Magazine Société

Dix questions sur le sauvetage européen

Publié le 11 mai 2010 par Icicmoi
Dix questions sur le sauvetage européen

1 Quel est le montant de l'aide proposée ?

Le plan de secours pourra atteindre, au total et si nécessaire, jusqu'à 750 milliards d'euros sur trois ans pour aider les pays de la zone euro en difficulté. La Commission européenne peut mobiliser immédiatement 60 milliards d'euros de prêts. Les pays de la zone euro, de leur côté, peuvent garantir des crédits à hauteur de 440 milliards d'euros qui seraient octroyés par un véhicule spécialisé (SPV pour Special Purpose Vehicle en jargon communautaire). Deux autres Etats membres de l'Union européenne ont décidé de participer à ce mécanisme : la Suède et la Pologne. Le Royaume-Uni a averti qu'il ne le ferait pas, sans toutefois s'opposer à sa mise en place. Enfin, le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé qu'il apportera une contribution additionnelle, sous forme de prêts, pour un montant total représentant la moitié de la contribution européenne, c'est-à-dire jusqu'à 250 milliards d'euros. Les économistes du Crédit Agricole relèvent que le montant total de l'aide disponible (750 milliards d'euros) est à mettre en rapport avec les besoins de financement du Portugal, de l'Espagne et de l'Irlande réunis, qui totalisent environ 600 milliards d'euros jusqu'en 2012…

2 Comment ça marche ?

La Commission pourrait débloquer 60 milliards d'euros, disponibles immédiatement sous forme de facilités à la balance des paiements. Elle a, en effet, proposé, et les ministres des Finances l'ont accepté, de créer un nouvel instrument, comparable à celui existant pour soutenir la balance des paiements des pays européens non membres de la zone euro. Il sera utilisé pour répondre aux besoins des pays qui ont adopté la monnaie unique. Les 60 milliards d'euros seraient levés sur les marchés par la Commission. Les 440 milliards seront empruntés par le SPV, un instrument de droit privé créé spécialement pour l'occasion, grâce à des garanties des pays participants. Cette institution a déjà fait ses preuves, l'exécutif communautaire en utilisant un, installé au Luxembourg, dans le domaine du capital-risque. Concrètement, chaque Etat membre de la zone euro émettra des garanties en fonction de sa quote-part au capital de la BCE, permettant ainsi au SPV d'émettre des obligations sur le marché, c'est-à-dire d'emprunter au bénéfice des pays qui demanderaient de l'aide. «  Nous avons ainsi créé un fonds de stabilisation européen qui sera à même de lever des fonds pour acheter de la dette des pays de la zone euro menacés », explique un des négociateurs. De son côté, le FMI pourra débloquer des prêts pour un montant total de 250 milliards d'euros selon ses procédures habituelles.

3 Reste-t-il des zones de flou dans le système ?

Les Parlements nationaux devront donner, dans certains pays comme la France et l'Allemagne, leur feu vert à l'octroi de garanties au SPV au moment de la création de ce véhicule. Sa gestion et son organisation seront ensuite confiées à la Commission, mais certains détails sur sa mise en place restent à régler, comme son statut ou encore le lieu de son siège. L'essentiel des négociations a porté, dimanche soir, sur le choix de cet instrument. L'Allemagne souhaitait un mécanisme encore plus intergouvernemental. La plupart de ses partenaires, France en tête, ont dénoncé les lenteurs de l'adoption du plan d'aide à la Grèce pour exiger et finalement obtenir le recours à ce véhicule. «  Nous avons profité d'une fenêtre historique pour arracher l'accord, chacun ayant bien conscience qu'une absence de décision des ministres des finances aurait provoqué une crise sans précédent », confie un négociateur. Selon lui, quelques semaines seront nécessaires pour résoudre les dernières questions, essentiellement de caractère juridique, encore en suspens.

4 En quoi s'agit-il d'un tournant par rapport à l'aide à la Grèce ?

Le plan d'aide à la Grèce repose sur un accord intergouvernemental entre pays de la zone euro et sur l'utilisation de prêts bilatéraux fournis par leurs soins. L'accord intervenu lundi matin s'organise, quant à lui, autour de deux piliers : une aide communautaire de type facilité à la balance des paiements et la création, par un accord intergouvernemental, d'un véhicule spécial géré par la Commission mais au service des Etats. Selon les experts, le recours à ce fonds sera beaucoup plus souple et plus rapide, les ministres européens des Finances étant parvenus à un accord sur la plupart de ses modalités d'utilisation.

5 La Grèce pourra-t-elle bénéficier de ce nouveau dispositif ?

Rien ne l'interdit en principe. Mais en réalité Athènes est déjà servi, puisqu'il a obtenu une aide de 110 milliards d'euros sur trois ans, autrement dit pendant la période d'utilisation du nouveau mécanisme. En toute logique, ce sont les autres pays victimes des attaques des marchés la semaine dernière - l'Espagne et le Portugal -qui pourraient solliciter l'intervention du nouveau fonds européen. Ces deux pays ont néanmoins annoncé qu'ils allaient présenter dans les prochains jours de nouvelles mesures d'assainissement budgétaires, qui seront examinées dès la semaine prochaine par les ministres européens des Finances. L'objectif étant de décourager la spéculation et d'éviter ainsi de recourir à l'aide européenne. Le gouvernement espagnol a fait savoir, hier, qu'il réduirait de 0,5 point de PIB son déficit public en 2010 et de 1 point en 2011, soit des coupes de 15 milliards d'euros supplémentaires.

6 Quel est le nouveau rôle octroyé à la BCE ?

La Banque centrale européenne (BCE) a mis fin à un suspense de quelques jours en décidant de recourir à des rachats d'obligations publiques, un fait sans précédent dans l'histoire de la monnaie unique. Le communiqué publié dans la nuit de lundi indique que l'institution est prête à «  conduire des interventions » sur les marchés obligataires privés et publics, lesquels ne fonctionnent plus normalement. Elle entend ainsi restaurer une «  transmission efficace de la politique monétaire » au bénéfice de l'économie de la zone euro. La BCE va ramasser de la dette publique grecque ou espagnole -sur le marché secondaire uniquement -afin de faire barrage aux spéculateurs et ramener les taux d'emprunt de ces pays à un niveau acceptable pour eux. L'inconnue demeure sur la quantité de dette souveraine qui est concernée. Le Conseil des gouverneurs aura à en décider prochainement, mais déjà la BCE entend «  stériliser » cette mesure en absorbant par ailleurs des liquidités sur les marchés. Ceci de manière à ne pas laisser cours à un risque d'inflation induit par une monétisation des dettes publiques. Par ailleurs, la BCE relance la mécanique des mesures non conventionnelles prises depuis 2008 pour conjurer la crise et qui étaient en voie d'extinction. Elle va à nouveau proposer aux banques des liquidités pour une durée de trois et de six mois au terme d'appel d'offres à taux fixe, toutes les soumissions devant être servies. De même, elle va reprendre les échanges de devises avec des grandes banques centrales pour permettre aux banques de la zone euro d'avoir plus facilement accès à des dollars.

7 Quel sera le rôle du FMI dans le dispositif ?

Le FMI fait masse en s'engageant sur quelques 250 milliards d'euros de prêts, mais il tient visiblement à rester discret sur son rôle dans le vaste plan de sauvetage européen. Il ne se présente que comme une formule d'appoint alors que son intervention dans le programme de financement de la Grèce a pu froisser des susceptibilités. « Si certains pays demandent de l'aide au nouveau mécanisme européen, et en même temps demandent un effort supplémentaire au FMI, nous serons heureux d'apporter notre contribution », a modestement commenté Dominique Strauss-Kahn, hier, en arrivant à Bâle pour une réunion de banquiers centraux à la Banque des règlements internationaux (BRI).Son éventuelle intervention n'aura d'ailleurs rien que de très traditionnel : elle ne se fera qu'au cas par cas, « pays par pays , sur la base de l'éventail des outils dont il dispose actuellement », a signifié le directeur général du Fonds. Quant à l'imposant montant de son aide financière, « il sera en gros dans la norme de nos récents arrangements avec l'Europe », « c'est à dire deux-tiers, un tiers, a-t-il ajouté.

8 Quelles contreparties exigera-t-on des pays qui bénéficieront de l'aide européenne ?

Ils devront d'abord démontrer qu'ils sont victimes « de circonstances exceptionnelles, échappant à leur contrôle », comme le précise l'article 122 du traité. Autrement dit de la contagion provoquée par la crise grecque. « Nul ne songe à le contester », explique toutefois un diplomate. Ils devront ensuite négocier avec la Commission et le FMI un plan de rigueur, comme ce fut le cas pour la Grèce. Les conclusions adoptées par les dirigeants de la zone euro, vendredi soir, sont sans ambiguïté sur l'importance de l'assainissement budgétaire. « En fonction de la situation propre à chacun de nos pays, nous sommes tous prêts à prendre les mesures nécessaires pour accélérer l'assainissement et assurer la viabilité des finances publiques », précisent-elles. Appelant ainsi à un nouveau tour de vis dans la plupart des Etats membres. Le rôle du FMI apparaît toutefois plus important qu'il semble vouloir le dire. Après son aide à la Grèce, qui pouvait apparaître exceptionnelle, l'engagement du Fonds monétaire « normalise » d'abord d'une certaine manière son intervention financière au sein de la zone euro. Et le fait que le FMI définisse en collaboration avec la Commission européenne les conditions des futurs prêts aux Etats _et donc un programme d'ajustement structurel crédible_ « est un point positif, mais également la confirmation déprimante que l'Union européenne est actuellement incapable de définir et mettre en oeuvre elle-même des conditionnalités », souligne Marco Annunziata, chef économiste d'UniCredit.

9 Le rebond des marchés va-t-il entraîner de lourdes pertes parmi les spéculateurs ?

Le rebond impressionnant des marchés d'actions a sans doute pris de court certains opérateurs. « Quand on regarde la forte baisse de la fin de semaine dernière, dans de très forts volumes, on peut penser que beaucoup d'investisseurs qui avaient acheté une protection contre le recul des marchés, via des options de vente notamment, se trouvent désormais pris à contre-pied », souligne Frédéric Buzaré, directeur de la gestion de Dexia AM. Les valeurs bancaires ont violemment remonté, signe de rachats importants de positions. De même, le rebond de l'euro est en grande partie le reflet de rachats massifs par des spéculateurs, jusque là positionnés à la vente sur la devise des Seize. Sur le marché des contrats à terme américains, les investisseurs non-commerciaux, autrement dit les « hedge funds », ont accumulé ces dernières semaines des positions nettes vendeuses sur l'euro inédites : au dernier comptage, le 4 mai, il y avait 103.000 contrats jouant la baisse de la monnaie unique. Un record. Avec les annonces exceptionnelles du week-end dernier, le marché n'est plus dans un seul sens et les spéculateurs se trouvent pris à revers. Par exemple, un investisseur qui avait acheté un contrat alors que l'euro s'échangeait contre 1,27 dollar, en anticipant un mouvement baissier, doit maintenant déboucler sa position en urgence pour limiter ses pertes, à mesure que l'euro s'apprécie au-dessus de 1,27 dollar, son point d'entrée. La quantité astronomique de contrats ainsi positionnés démultiplie l'effet. « A ce stade, je ne pense pas cependant qu'on assiste à un mouvement aussi violent que celui observé sur le yen en 1998 ou 2007, lorsque les investisseurs ont dû dénouer leurs positions de "carry trade" », confie Nordine Naam, chez Natixis.

10 Qu'est-il prévu contre les spéculateurs ?

Malgré les critiques, l'interdiction des CDS (« credit default swaps ») nus ne figure toujours pas au menu des régulateurs. Ces instruments, qui ressemblent à des contrats d'assurance sur la dette d'un Etat (le vendeur promet d'indemniser les pertes), facilitent la spéculation dans la mesure où ils peuvent être achetés par un intervenant qui ne détient pas d'obligations souveraines et n'a donc pas d'actifs à protéger. En achetant un CDS, on fait monter la prime d'assurance, donc la cote d'alerte sur la dette d'un pays. Il suffit en même temps de parier sur la chute des titres obligataires (en procédant à des ventes à « découvert ») pour empocher des gains. Cette technique - que l'on soupçonne d'avoir été utilisée contre la Grèce -a poussé les dirigeants politiques, en particulier Christine Lagarde, ministre de l'Economie, à vouloir agir. D'une manière générale, les voix s'élèvent de part et d'autre de l'Atlantique pour tenter de réguler le marché des produits dérivés échangés de gré à gré. Pour l'instant, seuls les projets d'imposer une chambre de compensation et une chambre d'enregistrement mettent tout le monde d'accord. En revanche, distinguer des CDS à usage purement « spéculatifs » pour les bannir semble techniquement très complexe. Dans la crise grecque, le fait de brandir la menace d'une régulation aurait quand même permis de calmer les attaques. Quoiqu'il en soit, un encadrement plus strict de ces instruments ne pourrait se faire qu'à l'échelle mondiale.
Les Echos

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Icicmoi 1 partage Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine