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Le web politique est-il de gauche ?

Publié le 10 mai 2010 par Delits

Deux études récentes semblent le confirmer : les sympathisants de gauche et d’extrême-gauche sont davantage actifs sur Internet que ceux du centre et de la droite.

internet

Dans la première vague de son Baromètre des usages sociaux et politiques du web, réalisée en septembre 2009 pour le think-tank Temps Réels, TNS Sofres estime que 45% des internautes ont une pratique politique d’Internet (signer une pétition, consulter le site d’un parti, participer à des discussions politiques, etc.), ce qui représente 30% de l’ensemble des Français.

Des sympathisants de gauche plus actifs politiquement sur Internet que ceux de droite


Résultat le plus croustillant, il semblerait que la proximité partisane soit l’un des facteurs les plus corrélés aux pratiques politiques (avec l’âge, le sexe et le niveau de diplôme notamment). Ainsi, 54% des sympathisants d’extrême-gauche et 47% des sympathisants de gauche exerceraient au moins une des formes de pratiques politiques décrites dans l’étude, contre seulement 42% des sympathisants de droite. L’IFOP, dans son Observatoire de la netcampagne réalisé en décembre 2009, confirme également cette tendance, en avançant des chiffres voisins.

Nous voici donc face à un résultat apparemment fiable, qu’il s’agit maintenant d’interpréter…

On pourrait objecter que ce résultat est fallacieux, qu’il ne fait que refléter le poids des jeunes générations sur Internet, jeunes générations généralement plutôt marquées à gauche qu’à droite. Il semblerait néanmoins qu’une analyse poussée des données détaillées permettrait d’écarter cette hypothèse.

On pourrait ensuite être tenté d’avancer une raison « structurelle » à cet avantage de la gauche sur la droite. La culture militante, active et prosélyte serait davantage ancrée à gauche qu’à droite, dans un imaginaire et un terreau plus fertiles : révolutions, grèves, agit-prop, mai 68, action syndicale…

C’est cependant un peu court, comme explication. On pourrait objecter avec raison que les deux bords politiques ont fait des efforts importants au cours des douze derniers mois. En témoignent le lancement des plateformes en ligne de sympathisants, la Coopol au PS et les Créateurs de possible à l’UMP, sans oublier, au centre, les Démocrates du Modem.

On pourrait enfin avancer une autre raison, plus « conjoncturelle ». La gauche est dans l’opposition depuis 2002, la nécessité de faire entendre sa voix se fait plus pressante. D’autant plus sur le web : il représente une alternative bienvenue aux grands médias traditionnels, dont l’appartenance pour beaucoup d’entre eux à de grands groupes industriels froisse les sensibilités de gauche.

Le paradoxe d’un « activisme pessimiste » à gauche


Mais le fait le plus frappant est que cette enquête TNS Sofres fait ressortir que ce sont ces mêmes sympathisants de gauche qui se montrent les plus méfiants vis-à-vis de l’influence d’Internet sur la vie politique, alors qu’ils sont les plus actifs sur la toile. A quoi attribuer cet « activisme pessimiste » ?

Là aussi, y aurait-il un effet de structure : il y à droite plus de personnes âgées et moins d’internautes, donc probablement plus de réponses de complaisance ou mal informées ? Rappelons que l’étude a été réalisée en face-à-face : n’y a-t-il pas un « effet enquêteur » à l’œuvre, le « vieux » sympathisant UMP n’osant pas répondre « pas du tout d’accord » aux questions sur l’influence d’Internet, de peur de paraître vraiment « à côté de la plaque » ?

Ou bien, comme l’avance Pierre Jougla de TNS Sofres dans un article de L’État de l’opinion 2010 consacré à cette étude, est-ce que les sympathisants de gauche, « plus actifs mais ayant subi deux revers coup sur coup, seraient donc plus prompts au scepticisme quant à l’influence qu’a leur mobilisation sur Internet dans la vie politique » ?

Pour y voir plus clair, on aimerait que ces baromètres, premiers essais méritoires de cartographie des pratiques politiques sur Internet, permettent d’aller plus loin dans les analyses. Pourquoi pas des batteries de questions sur les valeurs, les opinions, les raisons du choix d’une pratique politique assidue sur le web – ou de son absence ? Ou bien, pourquoi ne pas ajouter un volet qualitatif à ces enquêtes, qui permettrait de saisir, à travers des entretiens approfondis en face-à-face, les parcours de ces internautes engagés, à gauche comme à droite, ainsi que les raisons de cet engagement ?

Internet, outil et média politique entré dans la maturité ?


Un dernier résultat de ce baromètre TNS Sofres-Temps Réel laisse en effet songeur : à la question sur les pratiques politiques d’Internet, nombreux sont les Français qui répondent que non, ils n’ont jamais eu recours à ce type de pratique, et « ne pensent pas le faire à l’avenir ». Doit-on en conclure que le réservoir de mobilisation pour de nouveaux internautes militants est faible ? N’est-ce pas un premier signe de maturité du web politique, même ténu ?

L’Observatoire IFOP cité plus haut montre que les Français ont eu davantage confiance en la télévision (26%) qu’en Internet (20%) pour les informer sur la campagne des régionales, et qu’Internet n’arrivait qu’au quatrième rang des médias les plus utiles pour faire son choix aux élections, derrière la presse écrite régionale, la télévision et la radio.

Faut-il y voir un signe que le web a déjà atteint une forme de maturité, et trouvé sa place quasi-définitive dans le paysage médiatique et politique français ? Ou lui reste-t-il encore des réserves de croissance, notamment du fait de la poussée des jeunes générations « connectées » (les fameux Digital Natives) ? Encore faudrait-il que ces jeunes portent un intérêt aussi significatif à la politique « dans la vraie vie » qu’à Internet en général, ce qui est une autre paire de manches…

Marc-André Allard
Directeur d’études
Brain Value – Études & planning stratégique

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