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Environnement : la surchauffe administrative de Borloo

Publié le 04 mai 2010 par Juan
Environnement : la surchauffe administrative de BorlooJean-Louis Borloo est-il en surchauffe ? La loi GRENELLE 2, qui doit être l'application concrète des engagements du Grenelle de l'Environnement d'octobre 2007, parvient enfin à l'Assemblée Nationale ce mardi 4 mai. Le Sénat l'avait adopté en ... octobre 2009. Le projet avait été déposé une première fois en janvier 2009, il y a 14 mois. «Nous sommes à quelques jours de la fin du marathon législatif qui permet de rendre opérationnel l'ensemble des engagements» a-t-il expliqué samedi. Le projet de loi comprend 6 chantiers: «la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité, le développement d'une agriculture durable, la prévention des risques et la protection de la santé, la mise en oeuvre d'une gestion durable des déchets, et l'instauration d'une gouvernance adaptée à cette mutation écologique». En janvier dernier, le projet avait été présenté et adopté en Conseil des ministres.
Le gouvernement met en valeur les avancées du projet, sur six thèmes. Les remarques qui suivent s'appuient sur le texte adopté au Sénat. On a peine à y voir clair. La texte a été adopté il y a 9 mois par le Sénat, et voici l'Assemblée qui s'y colle. Jean-Louis Borloo se défend : «Il n'y a aucun recul politique. Mais ne soyons pas dupes, de telles avancées en si peu de temps n'arrangent pas tout le monde.»  Qu'en est-il véritablement ?  Qui est vraiment gêné par cette masse d'articles ? Les écolos... ou ... les lobbies industriels?
Le titre I relève de l'urbanisme. Son premier chapitre traite de «l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments». La loi y amende le code de la construction et de l’habitation pour favoriser la performance énergétique des bâtiments. Elle y ajoute ainsi, dans l'article 1, que le respect de la règlement thermique doit être attesté (pour les constructions neuves) ou évalué régulièrement (pour les bâtiments anciens). L'article 2 est à peine plus contraignant, en imposant des travaux d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012. Il autorise des eco-prêts à taux privilégiés en faveur des collectivités locales.
Le second chapitre est dédié à l'Urbanisme. La loi modifie ainsi le code de l'urbanisme, pour y ajouter de nouvelles règles. On s'attendait à de véritables contraintes. On est déçu. L'article 4 précise ainsi qu'un permis de construire ne peut empêcher «l’installation de systèmes solaires thermiques ou photovoltaïques ou de tout autre dispositif domestique de production d’énergie renouvelable, à l’utilisation en façade du bois ou de tout autre matériau renouvelable permettant d’éviter des émissions de gaz à effet de serre ni à la pose de toitures végétalisées ou retenant les eaux pluviales
L'article 6 prévoit que schémas de cohérence territoriale, plans locaux d’urbanisme et cartes communales seront libres de déterminer «l’équilibre entre le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé et le développement rural ; une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; et sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables». Rien de plus, rien de moins. Les articles suivants poursuivent l'élargissement de l'éventail de ce que collectivités et administrations locales peuvent déterminer pour favoriser le développement durable. Le ministre a raison en expliquant que sa loi est une boîte à outils. L'obligation de les utiliser viendra-t-elle un jour ?
Le dernier traite de la publicité extérieure, des enseignes et pré-enseignes. La pollution visuelle, par les panneaux d'affichage publicitaire, est visée par ce chapitre III. On est heureux de voir (enfin) interdire toute publicité. On est déçu de l'exemption accordée aux «lieux qualifiés “agglomération” par les règlements relatifs à la circulation routière» (article 15), aux environs des aéroports et des gares ferroviaires, ou même «à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération.»
Le titre II s'attaquait aux transports. Belle promesse ! Les «mesures en faveur du développement des transports collectifs urbains et périurbains» constituent le 1er chapitre. Le code des collectivités territoriales devra soit interdire soit rendre payant le stationnement des véhicules à moteur sur les voies publiques supportant des transports collectifs. Existe-t-il encore des coins sans parc-mètres en France ? Le même chapitre autorise la mise à disposition de bicyclettes par une communauté de communes... Sans rire ? Un prochain décret devrait aussi définir les règles de l'auto-partage (déjà en vigueur à Paris notamment). Les futures constructions de parking devront prévoir des équipements de câblage pour véhicules électriques. Et les entreprises qui proposent des parkings à leurs salariés devront les équiper de dispositif de recharge de véhicules électriques ou hybrides avant le 1er janvier 2015. Enfin une contrainte ! Une autre disposition autorise la création de péages urbains, mais rien de contraignant n'est prévu à l'encontre des déplacements en véhicules individuels, ni rien ne prévoit quoique ce soit en faveur du transport collectif. Au contraire, la loi spécifie que «le péage urbain ne peut être instauré qu’après la mise en place d’infrastructures et de services de transport collectif susceptibles d’accueillir le report de trafic lié à l’instauration du péage.» (article 22ter). Un curieux article (le numéro 20) s'est glissé, qui modifie le code de procédure pénale: il autorise les agents d'exploitants d'autoroute à verbaliser les contrevenants au péage.
Le Titre IV traitait de biodiversité. Vaste sujet. Ici encore, la même question : mais où sont les contraintes ? le premier chapitre s'attaque à l'agriculture et ses pesticides. Grande nouvelle, les produits phytopharmaceutiques devront être agréés pour leur distribution, les conseils à leur utilisation, ou leur application. Cet agrément sera délivré par une autorité administrative. Les certificats d'utilisation devront être renouvelés périodiquement. La loi ne précise aucune modalité sur ces dispositions, qui feront l'objet d'un décret ultérieur. La loi assouplit le secret professionnel en obligeant la publicité des caractéristiques techniques des pesticides. La dispersion de pesticides par voie aérienne est proscrite (sauf exception, cf. article 40bis). Petit gadget, un label « issus d’une exploitation de haute valeur environnementale » est créé (article 41). Pour l'agriculture bio, le gouvernement prévoit notamment la publication d'un rapport sur son approvisionnement en restauration collective.
le chapitre II définit une "trame verte" (espaces verts, espaces naturels, corridors écologiques, etc) et "une trame bleue" (cours d'eau, etc) au code de l'environnement : «la trame verte et la trame bleue ont pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural.» Pour ces zones, des consultations seront organisées pour définir besoins et objectifs. la loi engendre ses propres sous-Grenelles... les régions devront définir avec l'Etat des «schémas régionaux de cohérence écologique.»
La dernière partie, la plus volumineuse, traitait des risques, de la santé et des déchets. On y prévoit un renforcement de la surveillance de la qualité de l'air, la déclaration obligatoire des nanoparticules, et des restrictions sur l'usage des téléphones portables pour les plus jeunes. La loi spécifie aussi une expérimentation, à partir du 1er juillet 2011, de l'étiquetage de divers produits pour informer le consommateur de leur contenu en équivalent carbone. Nouveau gadget, la loi propose l'autorisation, pour les buralistes, de « distribuer » des cendriers de poche biodégradables d'une valeur inférieure à 7% du prix de vente du tabac acheté. Elle insiste aussi sur l'utilisation du papier recyclés pour les livres scolaires, les affiches administratives et et les tracts lors d'élections. Rappelons que c'est déjà le cas pour ces derniers.
Au total, la lecture de ce «monument législatif», comme le qualifie Jean-Louis Borloo, est inutilement fatigante. Un fatras sans doute nécessaire de procédures, de consultations, d'objets administratifs et autres schémas. Trente mois après la conclusion des rapport du Grenelle de l'Environnement, la France se dote d'une «boîte à outils» volumineuses, mais toujours pas d'engagements contraignants décisifs. Les interdictions, fussent-elles au nom du développement durable ou de la préservation des espèces, sont rares : affichage publicitaire, diffusion aérienne de pesticides, stationnement gratuit, publicité pour les téléphones mobiles pour des enfants de moins de 14 ans. C'est tout. Les obligations sont tout aussi rares.
De surcroît, l'ennemi se cache dans le détail... administratif. En l'occurrence, l'article 34 de la loi Grenelle 2 est un «monument» ... de dissimulation. L'installation d'installations éoliennes est ainsi soumise aux mêmes règles que les installations classées (article L. 511-2 du code de l'environnement), c'est-à-dire «les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation». ... à l'instar des usines chimiques.
Certaines associations se félicitent, ou plutôt se contentent de ces premiers pas. Elles espèrent que les députés - de droite - ne détricoteront pas davantage un projet déjà modeste.
Ces associations auraient dû lire, si ce n'est déjà fait, l'interview de Nicolas Sarkozy au magazine France Agricole. Il a rappelé le sens de ses déclarations anti-écolo du dernier Salon de l'Agriculture. «A partir du moment où vous avez une profession dont les plus chanceux ont perdu 35 % de leur revenu et les moins favorisés plus de 50 %, j’ai considéré que ce n’était pas la période pour leur imposer la moindre règle supplémentaire. Est-ce déraisonnable de parler ainsi ?». Mais surtout, Sarkozy a promis d'autoriser les «méga-camions» de 44 tonnes pour le transport de marchandises agricoles et agroalimentaires. Un joli cadeau...
 Ami sarkozyste, où es-tu ?
Crédit illustration FlickR CC Domib34

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