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Escapades

Par Arielle

jeunesse.jpgComment supporter d’être enfermée dans une salle de classe alors que la marne est à proximité ? Je n’y tenais pas…

Profitant de notre vivacité d’esprit, ma bande et moi séchions les cours, toujours à l’imprévu…comme çà, spontanément. Il fallait juste passer la grille…chose aisée lorsqu’on est épris de grand large. Trois mètres à escalader et nous nous retrouvions sur les rives, à bonne hauteur pour se laisser tenter par quelques barques qui flottaient – bien vertes – ne demandant qu’à se rendre utiles. Que de merveilleux coups de rames avons nous donné aux flots chantants ! Quel bonheur de naviguer entre copains sur une eau calme, légèrement dorée par les rayons du soleil ! Quelle douceur de vivre, quelle joie lorsque nous croisions une péniche rentrant au port, quelle envie folle de se laisser mener par les flots….sans rien penser, juste sourire. Et puis quelle excitation de prendre et rendre les barques sans se faire coincer….parce que nous les rendions ! Comme çà, nous assurions notre prochaine embarcation…Ni vu, ni connu : c’était un emprunt.

Xavier faisait le guet, Jérôme levait l’amarre, Monsieur De Caille De Sénarpa dit « Le Noble » jouait les protecteurs tandis que Jean-Marie et moi – chacun une rame en main – menions le pas et vogue la galère ! Vogue, vogue au son des vagues…vagues de fraîcheur et de bonheur.

Le bonheur peut mener loin parfois !

Ainsi, par ce bel après midi de printemps,  notre embarcation dériva jusqu’à Melun en Seine et marne. La nuit tombant et ne sachant pas, du haut de nos douze / treize ans, la distance parcourue, nous abandonnâmes nos taxis de la marne pour enquêter au village... histoire de savoir quel était notre record. « Melun… vous êtes sûr que nous sommes à Melun ? Hé oui, ma p’tite, tu vois ces champs de blé là bas ? Merci, m’sieur... pouvez vous nous indiquer la route pour Paris ? Ben sûr c’est tout dret ! Mais cré ven Dieu vous n’êtes pas rendus ! ! ». Nous voilà donc le nez à l’air et le pouce aussi, sur cette route de campagne... priant le Bon Dieu de nous escorter au mieux. L’auto stop la nuit, sur une route non éclairée, ce n’est pas évident lorsqu’on est à peine adolescents ! Mais il faut absolument rentrer, alors on persiste. Finalement une voiture bienveillante nous remarque et nous mène à destination. Pas de bobo : nous avions dû être bénis entre tous les copains, pour notre bravoure.

Pour moi, la situation était sans conséquences. Papa, qui entre temps, avait monté une affaire d’auto école, rentrait à la nuit et maman, qui était devenue une femme d’affaires aux dents longues, rentrait encore plus à la nuit. (après minuit : c’est la nuit). J’étais entièrement libre et n’avais de compte à rendre à personne. Cette escapade à Melun était certes extraordinaire mais rien d’autre qu’un peu de piment parmi mes nombreux quatre cents coups de minuit…je ne craignais rien.

Par contre, Jean-Marie et nos trois acolytes, issus de familles bien rangées, pleines de valeurs sûres et d’abrutissement éducationnel, avaient du souci à se faire ! Chacun prétexta je ne sais plus quoi qui n’altéra pas nos futures sorties sur ce long fleuve tranquille.

Quant à Monsieur De Caille De Sénarpa….il prit un bon savon …….

Ma meilleure amie, Véra Trisson, jalousait quelques peu notre approche de la nature et me proposa une version légèrement plus élaborée, à bord de pétrolettes.

Trisson, tu me donnes le frisson !

Brune et d’un caractère affirmé, elle était issue d’une famille de « pieds noirs » rapatriée de Tunisie. Leur maison respirait la joie de vivre malgré leurs lamentations. Je n’ai que peu de souvenirs avec Véra mais ces moments furent intenses ! il est des visages qu’on n’oublie pas.

Ses parents lui avaient acheté un motocycle « Honda P50 » rouge et blanc. Ce fut l’occasion de me faire offrir exactement le même. J’abandonnais donc mon cher vélo pour goûter aux joies grisantes d’un moteur. Toutes les deux, nous faisions de magnifiques virées – fières comme larons en foire – juchées élégamment sur nos engins. Nous nous retrouvions près du lycée, toujours sur les bords de marne et partions à l’aventure découvrir notre région. Pourtant ce jour là, Véra n’était pas au rendez vous ! Je traçais donc les rives sauvages à sa recherche… Rien ! Pas âme qui vive ! Soudain j’aperçus – bercé par les flots – le P50 rouge. Véra, les yeux fixés sur son compteur tout neuf, s’était laissée guider par son moteur qui semblait être attiré plus par les ondes que par la terre ferme. Nos balades tombaient à l’eau….Véra aussi ! Adieu cyclo.

Jamais à cours d’idées, j’entraînais ma bande vers d’autres idéaux.

Dépassant le petit chemin bondé de nos aventures marines, nous découvrîmes – O joie – des champignonnières. Jeux de garçon manqué … jeux de vilains ! La puberté, ça travaille au corps. L’atmosphère humide et secrète des galeries sombres nous emportait de plus en plus loin.. les dédales des grottes n’avaient plus de mystères à mes yeux et nous nous y enfonçâmes avec peur mais sans reproches. Quelques bougies de fortune nous ouvraient la piste. Quelques mains au panier me rassuraient ! Rien de méchant : uniquement des tentatives  car j’étais le chef et un chef, ça se respecte ! J’avais pour force d’être seule à savoir retrouver  la sortie et il ne fallait pas abuser sinon je les laissais choir sans pitié dans ce grand trou noir. Nous étions vraiment bénis des Dieux car la première grotte s’effondra, heureusement en notre absence. C’est donc avec dépit que nous nous retrouvâmes à l’entrée condamnée « fermée pour travaux ». Un trou d’environ dix mètres sur dix faisait office d’accès direct….sauf qu’il y avait bien aussi dix mètres de profondeur ! Qu’allions nous faire face à ce piège ? Nous restâmes assis là, méditant…. calculant…

Le terrain vague regorgeait de fortunes : ferrailles, bouts de bois en tous genres, pneus épars et un peu de verdure. Mon instinct bricolo se dévoila soudain ! Ces planches là bas nous aideraient bien à masquer cet abîme si dangereux…Nous allions faire notre B.A - Bonne Action ou Bande d’Abrutis… au choix - nous rendre utiles et cloisonner cette ouverture pour que personne ne puisse tomber dedans. Tels de vrais ouvriers, nous nous mîmes à l’ouvrage. Les premières planches installées et très fiers de notre boulot, nous décidâmes d’arrêter là et de reprendre le lendemain.

Après une bonne nuit conseillère, nous voilà donc revenus sur les lieux, gais comme les sept nains de Blanche Neige, sifflant pour aller travailler. Nos planches gisaient toujours bien alignées au dessus du vide et semblaient nous inviter à leur grimper dessus. D’un pas timide et en bon chef, je montrais l’exemple. D’ouvriers nous étions devenus funambules. Magie des cerveaux d’enfants ! Passer d’un rêve à un autre, sans souci, sans tabou. Objectif : atteindre l’extrémité de la planche sans tomber dans les ténèbres. Les prémices se passèrent plus sur le popotin que sur les talons mais sans égratignure. Puis l’assurance nous gagnant, cette traversée de traverses devint du grand art. Nous passions agiles et souples dans un sens puis dans l’autre. Il n’y eut jamais d’accident. Nous étions tous des bons. Notre nouveau jeu s’arrêta sur dénonciation et la police nous délogea. Bonne roustre à la maison…sermons et sérénades ! Bon...tant pis, on trouvera un autre passe temps.

Le dénonciateur avait un cerisier dans son jardin. L’escalade ne nous faisait plus peur !  Plutôt que de descendre dans les grottes, nous allions porter notre vengeance à monter dans l’arbre. Les épouvantails n’avaient plus la loi, les moineaux perdaient leur monopole…très vite, les cerises périrent dans nos bouches. L’excitation était à son comble car pour atteindre le fruit défendu, il fallait braver les barbelés. Nos chromosomes se régalaient jusqu’au jour où Maître délateur se sentant affronté, braqua son fusil à sel sur nos fessiers, nous faisant tomber comme des mouches. Chutes, courses poursuite…notre adversaire finalement nous amusait. Nous revînmes tenter le diable à plusieurs reprises mais la leçon devait avoir une morale…Daniel eut les fesses criblées : une vraie passoire ! Le sel le minait, le rongeait : il hurlait. Triste fin que d’avoir le caleçon perforé après un si bon festin ! Adieu cerises et escalades, adieu vieux grognard de délateur. Nous disparûmes du quartier à tout jamais, imaginant d’ores et déjà notre prochain plan d’action, visant à utiliser à bon escient les beautés que nous offre Dame nature.

Tous les jeux résident dans les éléments essentiels à la vie. Nous avions déjà testé l’eau et la terre, il nous restait les joies de l’air et du feu……


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