué de deux rangées de six bancs réservé aux avocats des demandeurs et des défenseurs et le troisième est matérialisé par un linéaire de banc pour le public. L'audience est naturellement publique.

L'audience.
Bien qu'ayant fait dans le passé des études de droit public à l'université de Caen, je ne m'étais jamais rendu au tribunal administratif.
L'examen de la première affaire (un recours en excès de pouvoir relatif à un licenciement) m'a permis de comprendre le déroulement d'une audience.
Le déroulement.
Le titre de l'affaire est annoncé par la greffière.
Le juge-président (ci-après le président) donne la parole au juge rapporteur qui rappelle les parties en présence, l'objet de la procédure et les prétentions financières tout en récapitulant les principales étapes de la procédure (dates du dépôt du recours et des différents mémoires déposés par les parties).
Le président ensuite demande aux avocats concernés s'ils ont des précisions à apporter au dossier. La procédure étant écrite, ces derniers n'ont généralement rien à rajouter et répondent les uns après les autres, après s'être levé, «je me rapporte à mes écritures».
Le président laisse ensuite la parole au rapporteur public dont le rôle est de donner le "droit" tant sur la forme que sur le fond par rapport à l'affaire en cause.
[Pour information, sauf rare exception, les magistrats dans leur jugement suivent l'argumentation du rapporteur général.]
Enfin, le président redonne la parole aux avocats pour qu'ils présentent d'éventuelles observations puis déclare que l'affaire sera mise en délibéré (en attente de jugement).
Et on passe à la seconde affaire, celle me concernant.

Etonnamment cette deuxième affaire allait être quelque peu différente de la première, mais aussi des suivantes dans le sens où un avocat allait porter des précisions supplémentaires et des observations.
Le juge rapporteur fait l'historique du dossier : un recours déposé le 18 mai 2009 visant d'une part à obtenir l'annulation de l'interdiction verbale de filmer et à d'autre part condamner la ville d'Avranches à 1500€ en application de l'article L761-1 du Code de Justice Administrative (1), une réponse de la ville d'Avranches datée 7 juillet 2009 visant au rejet du recours et à la condamnation du requérant à 3000€ en vertu de l'article précité, puis les dates de différents mémoires échangés.
Le président donna la parole aux avocats. Si mon "conseil" déclara se rapporter à ses écritures celui de la ville d'Avranches désira apporter des observations.
Après s'être déplacé vers le pupitre de droite il rappela «le contexte particulier de ce dossier». «Monsieur Groualle est connu de la municipalité». «Il dénigre l'action politique de la municipalité et de son maire» poursuit l'intéressé mentionnant des billets du blog, notamment celui «sur le clientélisme à Avranches en date du 27 mars», un autre billet où il est écrit «on prend les avranchinais pour des imbéciles» ou celui concernant «le marché bio» ou un autre sur «les diplômes du maire». L'avocat de la ville d'Avranches conclut son intervention en se recentrant sur le dossier disant que «le requérant n'a pas demandé l'autorisation de filmer avant la séance» puis retourne à sa place.
Le président donne la parole au rapporteur public.
Ce dernier rappelle qu'en date du 5 mai 2009 le requérant a adressé un courrier au maire d'Avranches pour obtenir la motivation de l'interdiction verbale de filmer.
Il informe que «toute décision verbale défavorable est considérée comme une décision implicite et qu'en application de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 (2), cette dernière doit être motivée dans le mois suivant la demande. (…) Le maire d'Avranches n'ayant pas répondu dans les délais imposés par la loi, la décision verbale est entachée d'illégalité».

Le vice de procédure étant constaté et constitutif d'annulation de la décision, le rapporteur public n'a pas jugé utile d'argumenter juridiquement sur le fond de l'affaire c'est à dire sur l'interdiction de filmer la séance du conseil municipal le 30 mars 2009.
Le président redonna la parole aux conseils. «Pas d'observation» coté demandeur tandis que l'avocat de la ville d'Avranches déclara ne pas être d'accord avec les conclusions du rapporteur public.
Le président annonce la mise en délibéré de l'affaire et laisse la greffière annoncer le dossier suivant.

Aucun commentaire ne sera fait sur cette audience en attendant le jugement qui devrait intervenir dans les toutes prochaines semaines.
A sa réception, il sera naturellement publié sur le blog et expliqué.
A suivre ...

renvois :
(1) L761-1 du Code de Justice Administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
(2) article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués.

François Groualle / avranches infos
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