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Philippe Jaccottet reçoit le Grand Prix Schiller, à Soleure (Suisse)

Par Florence Trocmé

Philippe Jaccottet reçoit le Grand Prix Schiller, à Soleure (Suisse) 

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 Philippe Jaccottet fut très à l’honneur à Soleure, en Suisse, lors des Journées littéraires dont Poezibao a rendu compte (voir cet article) 
Il vient en effet d’être couronné par le Grand Prix Schiller qui lui a été remis au théâtre de Soleure, le jeudi de l’Ascension, 13 mai 2010. Le lendemain il a également donné une lecture, dans le cadre des Journées Littéraires 
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La remise du Prix Schiller 
La Fondation Schiller suisse rend hommage par son nom à Friedrich Schiller, l’auteur de Guillaume Tell, mais consacre son activité exclusivement à la littérature contemporaine des quatre régions linguistiques de Suisse.
Les objectifs les plus importants de la Fondation sont, selon les statuts : 
a) la distinction d’œuvres importantes de la littérature suisse par l’attribution de prix annuels.
b) L’attribution du Grand Prix Schiller tous les 4 à 6 ans. 
Le plus prestigieux des prix remis est en effet le Grand Prix Schiller qui compte parmi ses lauréats notamment Ramuz en 1936, Dürrenmatt en 1960, Denis de Rougemont en 1982, Maurice Chappaz en 1997 et donc Philippe Jaccottet en 2010. 
Le Stadttheater de Soleure était comble pour ce moment d’hommage très émouvant. Après l’intervention de Dominik Müller, président de la Fondation Schiller, un court intermède musical avec les trois premières danses de la Suite pour violoncelle seul de J.S. Bach, BWV 1009, interprétées par François Jaccottet (membre fondateur du quatuor Modigliani).  
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 Puis vint le temps des hommages proprement dits, en trois langues, avec les allocutions en français du poète Pierre Chappuis, né en Suisse, édité par José Corti, en italien de Fabio Pusterla et en allemand du critique Andreas Isenschmid.  
Les éditions la Dogana ont publié à l’occasion de ce Grand Prix un livre, Philippe Jaccottet, Le Combat inégal, avec un CD Audio, dont Alain Paire à rendu compte sur le site : lire sa note de lecture 
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La leçon de poésie de Philippe Jaccottet 
Le lendemain, vendredi 14 mai 2010, au Landhaus de Soleure, Philippe Jaccottet a donné une lecture, introduite et présentée par Marion Graf (traductrice de Robert Walser pour les éditions Zoé et active organisatrice des Journées littéraires de Soleure).  
On aura pu admirer une fois de plus l’immense modestie de Philippe Jaccottet qui n’a pas lu une ligne de lui-même, mais s’est appuyé sur une des deux anthologies qu’il a composées pour La Dogana* pour mettre en avant un certain nombre de poètes qui lui sont chers et importants et dont il pense qu’ils sont un peu dans l’ombre aujourd’hui ! Il a lui-même concédé avec un sourire que c’était un « choix suicidaire » eu égard aux quelque 300 personnes qui se pressaient dans la salle alors qu’il avait imaginé « un petit salon intime » !  
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 Parmi ses choix, au sein de l’anthologie, Supervielle. Qu’il a eu la chance de rencontrer à Paris par l’intermédiaire de Rogie André qui devait photographier le poète pour un livre chez Mermod qui malheureusement ne verra pas le jour. Magnifique lecteur, profondément inspiré par la prosodie des textes, Philippe Jaccottet lira notamment le poème Oloron Sainte Marie : « nous ne sommes séparés / que par le frisson d’un tremble ». Exemple de ce que « peut la poésie » dira Philippe Jaccottet avec « rien que les mots et le ton le plus simple ».  
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 Il passera ensuite à Jean Follain, dont il dresse le portrait comme quelqu’un de « plutôt laid, notaire de province mal dépoussiéré » mais qui le fait toujours penser aux silènes du Banquet de Platon, en raison de la « fraîcheur d’enfance inouïe » qui se manifestait presqu’à rebours de ces apparences. Il évoquera particulièrement deux livres de prose, Canisy et Chef Lieu, son art de creuser un détail infime et de déployer toute la profondeur du temps et de l’espace qu’on entend vibrer en sourdine dans chaque page. De Follain, il lira « Au pays », « L’Assiette » et « Plainte » : sous un ciel de silence accepté.  
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 Puis vient Henri Thomas, mort en « nonante trois », comme le dira en souriant Jaccottet qui n’oublie pas qu’il est en Suisse ! Il voit chez lui une « preuve persuasive que l’on peut encore recourir à la prosodie et à la rime » et dira aimer cette « beauté d’autant plus essentielle qu’elle ne livre jamais ses clefs ». Il aura été le voir dans son « mouroir », le même que celui que fréquenta Beckett et où il découvrit qu’il ressemblait à Baudelaire. De Thomas, il lira « Dénuement », « Derniers beaux jours », « Le Miroir de décembre », « La Mer du Nord ».  
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 Philippe Jaccottet évoquera enfin Louis-René Des Forêts disant que selon lui « Ostinato est un des plus beaux livres français du siècle dernier ». Il évoquera les Poèmes de Samuel Wood, le jeu sur le nom mais surtout le drame de la mort par noyade de la fille de l’écrivain qu’il dira obsédé par le chant, la musique et la presqu’impossibilité d’y atteindre aujourd’hui. Il lira trois fragments de Samuel Wood : « qui se fait un printemps de paroles nouvelles... « Silence. Veille en silence.... » et « Une ombre peut-être... » 
*Une Constellation tout près, poètes d’expression française du xxe 
siècle choisis par Philippe Jaccottet, voir le site de la Dogana 
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 Liens 
°Le site des Journées Littéraire de Soleure 
°Un dossier Philippe Jaccottet sur le site de la Fondation Schiller 
Le communiqué de la Fondation Schiller peut être lu en cliquant sur « lire la suite »; 

Photos (agrandissables par simple clic), ©florence_trocmé, de haut en bas Philippe Jaccottet, Dominik Müller, Pierre Chappuis, Fabio Pusterla, Andreas Isenschmid, Philippe Jaccottet, Philippe Jaccottet et Marion Graf (deux photos) 

Le communiqué de la fondation Schiller 
Après Maurice Chappaz, en 1997, la Fondation Schiller Suisse tient à honorer un des plus grands poètes de langue française du XXe siècle. Tout en résidant en France, à Grignan,  Philippe Jaccottet, né en 1925 à Moudon, est resté très attaché à la Suisse romande. Son œuvre poétique repose sur un équilibre fragile entre la beauté du monde et le travail de la mort. Elle porte en elle cette voix juste que l'homme d'aujourd'hui réclame, parfois à son insu. Depuis quelques années, l'œuvre de Jaccottet s'est inscrite dans les programmes d'études, signe de reconnaissance pour cette poésie qui témoigne de la force d’une parole nécessaire au monde contemporain. Une poésie de la simplicité fondée sur la responsabilité et la résistance aux forces destructrices. Comme son maître Gustave Roud, Philippe Jaccottet est aussi un remarquable traducteur des grandes œuvres du patrimoine universel: Homère, Hölderlin, Rilke, ou encore Musil et Ungaretti. On lui doit encore de nombreux essais sur la littérature et les arts. 
La Fondation Schiller Suisse ne voulait pas manquer l'occasion de saluer l'œuvre exceptionnelle de cet écrivain, et lui décerne donc son Grand Prix, d'un montant de 30'000 francs suisses. Le Grand Prix Schiller est décerné tous les cinq ans. La remise de ce Prix aura lieu le jour de l'Ascension, le 13 mai 2010 à Soleure, au Stadttheater à 16 heures. Les Editions La Dogana, à Genève, publieront à cette occasion un ouvrage en plusieurs langues: Philippe Jaccottet: Le combat inégal


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